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The Mary Tyler Moore Show

4.24 - Bilan de la Saison 4

The Lou Grant Show

dimanche 4 août 2013, par Jéjé

Il y a dans cette saison deux ou trois des meilleurs épisodes du Mary Tyler Moore Show (jusqu’ici). Et pour sûr ses deux moments les plus déchirants [1]. Pourtant, je dois concéder que je reste un poil déçu par le recentrage drastique des intrigues sur la newsroom.

Où sont les femmes ?

C’est ainsi que la vie sentimentale de Mary passe très rapidement au second plan et disparait quasiment de l’écran. En tout et pour tout, Mary fréquente [2] trois hommes durant la saison : un plus jeune qu’elle dans l’épisode le plus raté (4.02 - Angels in the Snow), un présentateur de JT (4.16 - WJM Tries Harder) et un présentateur d’émission sportive dans trois épisodes différents.
Ce fait exceptionnel, c’est la première fois que Mary a une relation à peu près suivie (4.05 - Hi There, Sports Fans, 4.08 - Lou’s First Date, 4.21 - Ted Baxter Meets Walter Cronkite), n’est étrangement pas abordé par la série, il n’est l’objet d’aucune discussion entre Mary et Rhoda, d’aucune question de la part de ses amis, rien.
Tout ce qui concerne la situation maritalo-sentimentale de Mary, porte d’entrée importante des reflexions féministes dans la série, semble vraiment abandonné.

Son célibat a peut-être atteint le stade ultime de la conquête sociétale, l’indifférence, mais la priver ainsi des questions féminines/féministes diminue grandement l’intérêt du personnage et les faire porter seulement de temps en temps par les personnages féminins secondaires diminue leur importance au sein de la série.
D’autant que leur traitement se révèle par certains aspects plus maladroit que d’habitude.
A commencer par le fond. Par exemple, dans le season premiere (4.01 - The Lars Affair), Phyllis se rend compte que son mari la trompe. Elle passe le reste de l’épisode à tenter avec l’aide de Mary et Rhoda de le récupérer, sans qu’aucune n’envisage une seule seconde la possibilité d’une séparation.
Sur la forme, le fait que ces préoccupations soient la plupart du temps reléguées aux seules répliques de Rhoda, connue pour son auto-dérision et sa provocation, les rabaisse au niveau de la simple lubie d’un personnage particulier. (Je trouve plus fort pour la série un clin d’oeil sur la pilule impliquant Mary qu’un bon mot sur l’avortement par Rhoda.)

Rhoda est le personnage est qui souffre le plus de la nouvelle focalisation de la série sur la newsroom.
Comparse essentielle de Mary au cours des trois premières saisons avec laquelle elle formait un duo aussi important que celui avec Lou, elle est rétrogradée au niveau de Murray en ne devenant qu’une machine à "one-liner" peu impliquée dans les intrigues générales.
Seuls trois épisodes la mettent au premier plan, dont un délocalisé à New York qui ressemble plus à un tour d’essai (très réussi) pour son spin-off (4.03 - Rhoda’s Sister Gets Married) qu’un épisode du Mary Tyler Moore Show et un autre, où, alors qu’elle semble vraiment tomber amoureuse, un événement en soi, les scénaristes se sont sentis obligés pour la première fois de faire co-exister sur le même plan une autre intrigue [3]... avec un chimpanzé (4.09 - Love Blooms at Hemples).
Par trois fois (trois fois !), elle est carrément absente des épisodes. Et les tentatives artificielles de l’intégrer davantage aux histoires de la newsroom en fin de saison ne peuvent faire disparaître l’idée que les scénaristes ne savaient plus quoi faire avec elle dans la nouvelle configuration de la série.

Une Mary sans vie sentimentale, une Rhoda effacée et une Phyllis présente dans seulement quatre épisodes signe la fin d’une ère que je ne m’imaginais pas si précoce.

Cette surprise explique sûrement pour partie ma déception évoquée initialement.
L’autre partie incombe à Betty White (et à l’idée que je me faisais de son arrivée triomphale dans la série).

Partout, j’avais lu qu’elle rejoignait la distribution en quatrième saison.
Elle fait bien son apparition dans le season premiere : c’est elle, l’autre femme, celle qui séduit le mari de Phyllis. L’épisode fait même un joli travail de définition de son personnage, croqueuse d’hommes prenant l’allure d’une parfaite femme d’intérieur et présentatrice de l’émission intitulée "The Happy Home Maker" sur WJM.
Mais il faut attendre dix épisodes avant de la revoir. Et elle ne fera que trois autres apparitions. Juste de quoi donner envie.
Cette saison n’est donc qu’une mise en bouche de Sue Ann Nivens, j’attendrai donc encore un peu pour profiter pleinement de Betty White dans la série.

Je reconnais que mes récriminations concernent essentiellement des attentes pour cette saison qui n’ont pas été satisfaites.
J’avais été tellement séduit par la saison précédente que j’aurais bien vu la série continuer pendant quelque temps sous cette forme, mais je commence à me dire que ses changements de ton, ses utilisations parcimonieuses de personnages secondaires, ses évolutions thématiques participent d’une ré-invention permanente et subtile à l’origine de sa brillance sur le long terme.
Jusqu’à présent, chaque saison a son identité propre [4], ce qui me rend, en dépit d’un enthousiasme légèrement retombé, toujours aussi impatient de découvrir les prochaines.

Les (très) bons côtés de la saison

Cette quatrième saison n’est donc pas celle de Sue Ann Nivens, c’est en revanche celle de la confirmation pour Georgette, la petite amie naïve et bienveillante de Ted. Celle-ci continue d’être un contre-point précieux aux défauts de Ted tout en étant, c’est nouveau, capable de porter sur ses épaules l’un des épisodes les plus drôles de la saison (4.14 - Almost a Nun’s Story) et de former des duos charmants avec Mary ou Rhoda.

Mais surtout, c’est la saison de Lou et de Edie.
En découvrant que la continuité ne passe pas uniquement par le retour de certains guest stars (les personnages font désormais régulièrement référence dans les dialogues à des événements qui se sont produits dans de précédents épisodes), la série utilise vraiment pour la première fois un événement particulier et ses répercussions comme fil conducteur des situations dans de nombreux épisodes.
La séparation de Lou et de Edie, sa femme, se produit très tôt dans la saison dans ce qui est mon épisode favori de la série (4.04 - The Lou and Edie Story). Rarement ai-je vu une fin de couple aussi tragique : ce n’est pas qu’Edie n’aime plus Lou, mais étant devenu sa femme et la mère de ses enfants très tôt dans sa vie, elle a l’impression de n’avoir jamais vécu pour elle-même et de pas savoir vraiment qui elle est (la série se souvient tout de même ses racines féministes).

Edie : "I want to learn more about the rest of me. Not just the part that’s your wife."
(J’ai envie d’en savoir plus sur le reste de moi. Pas seulement sur la partie qui est ta femme.)

Lou se retrouve impuissant, il ne peut rien faire pour la garder et doit alors apprendre à vivre tout seul et à fréquenter d’autres femmes.
Cette situation aboutit à un rapprochement avec Mary, leur relation toujours plus tendre illuminant les scènes qu’ils partagent [5].

Il n’est alors pas étonnant qu’un événement avec aussi peu d’enjeux que le licenciement de Mary (il ne fait aucun doute qu’à la fin de l’épisode elle fera toujours partie de la newsroom) se révèle d’une puissance émotionnelle exceptionnelle du simple fait que c’est à Lou que cette décision incombe (4.20 - Better Late... That’s A Pun... Than Never). L’annonce de son licenciement ou ses adieux à la newsroom ont étrangement correspondu à un terrible dysfonctionnement de mon système lacrymal.
Si les épisodes en rapport avec le célibat nouveau de Lou n’atteignent pas tous le même degré d’excellence, ils partagent tous une mélancolie si sincère et si inhabituelle qu’il est probable qu’ils rendent aux autres épisodes un peu dure la tâche de faire sourire et pleurer les spectateurs.

Ainsi, même si je préfère dans sa globalité la saison 3 à celle-ci, les épisodes associés à cette intrigue sont sûrement les plus forts que la série ait produite.
Ce qui n’est pas la moindre des réussites pour une saison que j’ai qualifiée de décevante (jugement que je réviserai sûrement dans quelques temps, à coup sûr)..

Des femmes et des hommes... Ecrits par des femmes et des hommes

A ce stade de la série et de son évolution, il pourrait ne plus apparaître opportun de distinguer les épisodes écrits par des femmes des autres.

Pourtant, dans cette dernière saison où un tiers des épisodes sont encore écrits par des femmes (il n’y en aura plus que quatre en saison 5, trois en saison 6 et aucun en saison 7), on constate un retour à une répartition genrée des thèmes et des personnages.
La vie sentimentale de Mary et le personnage de Rhoda n’existent que dans les épisodes écrits par des femmes. Et parmi elles, seule Treva Silverman, scénariste historique, prend en charge des épisodes centrés sur les hommes de la newsroom.
Sue Ann Nivens, elle, apparaît exclusivement dans des épisodes écrits par des hommes (elle est une création d’Ed Weinberger). De la même façon, les deux épisodes qui offrent une grande place à Georgette sont de la main du même Weinberger.

Je ne veux pas tirer de conclusions hâtives, mais la nouvelle garde de personnages féminins écrite par des hommes, composée d’une simple d’esprit dévouée à l’homme qu’elle aime et une séductrice invétérée prompte à jeter son dévolu sur les hommes mariés, me paraît moins progressiste que l’ancienne...

— 4.02 - Angels in the Snow (Monica McGowan Johnson & Marilyn Suzanne Miller)
Mary sort avec un jeune homme de huit ans son cadet.

Pas franchement terrible. Les blagues sur les différences d’âge tournent assez vite court et la représentation de la jeunesse des années 70 est un peu poussive.

Blague assez osée sur l’avortement :
Rhoda (à sa plante) : "Not to much love, fur’. You get pregnant, I’m not paying for the pruning."
(Pas trop d’amour, Fur’ Si tu tombes enceinte, je ne paierai pas pour l’élagage.)

— 4.03 - Rhoda’s Sister Gets Married (Karyl Geld)
Les Morgenstern minimisent l’importance du mariage de leur cadette pour ne pas blesser Rhoda.

Episode très drôle sur la perception du bonheur de ses enfants qui ressemble à un back-door pilot pour Rhoda.

— 4.04 - The Lou and Edie Story (Treva Silverman)
Lou et Edie se séparent.

Drôle et déchirant. L’un de mes épisodes favoris, avec un Ed Asner exceptionnel qui arracherait des larmes au plus insensible des êtres humains.

Lou : If you plan in marching back to me, I’m warning you… I’ll take you right back."
(Si tu as prévu de revenir vers moi, je te préviens... Je te reprends sur le champ.)

— 4.09 - Love Blooms at Hemples (Sybill Adelman & Barbara Gallagher)
Rhoda tombe vraiment amoureuse. Mais peut-être un peu trop vite.

Une très jolie intrigue pour une Rhoda formidable, un peu gâchée par une histoire de chimpanzé inutile dans la newsroom.

— 4.16 - WJM Tries Harder (Karyl Geld)
Mary fréquente le présentateur du JT d’une chaîne concurrente et devient frustrée du manque de moyens de son équipe.

Rhoda est cantonnée à une spectatrice du JT de WJM dans cette démonstration un peu niaise du "quand on veut, on peut !"

— 4.19 - Best of Ennemies (Marilyn Suzanne Miller & Monica Johnson)
Mary et Rhoda sont fâchées et ne s’adressent plus la parole.

Quelques références féministes dans les répliques (Gloria Steinberg, woman’s lib...) dans un épisode banal sur une crise d’amitié qui font regretter la saison 3.

— 4.20 - Better Late… That’s a Pun… Than Never (Treva Silverman)
Mary est licenciée de WJM par Lou suite à une faute professionnelle.

Toute la puissance de la série est dans cet épisode formidable.
Un nouvel exemple de la relation Lou-Mary qui guide cette saison.

— 4.24 - I Was a Single for WJM (Treva Silverman)
WJM tente d’organiser un direct dans un bar pour célibataires.

Plat et pas franchement drôle.
Le Mary Tyler Moore Show a vraiment du mal avec ses épisodes de fin de saison.

Mes épisodes favoris

Parmi les précédents :
— 4.03 - Rhoda’s Sister Gets Married (Karyl Geld)
— 4.04 - The Lou and Edie Story (Treva Silverman)
— 4.20 - Better Late… That’s a Pun… Than Never (Treva Silverman)

— 4.07 - Son of ’But Seriously, Folks’ (Phil Mishkin)
Un ex de Mary est embauché dans la newsroom.

Le retour (vraiment pas attendu) de Jerry Van Dyke aboutit à l’une des séquences comiques les plus réussies de la série avec un Ted Knight formidable et un Murray hilarant.

— 4.08 - Lou’s First Date (Ed Weinberger & Stan Daniels)
Mary prend en charge le premier rendez-vous romantique de Lou.

Un épisode réussi typique de la série, drôle et touchant.
Sûrement l’un des meilleurs de la série.

— 4.10 - The Dinner Party (Ed Weinberger)
Mary est obligée d’organiser un dîner au moment où elle se rend compte que ses soirées sont loin d’être courues.

Hilarant, avec un Ted formidable de méchanté envers Mary.

Ted : "You have missed parties where you would have fallen in love with that Mr. Right you’ve been so desperately seeking. Yes, Mary, he was at one of my parties !"
(Tu as raté les soirées où tu aurais pu tomber amoureuse de l’homme parfait que tu cherches désespérément. Oui, Mary, il était à l’une de mes soirées !)

— 4.12 - We Want Baxter (David Lloyd)
Phyllis convainc Ted de se présenter pour la primaire démocrate à l’élection municipale.

Un premier épisode plaisant de David Lloyd, futur pilier de la série, avec une Chloris Leachman on fire.

— 4.18 - The Co-Producers (David Pollockard & Elias Davis)
Mary et Rhoda tentent de produire une émission avec Ted et Sue Ann.

La seule tentativeréussie d’intégrer Rhoda aux histoires de WJM. L’épisode, très drôle, finit cependant par mettre en avant Lou et Sue Ann.

NB : Pas grand chose à dire sur le contexte télévisuel, la saison 1973/1974 se situant dans la lignée de la précédente avec la suprématie des productions de Norman Lear dans les audiences et une reconnaissance toujours très forte du public, des critiques et des Emmys pour le Mary Tyler Moore Show (même si All in the Family garde pour la 4ème la statuette de meilleure série comique).
Au rang des nouveautés, une petite pastille nostalgique qui ne semble pas trouver son public, Happy Days, fait son apparition sur ABC.

Au regard de la stabilité du paysage audiovisuel s’oppose un bouleversement des répères de la société américaine qui fait face à la crise de l’énergie et au premier choc pétrolier, à une inflation galopante et au scandale du Watergate, événements auxquels font discrètement référence certaines répliques du Mary Tyler Moore Show.
Ils provoqueront bientôt une modification de l’état d’esprit des spectateurs et de leur demande en matière de divertissement télévisuel, mais pour l’instant et pour beaucoup, la soirée du samedi de 1973/1974

8:00 - All in the Family
8:30 - M*A*S*H
9:00 - MTM Show
9:30 - The Bob Newhart Show
10:00 - The Carol Burnett Show [6]

constitue la meilleure line-up de comédies jamais mise à l’antenne, avec des saisons très solides de cinq chefs d’oeuvre d’humour. Même à l’époque de sa soirée auto-proclamée "must see tv" du jeudi dans les années 90, NBC ne fut capable pas d’aligner autant de comédies réussies.


Je suis fin prêt à suivre en parallèle la saison 5 du MTM Show et la saison 1 de Rhoda.

[1C’est ma façon masculinement correcte de dire que la série m’a fait pleurer deux fois.

[2Pfff, je n’arrive pas à trouver de meilleur équivalent en français pour "to date".

[3Dans le Mary Tyler Moore Show, les épisodes n’ont qu’une seule intrigue générale avec de temps en temps une deuxième intrigue, beaucoup plus mineure.

[4Bien pratique pour ce type de bilans !

[5Je l’ai déjà dit dans les bilans précédents, mais je n’ai pas d’autre choix que de me répéter : Ed Asner est un acteur prodigieux. J’ai hâte de voir ce qu’il va pouvoir donner dans Lou Grant, son spin-off en forme de drama.

[6Emission de variétés et de sketches considérée aux USA comme une référence en la matière.

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