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The Mary Tyler Moore Show
6.24 - Bilan de la Saison 6
The New Mary Tyler Moore Show
mercredi 18 décembre 2013, par
Mary s’ennuie… et c’est tant mieux !
Cette saison, les scénaristes ont reconnu que l’absence de Rhoda et de Pyllis avaient changé la dynamique de leur série. Ils ont assumé le fait que Sue Ann et Georgette, aux personnalités bien différentes des deux premières, ne pouvaient les remplacer et que la situation émotionnelle de Mary s’en trouvait affectée.
Dès le deuxième épisode (6.02 - Mary Moves Out), les nouvelles de Phyllis et de sa nouvelle vie à San Fransisco qu’elle reçoit [2] force Mary à s’interroger sur la sienne. Elle se rend compte que rien de nouveau ne lui est arrivé et décide de déménager.
Ce changement de décor, comme le montre la conclusion de l’épisode, ne résout que très partiellement sa situation, mais la problématique soulevée justifie enfin que la série s’oriente davantage vers sa famille de la newsroom et, ce, dans une configuration renouvelée. Mary, se sentant également dans une impasse d’un point de vue professionnel, tente de faire bouger les lignes qui définissent sa position sur son lieu de travail.
On le voit particulièrement dans sa relation avec Lou. Elle n’hésite plus à entrer ouvertement en conflit avec lui, et va jusqu’à jouer son poste pour être en accord avec ses principes (6.22 - A Reliable Source), avec une assurance qui se retrouve également dans leurs rapports personnels (6.19 - Menage à Lou). Elle tente dans cette saison de se positionner en égale et de s’affranchir du lien "paternel" qui la lie à son patron.
Sur les rapports de Mary avec les trois hommes de la série, je ne peux que conseiller la lecture de The Mary Tyler Moore Show : Women at Home and at Work, un court essai [3] de Serafina Bathrick, universitaire américaine spécialiste de la condition féminine dans la culture populaire, qui montre que la newsroom est un endroit beaucoup plus rétrograde qu’il n’y paraît et que Mary n’y est célébrée que pour ses qualités féminines traditionnelles : son obéissance de "fille", son admiration de "soeur" et sa bienveillance de "mère". [4]

La mélancolie naissante de Mary n’a cependant rien de plombant pour la série. Elle rend encore plus complexe et émouvante sa première rencontre avec l’amour (6.11 - Mary Richars Falls In Love).
Et, surtout, cette saison est sûrement la plus drôle de toutes jusqu’à présent.
A son humour caractéristique, plus lié aux personnalités et aux réactions des personnages qu’aux situations, revendiqué depuis ses débuts, la série a renforcé (essentiellement sous la plume de David Lloyd, nouveau scénariste phare de Mary Tyler Moore) le "comique de répliques" dont Murray et Sue Ann ont été faits les fer-de-lance. Ces deux personnages, précédemment plus en retrait au vu de leurs personnalités peu développées, trouvent enfin leur place (et peuvent même enfin être au coeur d’épisodes très réussis, comme 6.04 - Murray’s In Love et 6.08 - Mary’s Deliquant.)
Ted, ainsi moins proéminent que dans la saison précédente, devient un élément humoristique essentiel en second couteau aux apparitions bien dosées.
Avec cette saison, Mary Tyler Moore entre vraiment dans sa deuxième période et s’assume pleinement comme une comédie au travail, hilarante qui plus est [5].
Même s’il reste en filigrane quelques réflexions autour de la condition féminine à cette époque-là, la série semble avoir définitivement passé le flambeau de la comédie féministe à Rhoda.
Des Femmes, des hommes et un clown écrit par David Lloyd
Seuls trois épisodes ont une femme comme scénariste, et sur ces trois, deux sont écrits à quatre mains avec un homme.
Rhoda est évidemment la grande responsable de la fuite des cerveaux féminins, puisque dès la production du pilote, sa writers room comptait huit femmes, quasiment toutes formées sur Mary Tyler Moore. Jennifer Keishin Armstrong explique que beaucoup d’entre elles souhaitaient écrire spécifiquement pour leur personnage de télé favori, et "que ce n’était pas une coïncidence que nombre d’entre elles étaient comme Rhoda des jeunes femmes juives de la côté est [6]."
— 6.08 - Mary’s Deliquant (Mary Kay Place & Valerie Curtin)
Mary s’inscrit au programme Big Sister.
Le meilleur Betty White Show à ce jour pour un épisode hilarant, avec une Sue Ann déchaînée.
Sue Ann : Mijote mon petit cassoulet tranche de jambon. If you speak french to food, it tries harder.
— 6.15 - What Do You Want to Do When You Produce ?" (Shelly Nelbert & Craig Alan Hafner)
Murray devient le producteur de l’émission de Sue Ann.
Peu de Mary dans un Murray-centric pas vraiment excitant (pour preuve, c’est Ted qui a la réplique la plus drôle de l’épisode) et un brin misogyne :
Lou décide de s’impliquer dans les problèmes de Murray seulement quand il le trouve dans une situation vraiment humiliante, à savoir vêtu d’une robe de femmes...
L’épisode se termine sur Murray qui regagne sa dignité en humiliant Sue Ann qu’il jette sur le gâteau qu’elle a mis 15 jours à faire.
Non, vraiment pas formidable.
— 6.18 - Once I Had A Secret Love (Pat Nardo & Gloria Banta)
Mary trahit la confiance de Lou.
Les deux scénaristes phare de Rhoda reviennent à la maison pour un épisode poignant qui s’autorise la minute trente sans rires enregistrés la plus déchirante de la série.
Lou : Mary, do you know what it’s like to wake up next to a stranger.
Mary : Sure.
David Lloyd, avec dix épisodes, écrit à lui tout seul près de la moitié d’une saison qui confirme mes impressions sur lui : c’est le Aaron Sorkin de l’époque.
Il est en effet à l’origine du meilleur épisode de la saison (6.02 - Mary Moves Out), des seuls épisodes réussis centrés sur Murray, il parvient toujours à faire de Ted un formidable second rôle, il crée cette saison en deux épisodes l’un des personnages de guest stars les plus aboutis (Aunt FLo) et il a sûrement produit les one-liners les plus percutants de la série.
A côté de tout ça, il aussi écrit les deux épisodes les plus ratés de la saison, l’un où Mary agit en totale contradiction avec ce qu’est son personnage et sa situation sentimentale du moment, et l’autre qu’il gâche avec l’un des guest les plus pénibles (et les plus paresseux) de la série.
Mais surtout, cette saison-là, David Lloyd entre dans le Panthéon de l’Histoire Télévisuelle Américaine avec 6.07 - Chuckles Bites The Dust, épisode de comédie devenu mythique quasiment dès sa diffusion et dont la renommée n’a cessé de croître au fil des listes de fin d’années et de décennies.
Pour TVGuide qui le plaça en 1999 en tête des 100 meilleurs épisodes de séries, il est sans conteste "l’épisode le plus mémorable, le plus examiné et le plus influent de tous les temps".
Il est, d’après la légende, le premier épisode à s’être amusé du tabou de la mort. On suit en effet les réactions de la newsroom à l’annonce de la mort de Chuckles le clown, un personnage récurrent de la série, écrasé par un éléphant alors qu’il était déguisé en cacahuète. La majorité de son humour vient du décalage entre Mary, qui garde un visage grave pendant la quasi totalité de l’épisode et ses collègues, qui ne peuvent pas s’empêcher de rire des circonstances de la mort de Chukles, jusqu’à ce qu’elle craque et tente vainement de s’empêcher de pouffer pendant les funérailles.
Naturellement, 6 ;07 - Chuckles Bites The Dust ne pouvait pas se révéler à la hauteur de son mythe, mais pour moi c’est pour l’un des rares épisodes qui apparaît vraiment daté.
On sent que l’épisode est conscient de briser une règle et qu’il en est tellement satisfait qu’il ne joue quasiment la même note (le rire face à la mort) du début à la fin. (Il faut dire que je trouve en plus qu’il n’y a rien de moins drôle que regarder des gens exploser de rire à leurs propres blagues). La seule source d’humour alternatif vient d’un mobile avec des formes d’aliments dont Mary se sait que faire et frôle la grosse paresse.
Je reconnais que Mary Tyler Moore est exceptionnelle dans la scène des funérailles, mais même après un deuxième visionnage, je reste perplexe devant le mythe.
— 6.02 - Mary Moves Out (David Lloyd)
Mary a l’impression que sa vie stagne et décide de déménager.
Un parallèle formidable entre la répétitivité du format des sitcoms et le quotidien de la vie de Mary Richards. Etourdissant de maîtrise, de drôlerie et de mélancolie.
L’un des meilleurs épisodes de la série.
— 6.04 - Murray’s In Love (David Lloyd)
Murray pense qu’il est amoureux de Mary.
La première grande réussite avec un Murray hilarant et touchant au premier plan et un Ted Baxter en second rôle parfait.
— 6.06 - Mary’s Aunt (David Lloyd)
Journaliste renommée, la tante de Mary ne fait pas l’unanimité dans la newsroom lors de sa visite.
Un excellent épisode sur les femmes pionnières dans le monde du travail avec une séquence formidable (dans laquelle Lou tente de faire comprendre à Mary les répercussions qui pourraient avoir lieu à sa demande de faveur personnelle) et un Ed Asner magistral.
— 6.07 - Chuckles Bites The Dust (David Lloyd)
Bof, bof, on l’a dit.
— 6.09 - Ted’s Wedding (David Lloyd)
Ted épouse Georgette dans l’appartement de Mary.

Un épisode qui contourne habilement les affres de l’"épisode spécial", emporté par une Sue Ann Nivens hilarante.
— 6.10 - Lou Douses An Old Flame (David Lloyd)
Mary organise une bachelor party pour Ted tandis que Lou retrouve son premier amour.
Episode attachant grâce une nouvelle fois au talent d’Ed Asner.
— 6.13 - The Happy Homemaker Takes Lou Home (David Lloyd)
Sue Ann parvient à passer une soirée romantique avec Lou.
Deux jolis moments de comédie physique (Mary qui oscille au rythme de son invité alcoolisé, le bras de fer entre Lou et Sue Ann...) mais l’épisode est plombé par une guest star du niveau de pénibilité des premières saisons.
— 6.14 - One Boyfriend Too Many (David Lloyd)
Mary est chamboulée par le retour d’un ancien prétendant.
Un désastre.
On trouve une Mary soudainement hésitante face à l’homme qu’elle aime (elle a tout de même appelé Rhoda quelques épisodes auparavant pour faire part de ses sentiments) sous prétexte qu’un ancien prétendant la courtise, un revirement en totale contradiction avec son personnage et sa situation du moment.
Etrange.
— 6.20 - Murray Takes A Stand (David Lloyd)
Murray décide de dire ce qu’il pense au nouveau directeur de la chaîne.
Un épisode sympathique.
Murray : "I don’t think people should bring their work to bed. Except for Masters and Johnson."
— 6.21 - Mary’s Aunt Return (David Lloyd)
C’est le retour de la tante de Mary, la pionnière du journalisme féminin.
C’est Red Team, Blue Team, 30 avant de The Good Wife.
Excellent épisode (avec un très bonne utilisation de Ted) dans lequel Flo se révèle un formidable antagoniste à Lou.
Mary Tyler Moore est hilarante quand elle ne parvient plus articuler de phrases complètes.
Mes épisodes préférés
Parmi ceux déjà cités :
— 6.02 - Mary Moves Out (David Lloyd)
— 6.04 - Murray’s In Love (David Lloyd)
— 6.08 - Mary’s Deliquant (Mary Kay Place & Valerie Curtin)
— 6.18 - Once I Had A Secret Love (Pat Nardo & Gloria Banta)
— 6.21 - Mary’s Aunt Return (David Lloyd)
— 6.03 - Mary’s Father (Earl Pomerantz)
Mary pense qu’un prêtre est tombé amoureux d’elle.
Fantastique épisode autour de Mary et de son rapport avec les hommes, avec une guest star très bien écrite et très bien jouée par Ed Flanders.
— 6.11 - Mary Richars Falls In Love (Ed. Weinberger & Stan Daniels)
Tout est dans le titre.
Une des grandes réussites de la saison à la conclusion très surprenante (et une conversation téléphonique de 2 minutes 30 avec Rhoda).
— 6.16 - Not With My Wife (Bob Ellison)
La vie sexuelle des Baxter laisse à désirer.
L’épisode le plus explicite de la série en ce qui concerne le sexe.
Un Ted centric vraiment réussi, avec une Georgette déterminée et une expression positive de la libido féminine.
— 6.22 - A Reliable Source (Richard M. Powell)
Suite à un désaccord éthique avec Lou,Mary envisage de démissionner.
Un joli épisode basé sur les liens professionnels entre Lou et Mary et un clin d’oeil sur le salaire des femmes, dans une B-story avec Sue Ann.
Plus qu’une saison. Avec le meilleur "finale" de tous les temps. C’est Tina Fey qui le dit.
[1] Vous savez, cette espèce de ressenti global mystérieux qui finit par faire office de vérité définitive, cet avis général grâce auquel on sait que The Wire est la meilleure série du monde, que Seinfeld est une série géniale sur le presque rien et que le pilote de The Neighbors est la pire chose qui soit arrivée à l’humanité…
[2] Rappelons-nous qu’en saison 5, il avait fallut attendre un tiers de la saison avant que l’absence de Rhoda ne soit évoquée.
[3] Jane Feuer, Paul Kerr and Tise Vahimagi, MTM ’Quality Television’, The British Film Institute, 1984, 99-131
[4] Her same capacities to listen and mediate in this context are less directed towards a larger critique of woman’s place in the society, and are consistently associated with her obedient ’daughterly’, admiring ’sisterly’, and her accepting ’motherly’ qualities. (Page 123)
[5] à quelques épisodes près.
[6] Mary & Lou & Rhoda & Ted - Chapitre 13 - Girl, This Time You’re All Alone (1974)