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The Good Fight
2.07 - Day 450
Trump 1 - The Good Fight 0
vendredi 20 avril 2018, par
Cela dit, depuis deux épisodes, ça va un peu mieux. D’un point de vue du traitement des intrigues et des personnages, ça part toujours un peu dans tous les sens, mais thématiquement, ça se resserre un peu.
The Good Girlfriend
La grossesse de Cush Jumbo a permis aux scénaristes de concevoir une trajectoire un peu cohérente à l’un des personnages phares de leur série et d’explorer une situation dont les enjeux peuvent se développer sur le long terme et avec une jolie habilité dans cet épisode.
Je prends un grand plaisir à voir Lucca confronter l’image fantasmée d’une jeune professionnelle enceinte dont la carrière ne serait pas impactée par un événement aussi banal qu’une grossesse et la réalité des réactions de tout·es celles et ceux qui l’entourent. Les moments où elle se rend compte qu’elle est privée de la légitimité de ses émotions au prétexte qu’elle serait dans la phase des « sautes d’humeur » de sa grossesse ou qu’elle est associée pour certain·es au cliché raciste de la « black pregnant plantation girl » font partie des meilleurs exemples récents de la force des King depuis The Good Wife et Braindead à pointer avec humour des comportements et attitudes contemporaines problématiques.
Cette grossesse leur permet également de jouer avec l’un de leur gimmicks favoris, les effets de symétrie, puisque Lucca devient ainsi une Alicia 2.0. En effet, elle découvre que le fait d’être la mère du futur enfant d’un candidat potentiel au Congrès, en l’occurrence Colin, l’expose aux travers d’une vie publique (comme en témoignent les tweets injurieux à son encontre) mais également à l’acquisition d’un pouvoir non négligeable si elle parvient à la gérer correctement.
Je trouve cet effet de miroir avec The Good Wife assez malin (et plus enthousiasmant que les recours systématiques à ses guests stars) mais j’aurais préféré qu’on nous laisse le savourer sans nous imposer un bon mot bien explicatif (« We’re not excepting you to be the good little wife or girlfriend, that’s the old playbook, it stopped working in 2016 » [1]) et que le cynisme de la famille Morillo dans cette histoire soit un peu plus explicité et dénoncé.
En effet, les tweets aux consonances racistes qui conduisent Lucca à répondre et à créer un buzz autour d’elle sur les réseaux sociaux sont le fait de la mère de Colin et du publiciste qu’elle a engagé pour mener la campagne de son fils. Ils sont l’occasion d’une scène très réussie où Maia minimise les implications racistes de ce qui est écrit sur Twitter qui montre que la perception de l’oppression n’est pas la même quand on fait partie de celles et/ou ceux qui subissent l’oppression et qu’on fait partie de celles et/ou ceux qui observent l’oppression.
Lucca : « So I’m a black girl, a black pregnant plantation girl. »
Maia : « I don’t think it implies that ! »
Lucca : « Sure it does, let me see. »
J’aurais bien aimé que la série soit aussi réprobatrice des agissements de la mère de Colin, car à la fin de l’histoire, Lucca n’apparaît qu’en contrôle très relatif, elle n’est pas au courant de l’origine des tweets initiaux, et la grande bénéficiaire de l’instrumentalisation du racisme se retrouve être la famille de Blancs privilégiés.
Trump parvient à tout gâcher
Les mêmes difficultés de positionnement se retrouvent dans la grande intrigue de Day 450, qui voit le cabinet être auditionné par le groupe Démocrate à la recherche d’une équipe pour faire aboutir une procédure d’impeachement de Trump en cas de victoire aux élections de mi-mandat.
L’audition est menée par Margo Martindale dont le rôle se limite à modérer les débats entre Diane, Liz, Adrian et Julius sur la stratégie à adopter mais en regard de l’utilisation des autres guest stars issues de The Good Wife se voit mieux traitée que les autres. Puisqu’on est dans les points positifs, je ne peux qu’apprécier que l’épisode soit (enfin) en accord avec son générique et souligner ses efforts pour creuser l’état d’esprit de Diane.
Persiste malheureusement le problème de la légitimité de sa rage et de sa frustration face à l’élection de Trump dans la formule de la série. Elle est montrée comme étant le personnage le plus affecté par le résultat de l’élection de 2016, celle qui l’a pris de la façon la plus personnelle, alors qu’elle travaille au sein d’un cabinet à très grande majorité afro-américaine. Elle n’est jamais vraiment confrontée par ses collègues et donc par la série au fait que le backlash que constitue l’arrivée de Trump après Obama est d’une violence bien plus intime pour elles et eux que pour elle.
Avec une femme démocrate à la Présidence, Diane aurait pu être une alliée utile dans le combat juste du cabinet contre le racisme systémique de la société américaine, il est probable que la formule de The Good Fight aurait mieux fonctionné pour le personnage dans cette configuration.
Avec Trump, elle apparaît isolée, en décalage un peu indécent dans ses réactions et finalement un frein par sa fébrilité dans la mise en oeuvre du combat juste.
La conclusion inattendue de cette intrigue, avec la proposition pour Liz de quitter le cabinet, a un goût un peu amer. La série n’aurait-elle pas mieux fait de conserver Barbara jusqu’en mi-saison et de lui offrir cette porte de sortie, plus élégante que celle qui lui a été donné dans le season premiere ? D’autant plus que les scénaristes semblent aussi peu intéressé·es par Liz qu’elles et ils ne l’étaient par Barbara.
The Bad Girlfriend (who isn’t a lawyer)
On ne peut pas leur faire ce reproche avec Maia. Elles et ils font tout pour que l’on ne l’oublie pas depuis la conclusion de son affaire feuilletonnante en début de saison. Comme personne n’a l’air décidé d’en faire une avocat·e utile et compétente, l’associer avec Marissa n’est pas en soi une mauvaise chose, puisque cela nous permet de passer plus de temps avec cette dernière, le véritable troisième personnage féminin central de The Good Fight.
Mais se focaliser uniquement sur la vie sentimentale de Maia me semble contre-productif. Dans les séries américaines, la règle fondamentale est que l’on peut tout pardonner à un personnage s’il est hyper bon dans son travail. De Mad Men à Urgences en passant par Grey’s Anatomy, le salut vient de la compétence. On pourrait supporter qu’elle reste une riche héritière qui ne s’est pas une seule fois interrogée sur les fondations de sa vie de privilèges (à l’instar de John Carter), si elle faisait des exploits dans le prétoire ou dans la préparation des dossiers, mais elle ne semble justifier sa présence que pour ramener d’autres « enfants abîmées de riches et puissants » et ancrer un peu plus The Good Fight dans le monde des nanti·es qui, même si elles sont lesbiennes, n’ont pas grand chose à craindre de Trump et ont l’air de s’en ficher royalement.
Si je trouve les épisodes un peu plus intéressants, je reste très sceptique sur la capacité de la série à faire fonctionner son projet avec les personnages de Diane et de Maia.
Allez, Nico revient au prochain épisode et on croise tou·tes les doigts pour que... Hmm... Je n’ai plus d’espoir... J’ai vu la bande annonce...
[1] Assez drôle sur le moment, je dois le reconnaître, mais qui diminue l’impact de l’effet.