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:: Chroniques > A l’écoute du CSA ::

Période 1 : Octobre 2004 - Janvier 2005

par François Sénac

A cette nouvelle chronique correspond avant tout un objectif d'information des membres, sympathisants du FLT ou simples internautes sur les activités du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Souvent dénigrée, à tort ou à raison, cette autorité administrative indépendante a une activité assez prolifique.
Il serait regrettable de négliger pour autant d'autres aspects, plus institutionnels, mais tout aussi intéressants. Surtout, dans la mesure où ce sont ces derniers qui nous permettent de comprendre les actions et les inactions du C.S.A. C'est pourquoi chaque chronique sera débutée par un bref exposé sur l'institution de manière à en apprendre un peu plus sur elle. Ensuite, un développement sera consacré à l'info principal du trimestre puis vous aurez l'immense plaisir [NDC :je sais, il y a peu de chance pour que vous ayez lu la chronique aussi loin] de lire une synthèse chronologique de l'activité du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

KESAKO n°1 : La mise en demeure ?

« Mise en demeure ». Le terme est courant sur le site du C.S.A. et pourtant sa signification n'est peut-être pas des plus évidentes. Issu du latin demori ... Je rigole ! Mais une définition ne serait pas superflue. Il s'agit d'une interpellation en forme de sommation de se conformer à un comportement donné. La mise en demeure est généralement une étape préalable à la saisine d'une juridiction. Par exemple, si quelqu'un vous doit de l'argent, vous ne pouvez pas aller devant le juge tout de suite, vous devez d'abord lui demander, « officiellement » en quelque sorte, de s'acquitter de sa dette.
Appliqué à notre espèce, qu'est-ce que cela signifie ? Le C.S.A. doit demander solennellement à une chaîne de respecter une règle qu'elle a enfreint avant de pouvoir la sanctionner. Un problème sérieux apparaît : on ne peut jamais sanctionner la première infraction à une règle. « Stupide, ridicule, illogique », me direz vous. Je suis d'accord. Mais force est d'admettre que cette règle a été imposée au C.S.A. contre sa volonté. Elle est l'œuvre du Conseil constitutionnel, dans une décision du 17 janvier 1989 rendue à l'occasion de l'examen de la constitutionnalité de la loi qui créa l'institution du C.S.A. telle qu'on la connaît actuellement (elle existait avant sous un autre nom). Le juge constitutionnel a admis que le C.S.A. soit investi d'un pouvoir de sanction à condition que le prononcé de toute sanction soit obligatoirement précédé d'une mise en demeure adressée à l'opérateur fautif et restée sans effet. L'autorité administrative indépendante, très circonspecte à l'égard de cette exigence, a dans un premier temps refusé de s'y plier. Par exemple, dans sa décision n°89-269 du 21 décembre 1989, elle infligea, sans mise en demeure préalable, une sanction pécuniaire de cinq millions de francs à la société « La Cinq ». Mais le Conseil d'Etat, juge d'appel des décisions du C.S.A., a fait prévaloir la thèse du Conseil constitutionnel. Depuis, le C.S.A. se conforme systématiquement à l'exigence de mise en demeure préalable. The end ...

GROS PLAN SUR : L'article 15 de la loi du 30 septembre 1986

A deux reprises, le C.S.A. a sanctionné des chaînes étrangères pour le non respect de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986. Cet article a une importance fondamentale, je vous laisse juger de cela par sa lecture :

« Le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille à la protection de l'enfance et de l'adolescence et au respect de la dignité de la personne dans les programmes mis à disposition du public par un service de communication audiovisuelle.
Il veille à ce que des programmes susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne soient pas mis à disposition du public par un service de radio et de télévision, sauf lorsqu'il est assuré, par le choix de l'heure de diffusion ou par tout procédé technique approprié, que des mineurs ne sont normalement pas susceptibles de les voir ou de les entendre. [...]
Il veille en outre à ce qu'aucun programme susceptible de nuire gravement à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne soit mis à disposition du public par les services de radio et de télévision.
Il veille enfin à ce que les programmes ne contiennent aucune incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de moeurs, de religion ou de nationalité. »


Dans la décision du 17 décembre 2004, le C.S.A. a prononcé la sanction suprême à l'encontre de la société Lebanese Communication Group SAL, soit la résiliation unilatérale de la convention lui permettant de diffuser ses programmes. Cette décision est intervenue après que le C.S.A. ait déjà averti le groupe en question de l'incompatibilité de propos tenus les 14 septembre, 8 octobre et 10 octobre 2004 avec l'article 15 de la loi de 1986 sur l'audiovisuel. Il s'agissait plus précisément du dernier alinéa relatif à l'incitation à la haine ou à la violence. Après une première réunion entre les conseillers et les dirigeants de la société, de nouveaux propos litigieux furent tenus le 2 décembre 2004 par la présentatrice du journal télévisé de la chaîne Al Manar. Le C.S.A. a donc décidé de mettre fin à la diffusion de cette chaîne.

Dans une décision du même jour, le C.S.A. a mis en demeure la société Télévision française juive (TFJ) de se conformer avec l'article 15 de la loi de 1986. Il était reproché à la chaîne d'avoir diffusé le 13 octobre 2004 une séquence présentant une scène non fictive d'égorgement et de décapitation.

Cet article 15 possède un potentiel considérable. La question qui doit nous occuper, membres et sympathisants du F.L.T. est la suivante : peut-on utiliser cet article pour réclamer la sanction des émissions de Trash TV ? L'article débute de cette manière « Le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille [...] au respect de la dignité de la personne dans les programmes mis à disposition du public par un service de communication audiovisuelle » . Le C.S.A. ne peut-il, ne doit-il, pas intervenir pour mettre un terme aux émissions qui polluent les ondes hertziennes ? Mais que faire de la liberté d'expression, la mettre de côté ?

Beaucoup de question, peu de réponses, cette chronique prend la tournure d'un mauvais article. Intéressons nous plutôt à l'activité récente du C.S.A.

La chasse aux analphabètes - Octobre 2004.

Le C.S.A. a fait une découverte de la plus haute importance. Elle fait passer l'exploration des satellites de Saturne pour du « pipi du chat » [NDC : j'avais la flemme de trouver un synonyme pour « insignifiant ». J'aurais certes pu utiliser ordinaire, futile, inconsistant, piètre, quelconque, ... mais ça n'a pas le même cachet, vous en conviendrez].
Tenez vous bien : les animateurs télés ne respectent pas les règles de conjugaison ! Et le gouvernement qui ne fait rien ... Dans sa Lettre d'octobre 2004, l'assemblé de « sages » a en effet tiré la sonnette d'alarme. Vous ne me croyez pas, voici quelques extraits cités par le Conseil : « À l'oral, ce sont le futur et le conditionnel présent qui sont le plus fréquemment écorchés : "vous metteriez" pour "vous mettriez", " vous résolverez" au lieu de "vous résoudrez" » . Si il est toujours bien de stigmatiser l'analphabétisme des animateurs télés, force est de constater que cela relève plus du poncif que de la nouvelle du siècle.

Le respect de la dignité des victimes - Novembre 2004.

M6 a été mise en demeure [NDC : comme quoi mon « késako » n'était pas inutile, hein ? ] en raison du reportage intitulé "Folie meurtrière" de l'émission Zone interdite diffusée le 30 novembre 2003 sur son antenne. Ce reportage portait sur l'arrestation d'un homme schizophrène qui venait d'assassiner sa mère, et sur les premières investigations conduites par la gendarmerie. Le Conseil a été saisi du fait que ni le père ni le frère du coupable n'avaient donné leur consentement au tournage et à la diffusion des séquences qui les concernaient et que les circonstances de l'affaire traitée les rendaient identifiables. Le C.S.A. a donc estimé que la chaîne n'avait respecté ni les droits relatifs à l'image, à l'honneur, à la réputation et à la protection de la vie privée inscrits à l'article 10 de sa convention, ni les conditions de recours aux procédés permettant de recueillir des images et des sons à l'insu des personnes filmées ou enregistrées mentionnées à l'article 21 de cette même convention.

Vade de retro pornographe ! - Décembre 2004

Le CSA a arrêté, en assemblée plénière le 15 décembre 2004, en concertation avec les chaînes hertziennes puis avec celles du câble et du satellite, un dispositif reposant sur une classification des programmes en différentes catégories. Chaque catégorie est assortie d'une signalétique par tranches d'âge (-10, -12, -16 et -18). La catégorie la plus élevée est la catégorie V, ainsi définie : "les oeuvres cinématographiques interdites aux mineurs de 18 ans ainsi que les programmes pornographiques ou de très grande violence, réservés à un public adulte averti et susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs de 18 ans". Selon le C.S.A., l'accroissement important du nombre de diffusions de ces programmes, le constat, à travers les mesures d'audience, qu'un nombre non négligeable de mineurs y sont exposés, et la mise en relief de leurs effets négatifs, notamment par plusieurs rapports officiels ont accru la prise de conscience de leur grande nocivité pour les enfants et les adolescents. C'est pourquoi, la Haute instance a annulé et remplacé la délibération du 25 mars 2003 et la recommandation n° 2003-4 du 21 octobre 2003 par une nouvelle recommandation, plus sévère à l'égard des programmes de catégorie n°5. Parmi les éléments importants de ce nouveau texte, on note que la diffusion de programmes de catégorie V n'est possible qu'entre minuit et cinq heures du matin, les programmes de catégorie V ne peuvent être accessibles dans le cadre d'offres promotionnelles à des personnes n'ayant pas fait le choix de s'abonner au service et d'avoir accès à ces programmes.

Les films X sont le cheval de bataille ou la tête de turc de l'institution selon les opinions. On peut difficilement lui reprocher de veiller à la nature et à la qualité des programmes diffusés sur le PAF. Il est évident qu'une prolifération de la pornographie serait une catastrophe. Néanmoins, il convient de faire un constat et une critique. Devant l'explosion de l'internet haut débit, il y a fort à parier que la Bataille à mener contre la pornographie, si elle a lieu d'être menée (ce qui est une autre question ...), se déroulera sur le web. Par ailleurs, on peut regretter que la « croisade » du Conseil n'ait pas pour cible les programmes les plus pernicieux. Ces programmes, sous couverts d'une étiquette d'émissions tout publiques, sont plus dangereux pour les enfants. Parce qu'ils bénéficient de la tolérance des pouvoirs publics, des professionnels de l'audiovisuel, le système de « valeurs » (voyeurisme, se satisfaire de la souffrance des autres, non respect de la dignité de la personne humain, etc.) qu'ils véhiculent se répand avec d'autant plus de facilité dans l'esprit des jeunes.

Le CSA fait sa pub. - Janvier 2005

Depuis le 3 janvier 2005, les chaînes diffusent un message qui incite les adultes à être attentifs aux recommandations faites par les chaînes à travers les signaux -10, -12, -16 et -18 qui figurent sur certains programmes. Inspiré des campagnes de préventions pour la sécurité routière et la lutte contre le tabagisme, ce spot ne semble pas très convaincant. Cependant, il nous donne l'occasion de se replonger sur la signalétique. La signalétique existe depuis longtemps. Son existence est salutaire mais force est de constater qu'on n'y fait pas vraiment attention et, plus grave, qu'on ne sait pas forcément à quoi elle correspond. Lorsque les programmes comportent des scènes de violence ou d'érotisme qui risquent de choquer les plus jeunes, lorsque le sujet abordé risque de les perturber, le public est averti par la mention " déconseillé aux moins de 10 ans ". Ils ne peuvent pas être programmés à l'intérieur des émissions pour la jeunesse, mais peuvent être diffusés en journée. Lorsqu'un programme risque de perturber les repères d'un enfant de moins de 12 ans, notamment parce que le scénario recourt de façon systématique ou répétée à la violence ou évoque la sexualité adulte, le public est averti par la mention " déconseillé aux moins de 12 ans ". Ces programmes sont diffusés essentiellement après 22h, mais peuvent l'être ponctuellement à 21h (les chaînes cinéma et les chaînes de paiement à la séance sont soumises à un régime différent). Les programmes qui risquent de perturber les repères des jeunes de moins de 16 ans, notamment les programmes érotiques ou ceux qui présentent de violence particulièrement impressionnantes, sont déconseillés aux moins de 16 ans. Ces programmes sont diffusés après 22h30 (les chaînes cinéma et les chaînes de paiement à la séance sont soumises à un régime différent). Les films interdits aux mineurs de 18 ans ainsi que les programmes pornographiques ou de très grande violence, réservés à un public adulte averti, « peuvent nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ». Les conditions de diffusion sont sévères comme nous l'avons précédemment vu.

Comment pourrions nous finir cette chronique sans saluer l'arrivée des deux nouveaux membres du C.S.A., Mme Sylvie Genevoix et Mme Michèle Reiser. Bienvenues mesdames, il va de soi que nous comptons sur vous. La TNT, la trash TV et encore plein de chose vous attendent, bon courage et bonne chance !

Promis juré, la prochaine chronique sera moins longue.
A bientôt ...