Le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel veille et le F.L.T. surveille : plein feu sur l'activité des sages du PAF pour les derniers mois ...
KESAKO n°3 : Combattre les anglicismes - La défense de la langue française à la télévision (1/2)
Parmi les fonctions attribuées au C.S.A. par le législateur, la défense de la langue française occupe une place significative. L'article 3-1 de la loi 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication donne pour tâche au Conseil de veiller
« à la défense et à l'illustration de la langue et la culture françaises » . Cette mission comporte plusieurs volets. Pour cette première approche du problème, je vous propose de nous concentrer sur un des aspects les plus importants : la lutte contre la prolifération des anglicismes à la télévision.
La mission de protection du patrimoine linguistique francophone n'est pas une mince affaire. Loin de jouer les Don Quichotte de l'audiovisuel, le C.S.A. est face à un véritable enjeu. La surabondance de termes anglais ou anglicisés à la télévision menace la qualité de la langue française mais surtout plaide pour une valorisation des mots anglais, en particulier chez les jeunes. Les études menées par le C.S.A. ont en effet démontré que la présence et la multiplication de programmes portant des noms comme
Star Academy, Nice People, Loft Story, Popstars ou
Fear Factor ont un double impact : la perception de l'anglais comme langue supérieure et, corrélativement, un sentiment diffus de l'infériorité, ou du caractère désuet, de la culture francophone. Pour les spécialistes du C.S.A., «
le choix d'un mot anglais de préférence à un mot français, d'une tournure anglo-saxonne plutôt que d'une construction grammaticale française, véhicule implicitement un jugement de valeur sur nous-mêmes ». Analysant de manière poussée les effets du recours à l'anglais dans les médias, le C.S.A. a mis en lumière que «
le statut de langue de prestige acquis par l'anglais répond à toute une série de motivations parmi lesquelles existent plusieurs fonctions : une fonction novatrice - désigner des réalités nouvelles que le français, à tort, est réputé incapable de qualifier -, une fonction ludique - joie de manier des termes inconnus du grand public (le comble pour un média !) et goût des monosyllabes dont le français est pauvrement pourvu -, voire une fonction mystificatrice qui consiste souvent à présenter un terme comme un emprunt à l'anglais alors même qu'il s'agit d'un néologisme français, créé par des Français à partir de mots anglais. Le public a ainsi l'impression d'être familier de la langue de Shakespeare sans la maîtriser pour autant ».
Le 18 janvier 2005, le Conseil adoptait une recommandation relative à l'emploi de la langue française dans les médias audiovisuels. L'objectif affiché est double : «
garder à la communication audiovisuelle son intelligibilité et à notre culture son identité ». Pour l'institution, il n'est pas question d'interdire les emprunts linguistiques. Cette attitude serait absurde car trop rigide et priverait la langue française de la source de richesses que ces derniers constituent. En outre, il est hors de question d'imposer une terminologie officielle qui serait, de toute façon, contraire à la liberté d'expression.
Concrètement, le C.S.A. est attentif et dénonce les excès. Au mois de juillet par exemple, il a souligné l'utilisation paradoxale du terme
hot line alors qu'il existe plusieurs équivalents français utilisés dans les textes officiels :
numéro d'urgence,
assistance en ligne,
aide en ligne< /i>. Il peut également être aidé dans sa mission par les téléspectateurs. Ainsi, dans sa lettre d'information bimensuelle n°5, le Conseil nous rapporte qu' « un certain nombre de téléspectateurs ont écrit [...] pour dénoncer l'emploi inutile du mot crash et de son dérivé se crasher, alors qu'existent les équivalents officiels écrasement et s'écraser, qui, s'ils sont peu usités en France, sont largement employés dans les médias et sur les sites francophones ».
GROS PLAN SUR : Les téléspectateurs alertant le C.S.A.
Les téléspectateurs ne le savent pas, même les plus militants d'entre eux, le C.S.A. n'est pas si inaccessible que ce que l'on pourrait penser. Au contraire, ils peuvent (et doivent) jouer un rôle d'alerte. Certes les associations et groupements ont plus de facilités à se faire entendre mais tout téléspectateur peut contacter le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel. Le phénomène semble d'ailleurs prendre de l'essor. L'attitude irresponsable et méprisante de TF1 a, une nouvelle fois, permis de le mesurer.
L'évènement remonte à quelques temps déjà. TF1 avait diffusé un épisode de la série
Agence Matrix intitulé "Le Choix de Frankie" le dimanche 19 décembre 2004 à 14 h 25 sur son antenne, à propos duquel le CSA a reçu de nombreuses plaintes de téléspectateurs. Motif de la protestation : l'épisode présente des scènes choquantes en particulier l'interrogatoire puis le procès d'un prisonnier sur la base américaine de Guantanamo. Or, cela est susceptible d'être une apologie de la torture et donc d'être contraire à l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 qui réprime les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne. L'affaire se serait peut-être arrêtée là si TF1 n'avait pas rejeté la responsabilité sur le C.S.A. En effet, l'auteur d'une des plaintes a rapporté au Conseil le contenu du courriel que le service Accueil des téléspectateurs de TF1 lui aurait adressé en réponse à sa protestation. Ce message affirme :
"Si le thème abordé dans cet épisode a pu vous paraître litigieux, nous n'en sommes pas producteurs mais diffuseurs. Ainsi, il a été décidé de spécifier la mention -10 (déconseillé aux moins de 10 ans) approuvé par le CSA". Le Conseil n'a pas du tout apprécié l'attitude de la chaîne. Il lui a donc rappelé solennellement «
. qu'elle ne saurait s'exonérer de sa responsabilité éditoriale vis-à-vis d'un programme qu'elle n'a certes pas produit mais diffusé, et qu'elle n'a pas à suggérer, en réponse aux plaintes de téléspectateurs, que la mention "déconseillé aux moins de 10 ans" a été approuvée par le CSA"».
Même si l'affaire est anecdotique, on saluera la réaction du C.S.A. qui n'a pas hésité à remettre à sa place la Une et surtout la mobilisation des téléspectateurs. A bien des égards, il semble que la collaboration des particuliers et du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel soit le contrepoids nécessaire (suffisant ?) à la puissance démesurée des chaînes de télévision.
Police des moeurs - Juin 2005.
Le printemps excite les ado et les programmateurs, c'est bien connu. Le chaperon du PAF s'est donc employé à ramener à la raison les chaînes de télévision et éviter les « débordements ». Un bref panorama des réprimandes du Conseil vous permettra de réaliser que l'institution ne regarde pas toujours pas dans la bonne direction pour sanctionner les manquements aux règles élémentaires de la décence. Voyez par vous même ...
Parmi les chaînes qui se sont vues remonter les bretelles, c'est M6 qui reçoit le bonnet d'âne en raison du manquement le plus grave. Le responsable est un ex de la chaîne, Michael Youn. Ce qu'on lui reproche, à lui et surtout aux animateurs de l'émission matinale
C'est pas trop tôt , c'est la diffusion d'un extrait du spectacle
Pluskapoil lors de l'émission du 22 mars 2005. La diffusion d'un extrait du spectacle de Michaël Youn a en effet été jugée
« non conforme au principe de protection de l'enfance et de l'adolescence ». Compte tenu des propos « à connotation sexuelle explicite » et de leur caractère sexiste et discriminatoire mais surtout de leur diffusion à 8h14 du matin, le C.S.A. a reproché à M6 son manque de discernement. C'est vrai que si c'est Michel Youn qui est en charge de l'éducation sexuelle des enfants, la grippe aviaire est le cadet de nos soucis ...
Canal+ s'est vu taper sur les doigts au motif que l'émission
Demain le monde, diffusée en clair le samedi 19 février 2005 à 19h40, avait présenté une séquence présentant des jeux vidéo X sans en indiquer la classification, alors que certains étaient réservés aux plus de 16 ou aux plus de 18 ans.
France 2 et France 3, elles aussi, font également partie de la brochette de chaînes réprimandées en raison de leur émission vedette respective
Tout le monde en parle et
On ne peut pas plaire à tout le monde. Le Conseil a reproché à France 3 les propos injurieux de Jean-Marie Bigard - NDR : Bigard, vulgaire ? Nan ... - tenus dans
On ne peut pas plaire à tout le monde, le 12 décembre 2004 et le 16 janvier 2005. L'humoriste a exposé les problèmes rencontrés par sa femme à la suite d'une intervention de chirurgie esthétique et mis en cause, dans le style qu'on lui connaît, des chirurgiens plasticiens. Or, dans la mesure où une procédure judiciaire est en cours d'instruction, ces propos étaient déplacés et, surtout, interdits.
Le Conseil a écrit à France 2 pour attirer son attention sur l'émission
Tout le monde en parle, diffusée sur son antenne le 19 avril 2005, au cours de laquelle l'actrice Béatrice Dalle a été filmée en train de fumer, à plusieurs reprises, des cigarettes. En effet, cela constitue une publicité indirecte en faveur du tabac, ce qui est interdit par le Code de la santé publique. Le Conseil a visiblement été énervé que les responsables de l'émission mettent à la disposition de l'invitée d'un cendrier ...
Un Président peut en cacher un autre ? - Juillet 2005.
La nomination par le Conseil supérieur de l'audiovisuel du nouveau Président de France Télévision a été un des évènements médiatiques de l'été 2005. Au début du mois, Patrick de Carolis a été choisi pour remplacer Marc Tessier, pourtant candidat à sa propre succession. En vertu des pouvoirs conférés par la loi du 30 septembre 1986, l'assemblée de sages a préféré récompensé l'ancien présentateur de
Zone interdite et
Des racines et des ailes. Selon le Conseil, ce sont
« l'expérience et les compétences de M. Patrick de Carolis », son
« réel sens du service public »,
« son attachement à privilégier, au bénéfice du plus large public, la création, l'innovation, l'exigence de qualité et la rigueur éditoriale » et
« un projet stratégique cohérent » qui ont été déterminant. A 51 ans, Patrick de Carolis prend la tête d'une machine audiovisuelle - 5 chaînes (France 2, France 3, France 4, France 5 et l'ex-chaîne RFO) et environ 11.000 salariés - qui peine à trouver sa voix. Beaucoup de travail en perspective pour le nouveau Président ... Mais déjà des voix s'élèvent pour critiquer cette nomination. En dépit du C.V. de Patrick de Carolis, les réactions ont en effet été mitigées. La raison se situe au niveau de ses opinions politiques, très tranchées à droite. C'est surtout sa proximité avec le clan Chirac qui a été montrée du doigt. Il appartient dorénavant à l'intéressé de démontrer qu'il est taillé pour remplir ses nouvelles responsabilités et qu'il peut faire la différence entre ses opinions personnelles et la mission de service public dont il est investi.
« Pas de repos pour les braves ... » - Août 2005.
Et bien si ! Pas ou peu d'activités pour ce mois. Même les sages ont besoin de vacances ...
Protection de l'enfance : l'anonymat exigé - Septembre 2005.
Le Conseil a respectivement rappelé à l'ordre France 2 et M6 au sujet de la protection de l'enfance. Les sages ont tenu à attirer l'attention des deux chaînes au sujet de la diffusion d'émissions négligeant la nécessaire préservation de l'anonymat. Le 30 janvier 2005, un reportage intitulé "Antidépresseurs, somnifères, amphétamines... Drogue-t-on nos enfants ?", diffusé dans l'émission
Zone interdite», avait mis en scène des mineurs en situation de détresse qui ont témoigné de leur consommation de psychotropes sans que leur identité soit protégée. Le 12 mai 2005, l'émission
Envoyé Spécial avait présenté un reportage intitulé "Les Pompiers du social" au cours duquel un enfant en difficultés scolaires, psychologiques et familiales était présenté sans que son identité soit protégée.
Canal + montré du doigt - Octobre 2005.
L'examen du bilan de chaque chaîne de télévision par le C.S.A. est un exercice redouté par les dirigeants des chaînes. Or, lors de l'examen du bilan de Canal + pour l'année 2004, le Conseil a remarqué que la chaîne cryptée n'avait pas respecté, sur l'ensemble du programme, ses obligations de diffusion d'oeuvres audiovisuelles européennes (56 % au lieu des 60 % requis, ce qui représente un déficit de 106 heures) et d'expression originale française (34,4 % au lieu des 40 % requis, ce qui représente un déficit de 147 heures). Les sages ont mis la chaîne en demeure de respecter, à l'avenir, les règles de diffusion. Si la chaîne néglige à nouveau ces obligations, des sanctions seront prises.
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