C DANS LES VIEUX POTS — Cosmos 1999 (Space 1999) • Episode 2.03
Par Arnaud J. Fleischman • 6 juin 2007
Nous avons tous une série culte. Au dela de cela nous avons tous, dans notre panthéon des séries, une qui tient une place particulière...

Le lundi 13 septembre 1999 est déjà loin derrière nous, et à moins que l’on nous mente depuis cette date, la Lune n’a pas quitté son orbite. Ce qui n’empêche pas « Cosmos 1999 » de garder toutes ses qualités. Après tout 2001 aussi c’est du passé, et même si aucun monolithe noir n’est apparu dans le ciel, personne ne peut dire que le film de Kubrick est un gros navet.

Après « Star Trek », référence en la matière, il semblait difficile d’arriver à produire une série de S.F. pour la télévision. La télé US ne se frotta au genre que très tard, et la comparaison avec l’illustre modèle pesa lourdement sur les épaules des créateurs. Ce n’est pas l’ombre de la série culte qui refroidit les ardeurs créatives du couple Anderson. À leur crédit, une connaissance de genre qu’ils “exploitèrent” à la télé britannique au travers de séries de marionnettes dont la plus connue reste « Les Sentinelles de L’air ». Quand ils décident de lancer « Cosmos 1999 » il n’est plus question d’utiliser le procédé de “supermarionation”, mais de faire une série avec de vrais acteurs. Ils s’étaient déjà essayés à la série “live” avec « UFO ». « Cosmos 1999 » est leur projet le plus ambitieux, celui qui va couronner leur carrière.

« Cosmos 1999 » rompt d’emblée avec les productions de SF de l’époque, en premier lieu avec celle de Gerry et Sylvia Anderson. Le cadre tout d’abord est celui d’une station spatiale située sur la lune. À aucun moment il n’y aura de scène sur la Terre. Et pour cause, dès le premier épisode, suite à une explosion du dépôt de déchet nucléaire situé sur la face cachée du satellite, celui-ci quitte son orbite et se met à dériver dans l’espace.
Si ce postulat de départ est improbable, il place les personnages dans une situation inédite. Ils ne sont pas maitres de leur destination, et donc encore de leur destin. Ils subissent d’épisode en épisode les incidents, les rencontres, liées à l’errance du “caillou” sur lequel ils se trouvent. Ce ne sont pas des intrépides voyageurs, lancés dans une mission de 5 ans, mais des explorateurs malgré eux, piégés dans une station spatiale, confortable certes, mais qui n’est pas pensée pour voyager. Leur univers quotidien devient précaire. Si elle a été conçue pour être autonome, la station n’en dépendait pas moins des ressources provenant de la Terre. Perdu dans l’espace, elle devient, sinon inhospitalière, du moins spartiate. Ce n’est pas une seconde maison (comme le sont l’Enterprise ou, plus tard, Deep Space Nine, ou Babylon 5), juste un pis aller.
Dès le premier épisode, les Alphans, les habitant de la station Alpha, sont à la recherche d’une planète où s’établir, une occasion de quitter leur base lunaire. Les occupants de la base Alpha doivent composer avec la situation dans laquelle ils se trouvent. S’en accommoder.

Les Alphans principaux sont le Commandant Koenig (Martin Landau), qui prend ses fonctions juste avant l’explosion. Ce n’est pas le Capitaine Kirk. S’il est un vrai leader, il porte le poids de la responsabilité des occupants de la station. Il doute, se remet en question, mais refuse de baisser les bras, et ne recule pas devant les obstacles.
Le Docteur Russell (Barbara Bain) médecin de la station, elle devient un élément essentiel de l’équipage, en permanence en danger dans un environnement hostile. Garante de la bonne santé et de la survie le la poignée d’homme et de femme occupant la station.
Le professeur Bergman (Barry Morse), scientifique et philosophe. Il est l’âme, l’esprit de l’équipage. Le vieux sage vers qui les alphans peuvent se tourner quand ils doutent, s’interrogent.
Ces trois personnages principaux partagent un trait de caractère : la froideur. Ils reflètent l’aspect général de la série. L’environnement de la station est aseptisé, stérile. Elle est composée de longs couloirs immaculés. Les uniformes sont blancs, gris, beiges. Il y a peu de couleurs chaudes. Cet aspect, volontairement neutre, cache pourtant une série profondément humaniste.

Car la série est traversée de thèmes philosophiques, de sujets qui nous questionnent en tant qu’Homme. Les Alphans, au cours de leur voyage, rencontrent des peuples, des phénomènes qui les obligent à se remettre en question, qui posent les limites de leur savoir, de leur contrôle. Quête du savoir, question sur l’évolution, confrontation à l’immortalité, d’une façon plus large, rapport à l’inconnu. Menés par la sagesse de Koenig et Bergman, ils abordent tout cela avec l’esprit ouvert, ne se considèrent pas comme les détenteurs d’une vérité absolue, et n’adoptent que rarement une attitude agressive. Pour autant même s’ils subissent plus qu’ils ne décident leurs aventures, ils ne sont pas passifs.
L’autre grand thème qui sous-tend toute la première série est celui de la présence d’une puissance supérieure qui serait à l’origine de leur périple. Un Dieu qui trouverait en eux les acteurs involontaires d’un plan, d’un dessein qui les dépasse. À de nombreuses reprises au cours des 24 épisodes de la première série, les héros s’interrogent sur la possibilité de l’existence de la main de Dieu qui guiderait le voyage de la Lune, qui protégerait les Alphans. Comment sans une telle présence auraient-ils pu survivre à l’explosion nucléaire initiale ? Comment auraient-ils pu se retrouver propulsés à l’autre bout de la galaxie ? L’existence de cette puissance supérieure se révèle encore plus probable lors du dernier épisode de la première série « Le Testament d’Arcadie ». La Lune se met en orbite autour d’une planète vide, à repeupler, qui se trouve être le berceau de l’humanité. La référence à Adam et Eve n’est pas dissimulée.

Difficile de poursuivre la série après ce qui en est clairement la conclusion, et la seconde série, dont la production échappe aux Anderson pour tomber entre les mains du fossoyeur des séries Fred Freiberger, tombe dans une caricature de série à monstre de la semaine, perdant toute sa portée philosophique, et se débarrasse du personnage qui incarnait cet aspect : Bergman.

Post Scriptum

D’une grande qualité tant dans son propos que dans sa forme, « Cosmos 1999 » a gagné avec les années la reconnaissance qui lui manqué à l’époque de sa diffusion, et trouve parfaitement sa place aux côtés de « Star Trek », qui lui fit beaucoup d’ombre.