C DANS LES VIEUX POTS — Amicalement Votre (The Persuaders) • Episode 3.03
Par Arnaud J. Fleischman • 28 février 2008
Nous avons tous une série culte. Au dela de cela nous avons tous, dans notre panthéon des séries, une qui tient une place particulière...

« Amicalement Votre » fait partit de ces séries qui sont inscrites profondément dans le patrimoine télévisuel, dans la mémoire collective. Ses nombreuses diffusions sur la plupart des chaines françaises, et pendant un temps presque en boucle sur M6, contribuèrent à faire de cette série l’une des plus populaires, mais aussi à force de rediffusion, à lui faire perdre tout son intérêt.

« Amicalement Votre » est sans doute la dernière grande série du premier âge d’or de la télévision. La dernière qui porte toute la légèreté des sixties, et l’audace créative de l’époque. Elle annonce aussi, au détour de certains épisodes, ce que seront les productions des années 70, et le repli créatif caractéristique de cette période.
Le concept de la série est celui typique des buddy movies : créer un duo mal assorti, composé de deux personnalités qui n’auraient jamais dû se rencontrer, qui n’ont (presque) rien en commun, mais qui se relèveront inséparable. Cette idée est exprimée très clairement dès le pilote par le personnage du juge Fulton, l’artisan du rapprochement entre Danny Wilde et Brett Sinclair, les héros de la série. « L’un sans l’autre, ils n’ont aucun intérêt pour moi, ils ont tous les deux une certaine valeur, mais additionnés, comme en chimie... prenez deux produits relativement peu dangereux, disons du nitrate et de la glycérine, mêlez ces deux produits, et vous allez obtenir une combinaison explosive. »
Danny Wilde est un business Man new-yorkais, symbole du self-made-man à l’américaine. Brett Sinclair est un lord anglais, symbole de l’aristocratie britannique, flegmatique et guindée.
Très à l’aise financièrement, ils mènent tous deux une vie de dilettante, écumant les bars et les casinos de la Riviera, et séduisent tout ce qui porte jupon ou moins... En un mot, ils s’ennuient comme seuls peuvent s’ennuyer les riches. Au point de se lancer dans un débat sur le nombre d’olives qu’il convient de mettre dans un créole crème. Cet échange de point de vue verbal, puis plus physique, constitue leur première rencontre, et les dégâts qu’ils causeront dans le bar au lieu de les conduire en prison, les emmènent chez le juge Fulton. Ce dernier les fera chanter pour qu’ils unissent leurs talents et endossent le costume de justicier. Malgré les protestations, ils sont plutôt satisfaits de pouvoir sortir de leur routine, et de trouver une nouvelle motivation à leur vie, qui avait perdu tout sens et tout sel.

« Amicalement Votre » puise sa force dans son duo d’acteur. Roger Moore, vedette du petit écran outre manche grâce à des séries comme Ivanhoé et surtout Le Saint, trouve dans la série une dernière occasion de briller à la télévision, avant de devenir une star mondiale en étant le troisième a endosser les smoking de James Bond. Tony Curtis, vedette du cinéma, ayant tourné avec les plus grands, et les plus grandes, accepte bien avant que ce soit à la mode d’aller faire un petit tour dans la lucarne. C’est donc un casting de luxe que se paie la série. Et il fonctionne. L’alchimie entre Moore et Curtis est parfaite, à l’image du duo Wilde-Sinclair. La complicité entre les deux acteurs est évidente, elle transpire sur l’écran, ajoutant un charme non négligeable à la série.
L’autre force est la liberté scénaristique de la série. « Amicalement Votre » n’est pas à proprement parlé une série policière, ou d’espionnage. Ce n’est pas vraiment une comédie, ni un drame. Les genres, les styles cohabitent, se chevauchent. Un épisode sombre succède à un épisode purement humoristique. Une intrigue policière fait place à une histoire aux limites de l’absurde. C’est aussi une des raisons qui fit que la série ne fonctionna pas aux USA. Le style était sans doute trop flou pour le public habitué à des productions facilement identifiables.

En plus de ces qualités qui suffiraient à faire d’« Amicalement Votre » une grande série, le générique en fait une série inoubliable. C’est la cerise sur le gâteau. La cerise que l’on déguste avant même entamer les choses sérieuses. Il y a tout d’abord le thème de John Barry qui encore aujourd’hui a gardé sa puissance d’évocation. Classique parmi les génériques télé au côté du thème de « Mission : Impossible ». Il y a ensuite le visuel. L’écran partagé en deux, un côté bleu pour Bret Sinclair, un côté rouge pour Dany Wilde. Au travers de photos, de coupures de presse, la vie des deux héros nous est racontée, de la naissance jusqu’à leur rencontre. Ce procédé est tellement fort qu’il a été à maintes et maintes fois parodié. Le générique d’« Amicalement Votre » est un vrai bijou. Une référence. Un classique. A lui seul un grand moment de la télévision.

En France la série bénéficia en plus d’un doublage qui contribua grandement à son succès. Tout comme dans « Columbo » où la voix de Serge Sauvion est indissociable du célèbre Lieutenant, les doublages de Michel Roux et Claude Bertrand ont apporté un charme particulier à la V.F., un côté décontracté et léger, se mariant très bien avec l’esprit de la série. Cet aspect, outre le talent des deux comédiens, vient du fait que certaines des lignes de dialogues étaient tout bonnement improvisées.

Echec outre Atlantique, « Amicalement Votre » ne connut qu’une seule et unique saison. Le duo Moore+Curtis se sépara, et Dany Wilde et Bret Sinclair ne connurent pas d’autres aventures. Divers projets pour faire revenir le duo sur petit ou grand écrans se succédèrent au fil des années, mais sans voir le jour. Ce qui est sans doute une bonne chose.