Faut-il avoir Foi en « Borgia » de Tom Fontana ?
OCTOBRE 2011
Par Sullivan Le Postec • 5 octobre 2011
Bienvenue au Village, le webzine des fictions européennes et francophones.

Cette fois, nous y voilà. Après le galop d’essai qu’a représenté la très générique « XIII », arrive à l’antenne « Borgia » premier représentant du nouveau Graal selon les chaînes françaises : la co-production internationale.

Où est-ce que tout cela va nous mener ? Pour l’heure, difficile de le dire. Si on est très (très, très) optimiste, on peut imaginer que dans dix ou quinze ans, on salue rétrospectivement la naissance d’une fiction européenne, transcontinentale. Un concept aujourd’hui parfaitement fictif.

Mais il existe bien des écueils.
Celui de produire de la fiction américaine avec des fonds européens, d’abord, dans une opération qui bénéficierait éventuellement aux diffuseurs européens, mais confirmerait le déclin, avant la disparition, des cultures du Vieux Continent.
Celui d’inventer un pudding global, aussi, digne successeur de l’euro-pudding. On désigne ainsi ces coproductions européennes des années 80 dans laquelle chaque pays coproducteur imposait ses conditions, et ses acteurs, sans grand regard pour l’intégrité artistique de l’œuvre — chaque acteur jouait dans sa langue par exemple, si bien qu’il n’y avait aucune version originale, toutes les versions étant doublées à un moment ou un autre.

Le spectre de l’euro-pudding reste très fort. Canal+ cherche à imposer des auteurs gardiens de l’intégrité de l’œuvre pour le contrecarrer. C’est bien la seule raison qui pouvait la pousser à créer un poste de showrunner sur une production qu’elle finance, traitement qu’elle refuse systématiquement aux séries franco-françaises tout en continuant de se demander pourquoi le résultat n’est pas aussi bon.
C’est le sens de la présence de Tom « Oz » Fontana à la tête de « Borgia ». C’est le sens de la tentative actuellement en cours de confier la suite de « XIII » à Roger Avary (une info d’Olivier Joyard des Inrocks). Difficile de passer outre le fait que, comme sur « Versailles » ou « Pharaon », on ne parle que de créatifs Hollywoodiens... Canal, même si elle est vraiment persuadée qu’aucun français ne sait écrire (ce qui est un point de vue complètement absurde, bien entendu !), pourrait au moins faire l’effort d’aller chercher du côté des britanniques (que les américains, eux n’ont pas de scrupules à démarcher). Sauf qu’évidemment, connaître Russell T Davies, Simon Pegg, Neil Cross, Howard Overman ou encore Steven Moffat (bon, lui, il parait qu’il est vraiment occupé), ça demande d’avoir une culture télévisuelle qui dépasse l’hyper-mainstream. Dans une France qui n’arrive pas à passer le cap de la culture cinéma, il faut croire que c’est trop demander.

Et même si la première saison de « Borgia » est un succès, d’autres difficultés ne vont pas tarder à se poser. Par exemple, sera-t-il possible de garder le soutien de partenaires internationaux si la suite est produite au rythme Canal d’une saison tous les deux ou trois ans ?

Alors, la coproduction internationale, vraie carte à jouer ou saut un peu désespéré dans l’inconnu ? Difficile à dire... On en reparle dans dix ou quinze ans ?


Critique. AVANT-PREMIÈRE — Borgia, saison 1.

Profil. TOM FONTANA — Le Showrunner tatoué.

Et notre Quinzo Papal :

Rubrique. LE QUINZO — 3.02 : Un Pape, ça va. C’est quand il y en a plusieurs...