DOCTOR WHO – The Caves of Androzani • TÉLÉ VINTAGE
‘‘Curiosity has always been my downfall’’
Par Sullivan Le Postec • 28 septembre 2009
Un épisode événement voué à se conclure par une régénération annoncée à l’avance. Non, non, Le Village n’a pas vu en exclu les épisodes giganormous programmés pour la fin de cette année et qui marqueront le départ de David Tennant. « The Caves of Androzani » fut diffusé en 1984 et mettait en scène le départ du cinquième Docteur, Peter Davison.

Je suis un junkie en manque. La vérité est aussi simple que cela. « Doctor Who » est en vacances cette année. Pas de saison régulière, juste quelques épisodes spéciaux. Et, pour proposer une montée en puissance avant la régénération attendue en fin d’année, trois de ces épisodes, dont un qui devrait approcher les 80 minutes, ainsi qu’un épisode animé et une apparition dans le Spin-off « The Sarah-Jane Adventures » seront diffusés entre la fin octobre et la toute fin décembre. Alors que ces 14 derniers mois, nous n’avons pu passer que deux heures en compagnie de Docteur Tennant, à Noël dernier et à Pâques. Mon état de manque vient de passer au stade 2 : j’ai commencé à regarder des épisodes de la première série, celle qui s’est étalée de 1963 à 1989.

Fan favorite

Pendant toute cette époque, les épisodes de « Doctor Who » duraient une trentaine de minutes, et la série était découpée en serials qui occupaient plusieurs épisodes (de 2 à 12). Cela représente plus de 150 histoires et quelque chose comme 600 épisodes. Quand même. Pour le junkie que je suis, la question est donc de savoir où piocher pour combler son manque. Il faut savoir que quelques économes imbéciles de la BBC des années 70 ont simplifié le choix puisque certaines des anciennes histoires ont été perdues — on a choisi de réutiliser les cassettes sur lesquelles elles étaient archivées pour faire des économies. Mais cela me laissait encore quelques centaines d’épisodes...

Heureusement, le dernier numéro de Doctor Who Magazine est arrivé à point nommé pour me donner un coup de main. Il publie en effet le résultat d’un grand sondage auprès des fans qui classe les 200 histoires télévisées diffusées à ce jour. 6700 fans ont noté sur 10 les 200 histoires, produisant ce classement. Le magazine avait déjà ausculté la série avec la même méthode en 1998, sept ans avant qu’elle ne revienne sur les écrans, et avait abouti au même résultat concernant l’histoire préférée par les fans : « The Caves of Androzani ». Un bon point de départ, donc, pour mes pérégrinations dans Old Who.

« The Caves of Androzani » comporte quatre épisodes, et met en scène le cinquième Docteur, Peter Davison. Celui avec la longue veste blanche avec le céleri sur le revers — qui nous est familier puisqu’il est apparu dans « Time Crash » la scène filmée pour le Children in Need (le téléthon british en faveur des enfants défavorisés) écrite par Steven Moffat et qui le confrontait au Docteur de David Tennant.
C’est la dernière histoire mettant en scène le cinquième Docteur, et ce fait était connu. Les épisodes diffusés en ce début d’année 1984 avaient donc le même goût que ceux de 2009 : celui d’un chant du cygne.

Une approche audacieuse

Néanmoins, « The Caves of Androzani » est de toute évidence très différent de ce que l’on peut attendre de la dernière aventure du Docteur de David Tennant. L’approche n’est en effet pas celle de l’épique et du grand spectacle absolu – pour autant que l’ancienne série pouvait prétendre au grand spectacle.
La dernière saison de Davison mettait bien en scène le retour des Daleks après cinq ans d’absence avec un plan audacieux (envahir Gallyfrey, la planète des Seigneurs du Temps !) où un ultime affrontement avec le Maître chargé de révélations. Mais la sortie de Davison se ferait sur un ton totalement différent.
Dans « The Caves of Androzani » Le Docteur se retrouve pris malgré lui au milieu d’un conflit dans un monde noir, désespéré, profondément cynique. Il est le déclencheur des événements, par son arrivée (le premier titre du serial était d’ailleurs ‘‘Chain Reaction’’) mais ensuite il ne contrôle plus grand-chose. Il subit, balloté par les événements et les agissements des comploteurs ennemis qui s’affrontent. Un air de mort flotte très vite sur cette histoire. Le Docteur et Peri, à leur arrivée, marchent par accident dans du spectrox non-rafiné. Un poison mortel. Ces deux-là viennent à peine de se rencontrer : Peri la rejointe à la fin de l’épisode précédent. Ils se découvrent encore, leur relation s’installe. Mais elle va pourtant vers sa fin. Cette mort annoncée qui plane sur les deux protagonistes s’accompagne d’ailleurs d’autres menaces : ils échappent de peu à une exécution au terme de la première partie. En fait, à l’issue de cette histoire, tous les personnages qu’on y a vu sont morts, à l’exception de Peri et d’une autre femme.

Chimère

Tous sont morts pour quoi ? Pour le Spectrox. Une substance qu’on trouve sur Andronazi Minor, et qui est la seule raison pour laquelle on trouve des gens sur cette planète dangereuse régulièrement secouée par des montées de magma. Mais, sur Andronazi Major, personne ne voudrait se passer de cette substance de jouvence. Cependant, et c’est tout le génie de cette histoire, il est sous-entendu que le Spectrox n’a pas vraiment les qualités qu’on lui prête. C’est un placebo, au mieux une vague cure de vitamines. Sous-entendu est toutefois le mot clef — et le révélateur de la subtilité du scénario de Robert Holmes. Quels que soient ses mérites réels, les mérites supposés du Spectrox en ont fait la substance la plus convoitée de ce secteur de l’espace, donc la plus chère. Et un catalyseur puissant de la cupidité et de la soif de pouvoir des habitants du coin.
Quand le Docteur et Peri arrivent, éléments extérieurs, chaque camp assume qu’ils sont des espions/agents/soldats d’un des autres camps, ce qui les force à agir sur ces bases erronées. Et c’est ainsi que le monde d’Andronazi s’effondre peu à peu comme un château de carte, emportant le Docteur comme un dommage collatéral, lui qui est décidé – déjà – à assurer la survie de son compagnon.

Peri n’est pas caractérisée de manière ultra-précise, témoignage d’une époque où la série était avant-tout ‘‘le Docteur et son sidekick’’. Davison, probablement pas très représentatif ici du reste de son run dans le rôle, est crédible dans son interprétation d’un Docteur crépusculaire que le cynisme et la violence de ce monde semblent peu à peu atteindre en son cœur. Un état intérieur dont témoigne son costume couvert de boue à la fin du récit.
Peri elle-même est toutefois l’occasion d’un dialogue dans lequel le Docteur explique pourquoi il porte du céleri sur son revers de sa veste. Un ajout à la requête de Davison pour son dernier épisode.

Coronation Space

Compte-tenu de l’ambition du propos, il n’est que plus apparent que les moyens alloués à « Doctor Who » dans sa première incarnation n’étaient pas en mesure de rendre justice à l’imagination des auteurs. Et « The Cave of Andronazi » illustre parfaitement qu’il s’agit bien d’une question de moyens et pas de talent, puisque son réalisateur n’est autre que Graeme Harper, qui a réalisé de nombreux épisodes de la série depuis 2006, et notamment les fins des saisons 2 et 4.
Pour sa première incursion dans cet univers, Harper devait faire avec les conditions de production de l’époque : « Doctor Who » était filmée en vidéo, à plusieurs caméras, comme un soap. Les presque deux heures de « The Caves of Androzani », c’est trois jours de tournage en extérieur dans une carrière, et cinq malheureux jours de studio, où les caves labyrinthiques de la planète sont figurées par un décor de dix mètres carrés dans lequel les acteurs doivent déclamer ‘‘avancez qui que vous soyez !’’ à un partenaire se tenant à deux mètres d’eux et dont même la caméra saisit parfaitement le visage... Et encore Graeme Harper a réussi à filmer quelques scènes avec un dispositif à une caméra pour tenter de dynamiser quelque peu ce serial.

Franchement, il est parfois difficile de passer outre le coté kitch de l’ensemble — voire Z si on évoque la créature du magma, le Craignos Monster dispensable qui assure le cliffhanger du deuxième épisode. C’est alors qu’on mesure à quel point le fait qu’on lui ait alloué des moyens signifiant qu’on la prenait au sérieux à permis à la série, depuis 2005, de déployer pleinement son potentiel en obtenant un visuel à la hauteur de son propos.

Post Scriptum

« Doctor Who »
« The Caves of Androzani »
BBC - 1984
Scénario : Robert Holmes. Réalisation : Graeme Harper.
Avec : Peter Davison (5e Docteur), Nicola Bryant (Peri Brown). Et Colin Baker (6e Docteur).