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Fringe - Retour sur la série deux semaines avant son dernier épisode

En Attendant la Fin: L’anti-Lost : Rétrospective Complète de la Série

Par Conundrum, le 5 janvier 2013
Publié le
5 janvier 2013
Saison 5
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Fringe ne sera jamais considérée comme une grande série. Au mieux, ce sera une série de science-fiction sympathique, mais elle n’a pas changé le genre et lancé une vague de productions motivées par une envie de l’émuler.

Si la série aura son audience, elle n’a pas marqué son temps. La FOX ne proposera pas de soirée spéciale pour fêter dignement la fin de la série et je doute que l’audience de son dernier épisode marque les annales télévisuelles.

Et c’est bien dommage.

Créée par J.J. Abrams

Il y a quelques années, Lost nous quittait en grande pompe avec un final globalement satisfaisant mais qui laisse un arrière-goût amer, un peu comme celui de Battlestar Galactica. Lost, sur sa fin, a accumulée trop d’erreurs et c’est toute l’image que j’ai de la série qui s’en est retrouvée teintée. Fringe a pris le chemin inverse de sa consœur.

Fringe a autant été créée par J.J. Abrams que Lost.
En gros, le type a eu l’idée et est très vite parti en courant.

Il ne faut pas se leurrer, Abrams n’a été fidèle qu’à une seule série (quasiment) jusqu’à sa fin, et c’est Felicity. Le concept de Fringe a une structure similaire à celle de Lost, à savoir que la série que vous allez découvrir avec le pilote n’est pas vraiment la série qu’on cherche à vous vendre. Lost était autant une version scénarisée de Survivor que Fringe allait être un procedural aux tendances paranormales. L’enquête de la semaine, nos fameux « What the Fringe ?!? », étaient une grande partie de l’ADN de la série, mais c’était loin d’en être sa force.

Damon Lindelof de Lost a toujours dit que ce qui importait dans sa série, c’était les personnages, pas l’île. Le problème est que la destinée de la plupart de ses personnages nous importait moins que les mystères de l’ile de Lost. En revanche, cet constat s’applique beaucoup mieux à Fringe.
J’ai été profondément ennuyé par les premiers temps de la série. J’ai trouvé les personnages principaux froids et hautains et j’ai rapidement découvert que sans réel connexion avec eux, je ne pouvais pas m’intéresser à ce « Pattern » que la première saison de Fringe affectionnait particulièrement. J’ai alors arrêté la série peu de temps après la mort de John Scott (Mark Valley).

There’s More Than One of Everything

Le timing de la série n’a pas aidé non plus. La vague des pseudo Lost qui ont suivi avait un fort postulat de base qui n’a pas été exploité de façon optimum. J’ai rapidement mis Fringe dans cette catégorie.
Et puis, un été, j’ai lu un article d’Entertainment Weekly sur le cliffhanger qui achevait la première saison. Curieux et avec un planning estival sériel aride, j’ai rattrapé mon retard. J’ai alors découvert le secret de Walter Bishop et la grande révélation de la série. L’existence d’une autre dimension, en soi, n’est qu’un concept de science-fiction. Et vu ce que la série avait proposé depuis son pilote, je ne leur faisais pas confiance pour l’exploiter habilement.

Oh que j’ai eu tort.

J’ai bien eu mes The West Wing Saison 10 et Retour vers le Futur avec le Marty McFly originial que je craignais. Mais bien plus que les délires masturbatoires des geeks scénaristes de Fringe, j’ai eu l’élément qui allait ancrer la série : la terrible destinée de Peter et Walter Bishop rattrapait alors toutes les erreurs de caractérisation des personnages de la série.
Walter n’était plus un savant fou excentrique, mais un père qui n’arrivait pas à assumer les conséquences d’avoir sauvé son fils. Peter n’était plus un connard arrogant, mais un fils qui tempérait sa colère envers son père pour lui redonner une chance.

En plus de cela, une guerre entre deux Mondes m’intéressait bien plus qu’un procedural paranormal. Des papillons tueurs c’est rigolo, mais des remplacements par des doubles (pas si) maléfiques, c’est nettement mieux. La série commence alors à travailler soigneusement sa mythologie.
A la base, les scénaristes de Lost savaient qu’à la fin de la saison 1, Locke allait ouvrir une trappe et c’était l’étendue de leur travail de planification à long terme de la série. Ceux de Fringe affirmaient que, contrairement à l’autre production d’Abrams, toute la trame de Fringe était définie dès le début. Et j’ai tendance à les croire. Lorsqu’Akiva Goldsman rejoint l’équipe des scénaristes de Fringe, il les convainc d’avancer la date initiale de révélation de l’existence d’un univers parallèle. Il aide alors la série à corriger une grosse erreur de calcul.

Si on peut accepter que Locke ouvre une trappe en fin de saison 1, c’est que Lost a gagné notre confiance rapidement. Le cousin de Tom Cruise, la mort de Boone, et la Fumée Tueuse avaient réussi à nous tenir en haleine, les Hommes Hérissons de Fringe beaucoup moins. La saison 1 de Fringe n’avait pas assez de matériel intéressant pour justifier la non révélation de cette trame, si importante pour la mythologie de la série. Et même une fois faite, il faudra alors avoir une seconde saison inégale (mais mieux maitrisée que la première) avant que la série atteigne le niveau de qualité qui fait qu’on la respecte aujourd’hui.

Peter, pas Pacey

Les mentions du passé des Bishop nous ont sagement fait patienter. Le seizième épisode de la saison 2, intitulé simplement "Peter", est alors l’exemple parfait de la force de la série.
L’audience fidèle n’apprend que très peu de cet épisode, sa force ne réside que sur un niveau émotionnel. Le générique version 1985 est sympathique, mais c’est voir Walter sauver Peter qui en fait l’un des meilleurs épisodes de la série. Nous savions déjà comment cela s’était déroulé, mais être aussi touché par ce moment montre que Fringe est bien plus que ce je pensais jusque-là. Pour moi, avant cet épisode, Fringe était juste une série bancale qui brillait par moment. "Peter" m’a montré à quel point j’étais attaché à la série.

La fin de saison 2 et surtout le début de la saison 3 montrent à quel point la mythologie de la série est solide. En montrant la vulnérabilité de son personnage principal, Olivia gagne enfin sa place aux côtés des Bishop. La voir réaliser ce qui manque dans sa vie et que sa version alternative rousse est beaucoup plus épanouie qu’elle, donne la profondeur qui lui manquait. Mais cela arrive bien trop tard.

Il faut attendre la toute fin de la saison 1 pour avoir une ancre émotionnelle à la série, la saison 2 pour que la mythologie de la série se solidifie, et la saison 3 pour commencer à s’attacher à son personnage principal.
Fringe demande un investissement solide et prend trop de temps à corriger le tir. C’est en cela qu’elle ne sera pas considérée comme une série majeure de son temps. En revanche, la deuxième partie lui donnera une identité unique qui récompense la fidélité de son audience.

L’aspect émotionnel solidement établi, Fringe devient une série imaginative. Avoir besoin de William Bell alors que son interprète n’est pas disponible n’est pas un problème. Il suffit juste que William possède le corps d’Olivia. Ces qualités trouvées tardivement permettent de pardonner plus facilement les erreurs de la série comme le retour de Sam Weiss, le FutureFringe et une grosse partie de la saison 4.

L’aspect émotionnel de la série et la mythologie convergent lors de sa conclusion.

Quand il devient difficile d’expliquer le statu quo de la saison 4 (encore une fois, il est arrivé quoi au bébé d’Oliva la Rousse et Peter ?), il suffit juste de concentrer son attention sur l’amour d’Olivia pour Peter, le nouveau rôle de Nina Sharp, et le destin de Lincoln pour apprécier Fringe.
Certes, la qualité n’est pas au même niveau que la saison précédente, mais notre investissement en la série reste intact. Et, au final, peu importe, parce que Fringe est une série qui sait se réinventer, et en fin de saison 4 l’épisode "Letters of Transit", nous donne une idée de ce que sera la nouvelle mouture de la série et permet de dire adieu, dans "Brave New World", à ce qui m’a fait y revenir : l’aspect de dimension parallèle.

Fringe saison 5 sera radicalement différente mais ne perdra pas de vue la raison pour laquelle nous sommes restés fidèles.

La tragique destinée des Bishop ne s’arrête pas aux conséquences du sauvetage de Peter. Olivia et Peter sont séparés de leur fille et la retrouve à temps pour qu’elle meure sous leurs yeux. Et si Nina Sharp n’a jamais été un personnage auquel je m’étais vraiment attaché, sa mort restera un des moments les plus forts de la série.
La conclusion du conflit avec les Voyeurs n’est pas la raison pour laquelle je suis impatient de voir le final. Le mystère des affiches d’Etta et le plan de Walter m’intriguent, mais, au fond, j’ai juste envie de savoir ce qui va arriver aux personnages. Et sur ce point, Fringe a largement dépassé Lost dans mon estime.

Conundrum