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Pretty Handsome - Avis sur le pilote de la série jamais diffusée sur un transexuel

Pretty Handsome: He has no penis... Tadadam !

Par Tigrou, le 21 juin 2008
Par Tigrou
Publié le
21 juin 2008
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Pendant tout l’été, les membres les moins paresseux de la rédaction de pErDUSA (et Tigrou) donnent leur avis sur les pilotes les plus intéressants de la rentrée.

Quand Ryan Murphy, le créateur de la très trash série Nip / Tuck, avait annoncé il y a quelques temps qu’il développait un nouveau projet pour la télévision, à savoir une série de cinq saisons consacrée à son thème favori (les pénis coupés), on pouvait légitimement s’inquièter.
Et pourtant…

PRETTY HANDSOME

FX, un soir de la semaine
De Ryan Murphy
Avec : Plein de têtes connues dont on passe l’épisode à se demander où on les a déjà vues, à savoir : Joseph Fiennes (Shakespeare in love) ; Carrie-Anne Moss (Model Inc) ; Sarah Paulson (Studio 60) ; Jessica Lowndes (Greek)…

Sur le papier, Bob a tout pour être heureux. Il est riche, il est gynécologue, il est membre du Rottary club, et il est marié à la bombasse de Matrix avec qui il a deux beaux enfants… Mais voilà, Bob a petit souci qui l’empêche de profiter de tout ça : c’est une femme dans une corps d’homme.

Pretty Handsome, est donc centré sur un homme qui s’interroge sur son identité sexuelle.

Un sujet pour le moins ambitieux et novateur.
Car même si les personnages transsexuels se sont pas mal démocratisés à la télévision ces derniers temps, entre Ava (Nip/Tuck), Alexis (Ugly Betty) et Carmelitta (Dirty Sexy Money), toutes ces séries (et même le film Transamerica qui valut à Felicity Huffman tant d’éloges méritées), nous présentaient ces personnages comme des femmes dans un (récent) corps de femme, l’homme qu’elles avaient été étant oublié ou, au mieux, évoqué en trois mots et une photo.

Pretty Handsome choisit de traiter le sujet plus en amont. Ici, pas question de céder à la facilité en esquivant la question du changement de genre, en ne traitant que l’après tout en esquivant l’avant.
Bob a beau se sentir femme, c’est pour l’instant un homme, qui joue un rôle d’homme et qui a des responsabilités d’homme (en couple, au travail, avec sa famille…) dans une société encore très marquée par le sexisme.
C’est cette ambition, ce parti pris de commencer à suivre le personnage au début de son cheminement, qui donne à Pretty Handsome un si gros potentiel… et un côté très casse-gueule aussi, ce genre d’intrigue pouvant aisément tomber dans le ridicule ou la vulgarité entre de mauvaises mains.

UNE BONNE SURPRISE

Ryan Murphy était-il la meilleure personne pour traiter avec subtilité un tel sujet ? Aux vues des dernières saisons de Nip / Tuck, on pouvait en douter… Et pourtant, même si ce pilote ne m’a pas enlevé tous mes doutes, il m’a pas mal rassuré.

Le personnage de Bob y est traité avec pas mal de finesse, et son questionnement est évoqué assez subtilement : un rasoir qui crisse un peu trop fort, des aisselles trop poilues, des poignées d’amour qui déforment un buste qu’il voudrait féminin, des expressions « de femme » qui transpirent de temps à autre sur son visage quand il se retrouve seul… Dommage que quelques scènes un peu lourdingues (celles où il s’imagine dire avouer ses doutes aux autres personnages) viennent s’incruster au milieu de cet ensemble pour s’assurer que tout les téléspectateurs ont bien compris de quoi il s’agissait.

L’intrigue du pilote n’a rien d’extraordinaire, mais permet de bien poser les bases de la série : Bob est pour l’instant confronté à l’intolérance de son entourage sans que celle-ci soit dirigée contre lui (c’est son patient transsexuel et sa femme, transsexuelle elle aussi, qui en font les frais), et quand il s’habille en femme, c’est à l’occasion d’une soirée d’Halloween où les regards moqueurs que lui attire son déguisement sont plus complices qu’agressifs. Pourtant, tout est déjà là : les regards, les jugements, l’intolérance… Bob sait exactement à quoi s’attendre s’il ose franchir le pas et s’assumer, et, 60 minutes plus tard, nous aussi

Autre bonne surprise, le pilote ne se centre pas uniquement sur Bob : chaque personnage secondaire a une intrigue, et même les plus caricaturaux, comme la mère de Bob ou ses voisins racistes, dégagent un côté drôle ou attachant. Et si certaines histoires ont un côté soapesque qui n’est pas sans rappeler Nip / Tuck et donne un aspect un peu surchargé au pilote, il s’en dégage malgré tout une unité thématique qui les élève au delà du rang d’intrigues bouche-trou. En effet, toutes les intrigues touchent de près ou de loin à l’identité des personnages : ce qu’ils veulent être, ce qu’on veut qu’ils soient, et surtout ce qu’ils font pour concilier les deux.

Pour finir, les acteurs sont très bons, et Joseph Fiennes comme Carrie-Anne Moss semblent pour l’instant à la hauteur des rôles qui leur ont été confiés.
Quant à la forme de la série, si visuellement la réalisation n’a rien d’extraordinaire (le look très ensoleillé et propret de la photo rappelle énormément Nip / Tuck, et les quelques passages filmé caméra à l’épaule avec des ton moins colorés sont pour l’instant employés de façon trop incohérente et anecdotique pour se révéler une bonne idée), la musique est excellente et apporte beaucoup à l’atmosphère de l’ensemble…

Voilà. Tout ça pour dire qu’on a ici une série vraiment ambitieuse (et pas une énième formula… with a twist, du style un avocat… qui parle à Dieu !), un poil overzetop (c’est quand même Ryan Murphy) mais qui semble pour l’instant à la hauteur de ce qu’elle a à raconter. J’attends la suite avec impatience !

Tigrou