RÉTROSPECTIVE — And now for something completely different...
"There’s going to be a Monty Pythons reunion just as soon as Graham Chapman comes back from the dead, we’re talking to his agent about terms" Eric Idle
Par Dominique Montay • 15 février 2008
Au sortir du Sens de la Vie, le groupe comique le plus cité en exemple de l’histoire de la télévision cesse d’exister. Les retrouvailles entre membres se font de manière erratiques, et surtout toujours incomplètes, les carrières solos se créent, pour le meilleur comme pour le pire. Que reste-t-il des Monty Pythons, aujourd’hui, et quel fût le chemin parcouru.

Lesson 1 : The Larch

"J’arrête.

  • Pourquoi ?
  • Je n’en sais rien".

John Cleese prononce ces mots dans un avion Air Canada, au terme d’une troisième saison télé qu’il juge mauvaise, estimant qu’il n’y existe que deux sketches inédits, le reste n’étant que ressucées des deux premières saisons. Les autres membres du groupe continueront l’aventure le temps d’une quatrième saison courte de 6 épisodes, avec quelques apparitions de John Cleese, tant est si bien qu’il est difficile de se rendre compte de la deffection. Au-delà de la série, trois films vont être tournés : « Sacrée Graal », monument du groupe, mais surtout tournage calamiteux, aussi bien dans les conditions de travail que dans les rapports entre les membres de l’équipe. Graham Chapman, qui souffre d’un énorme problème d’alcoolisme est frappé de Delirium Tremens ; Terry Gilliam et Terry Jones qui se disputent autour de la réalisation, qu’ils partagent ; Michael Palin - loué pour son calme en temps normal - qui perd son sang froid lors d’une scène (le mangeur de boue) qu’il rejoue un nombre incalculable de fois - et qui sera coupée au montage... C’est presque un miracle de les voir à nouveau collaborer sur « La Vie de Brian », tournage beaucoup plus serein, en Tunisie (et financé par George Harrisson, le Beatle). « Le Sens de la Vie » sera leur dernière collaboration d’ampleur en tant que groupe comique.

Les racines de leur séparation, on les trouve surtout dans la personnalité de Cleese. Il est talentueux, et il le sait. Cleese n’est pas homme à chercher à être aimé, et d’après les autres Monty, il est très difficile de le trouver franchement sympathique. Cleese a la bougeotte, se lasse très vite. Dès la fin de la seconde saison, déjà, il veut quitter les Monty Pythons. Forcé, il remet le couvert avant de partir pour de bon cette fois-ci. Lors de l’écriture du « Sens de la Vie », l’idée est formulée que pour donner du corps à un film qui n’est au final qu’une succession de sketches, il serait bon de réecrire le scénario en insérant un "personnage fil-rouge". Mais Cleese refuse, se disant épuisé des réecritures. Las, sûrement. Aujourd’hui, Cleese semble le regretter. Il déclare même qu’il n’est pas satisfait du film et que, oui, il aurait fallu cette réecriture.

Graham Chapman n’est certainement pas étranger à la fin des Monty. Son alcoolisme était surement de trop pour tout le monde (et Cleese en particulier, qui était son binome d’écriture). L’ami de Douglas Adams (auteur du « Hitchiker’s Guide to Galaxy ») brûlait la vie par les deux bouts et était totalement ingérable.

It’s...

John Cleese est évidemment le premier à rebondir, bien avant que les films soient tournée. Entre 1975 et 1979, il est la star de « Fawlty Towers », série humoristique ayant pour personnage central Basil Fawlty, gérant d’un hotel. Les deux saisons de la série s’intercalent entre « Sacrée Graal » et « La Vie de Brian ». Il joue aussi dans le premier film de Terry Gilliam, « Time Bandits », en 1981, le rôle de Robin des Bois. La suite de sa carrière se fait aux Etats Unis, d’une guest dans la série à succès Cheers à un rôle dans « Silverado » de Lawrence Kasdan. Il connaît ensuite son plus gros succès outre-Atlantique avec « Un Poisson nommé Wanda », en collaboration avec Michael Palin. Le film est un hit. Nommé aux Oscars pour son scénario, Cleese est considéré par beaucoup comme un maître de la comédie, son allure hautaine et tellement british déclenche l’hilarité à coup sûr tant les situations dans lesquelles il met son personnage sont burlesques et absurdes. Mais Cleese ne connaîtra plus tel succès en solo. S’enchaînent des bides assez énormes, avec « Erik le Viking » de Terry Jones, « Splitting Heirs » de Eric Idle, « Creatures Féroces »... Tous n’ont ni le succès public, ni critique escompté. Cleese connaîtra alors le destin de n’importe quel autre glorieux ancien : des voix dans les dessins animés, des guests dans des gros films (« Harry Potter », « James Bond ») et des apparitions dans des sitcoms.

Victime de son talent et de son arrogance, Cleese est certainement un acteur peu gérable, même si le temps a pu adoucir sa nature. Il nie toute possibilité de réunion du groupe, pas tant à cause de problèmes personnels, mais au niveau du travail. En effet, après « le Sens de la Vie » était prévu le tournage d’une suite à « Sacrée Graal », dont les prémices de l’histoire convenaient aux autres membres. Pas à Cleese, qui ne voulait certainement pas reformer le groupe.

Nobody expects the spanish inquisition

Michael Palin, le gentil de la bande, celui que tout le monde apprécie. Et les autres lui rendent bien. Palin va être de quasiment toutes les aventures solos majeures des Monty. Les premiers films de Terry Gilliam, avec un rôle dans le monumental « Brazil ». « Un poisson nommé Wanda » avec John Cleese... Mais c’est après ce qu’on peut considérer comme une série de caméos que Michael trouve enfin sa nouvelle voie, celle qui a fait de lui un des personnages les plus respectés de Grande Bretagne après l’avoir fait tant rire. Depuis 1980, Michael est devenu un explorateur. Un homme qui multiplie les voyages, les rencontres, les expériences. Cette reconversion, en plus d’être une des plus réussie, est la plus à contre-courant. Il a commencé en 89 par retracer les pas de Phileas Fogg avec « Around the World in 80 Days », puis il visite le Pacifique « Full Circle with Michael Palin » en 1997. Puis, ce sera le Sahara en 2002, l’Himalaya en 2004, enfin l’Europe en 2007. Bon plan pour un ancien acteur qui ne retrouve pas de grand rôles ? Plutôt expression d’un talent iconoclaste.

The whole thing’s a bit silly

Graham Chapman a trop bu, trop prit de drogues... Il a brûlé sa vie comme un feu de paille. Après la série et les films (il arrêtera de boire en 1977 entre « Sacrée Graal » et « La vie de Brian »), il sorti le film « Yellowbeard » (qui regroupe un casting de comiques assez monumental : Marty Feldman, Peter Boyle, Peter Cook, Eric Idle et John Cleese), qui ne convainquit ni le public, ni la critique. Alors qu’il allait se préparer à la création d’une nouvelle série en 1988, Chapman, lors d’une banale visite chez le dentiste, apprit qu’il avait une tumeur. Aussitôt enlevée, une autre apparut... ce fût le début d’une course perdue d’avance, ou chaque tumeur éliminée en laissait place à une autre. Il décèda en octobre 1989 d’une attaque. La finalement courte existence de Graham, qui était un gay affirmé, fait très rare pour l’époque, laisse évidemment un goût amer. Les problèmes que généraient ses addictions nuisaient au bon fonctionnement du groupe, ou à tout ce qu’il aurait pu apporter en tant qu’auteur, par la suite. Chapman était un spécialiste des conversations et situations non-sensiques, comme l’illustre à merveille son sketch le plus célèbre "The Pet Shop", où Cleese se rend chez un vendeur d’animaux joué par Palin car le perroquet qu’il vient d’acheter est en fait mort.

Tu-tut... tu-tut-tu-tut-tu-tut (c’est un sifflement)

Eric Idle vit depuis la fin des Monty sur la popularité du show. Rien dans sa filmo ne tend à prouver une volonté d’en sortir, ou même de goûter à autre chose. Eric cachetonne. Voix dans les dessins animés, jeux vidéos, téléfilms à la pelle, projets Disney, en veux-tu, en voilà (dont un film pour l’attraction, Cherie, j’ai rétréci les gosses à Disneyland)... Eric a malgré tout plus d’une corde à son arc. Du groupe, c’était le seul à écrire en solo, ce qui en faisait le moins mis en valeur des auteurs, mais c’est via son talent de compositeur qu’il restera dans les mémoires. Il est l’auteur de toutes les chansons des Monty, dont la monumentale "Always look on the bright side of life", un immense succès. Aujourd’hui, toujours les Monty Pythons à coeur, et après une assez longue traversée du désert, il triomphe à Broadway avec la comédie musicale « Spamalot », dérivée du Film « Sacrée Graal », avec l’autorisation des autres Monty, qui trouvèrent le script hilarant. Une belle manière pour Idle de concilier ses deux amours : Les Monty Pythons et la musique. Il se dit qu’il prépare la même chose pour « La Vie de Brian »...

But it’s my only line !

Terry Gilliam est un génie. Pur est simple. Un de ces génie qui frappe le cinéma de plein fouet, invente ou redéfini un genre, un style, lui appose une patte si personnelle qu’il est impossible de ne pas reconnaître un de ses films. Un de ces réalisateurs qui savent transcender un scénario bien écrit pour en faire un chef-d’oeuvre entre ses mains.
Terry Gilliam est un réalisateur qui ne sait pas réaliser des films qui ne coûtent pas chers. Il n’a connu qu’un seul succès commercial avec « l’Armée des 12 singes » parce que Brad Pitt était à l’affiche. Il a plombé « The Man Who Killed Don Quixote » parce qu’il n’a pas réussi à revoir ses ambitions alors que le tournage se transformait en cauchemar.

Deux points de vue possibles sur Terry, l’un venant d’un spectateur admiratif, l’autre venant des producteurs d’Hollywood. Et cet énoncé résume son statut dans le milieu. Un génie, oui, mais un génie coûteux, et sûr de son art. Ce talent, il avoue lui-même avoir du mal à l’expliquer de manière rationnelle avec ces producteurs pour qui il ne porte pas un grand amour. Ce qui lui vaut des prises de bec monumentales -lui qui déteste les confrontations violentes - et de souvent passer dans les blacklists du milieu. Après « Sacré Graal », coréalisé avec Terry Jones, Gilliam sort « Jabberwocky », sur la base d’un poème de Lewis Carroll, en 1981 sort « Time Bandits » avec Sean Connery, puis le sketche « The Crimson Permanent Assurance » pour « Le sens de la vie ». Terry réalise ensuite un monument du cinéma, le fantastique « Brazil », ode à la liberté où tout son génie visuel et de conteur nous cloue sur place. Le tournage ne fut pourtant pas de tout repos, Terry, subissant un stress énorme, y perdit l’usage de ses jambes pendant plusieurs semaines. En sort quand même un film fabuleusement maîtrisé qui aura le droit à la plus mauvaise version "film de trajet en avion" de l’histoire (Amputation de trois quarts d’heure, et changement du sens complet de la fin, rendant le film incompréhensible).

« Les aventures du Baron de Munchausen » se rétame au box-office, alors qu’il bénéficiait d’un budget assez colossal. Il est évident que les problèmes de Terry avec l’entertainment US ont commencé là. Obligé de faire amende honorable, il réalise pour la première fois un film qu’il n’a pas écrit, le beau « Fisher King », où transparait tout l’humanisme de Gilliam et où Robin Williams décroche un de ses plus beaux rôles. Vient ensuite « l’Armée des 12 singes », adaptation en long du court métrage de Chris Marker « La Jetée ». Succès du box-office, il est cependant imputé par les décideurs d’Hollywood à la présence de Brad Pitt dans le casting. « Fear and Loathing in Las Vegas », délire visuel assez incroyable, ne renforce pas son poids dans le milieu, et « The Man Who Killed Don Quixote » enfonce le clou. Terry Gilliam n’est pas bankable (gnarf), et doit s’aquitter d’un film de commande, « The Brothers Grimm ». Enfin, « Tideland » est le dernier film made in Gilliam a sortir, un film entâché d’une réputation sulfureuse et d’accusation de pédophilie. « The Imaginarium of Doctor Parnassus », qui doit sortir en 2009, raconte l’histoire d’une troupe de théâtre dont les performances abasourdissent l’audience. Une façon travestie de se mettre lui-même en scène, peut-être, usant du théâtre pour parler de son cinéma. Mais Heath Ledger, qui devait tenir un rôle dans la production, vient de décéder tragiquement. Il n’empêche... Terry Gilliam est un génie.

And now... one more minute of "Monty Python’s Flying Circus"

Terry Jones, après avoir réalisé toutes les oeuvres pythonesque, a finalement peu travaillé sur des projets d’ampleur similaire. En 1987, il signe « Personal Services », avec comme personnage central, une tenante de maison close. Suit « Erik le Viking », qui ne marchera pas du tout, aussi bien d’un point de vue critique que public. La dernière réalisation de Terry, une adaptation du « Vent dans les Saules », sera sa dernière oeuvre cinématographique. Après avoir eu l’idée originale de créatures féroces, il mettra en scène une réunion des Pythons en 1999, recyclant plusieurs de leurs anciens personnages dans de nouveaux sketches et en intégrant des archives de Graham Chapman, la « Python Night ». L’homme, érudit, va ensuite travailler sur des projets foncièrement ludiques et éducatifs.
En 2003, pour un sketche, les membres se sont retrouvés : « Education Tips No. 41 : Choosing a Really Expensive School », dirigé par Terry, est aujourd’hui leur dernière collaboration.

It was

The Monty Pyhtons Flying Cirus. Le groupe comique qui au-delà d’avoir fait rire l’angleterre des années 60, a réussi le tour de force de créer un genre, le maîtriser et lui donner tant de force qu’aujourd’hui encore, les sketches sont hilarants et peu datés. Les références utilisées sont tellement larges et assimilées par le grand public qu’elles ne subissent pas les affres du temps. Encore aujourd’hui, beaucoup de comiques se réclament de leur humour, certains montant des pièces rejouant leurs classiques. Encore aujourd’hui, regarder un épisode des Monty Pyhtons, s’est s’assurer une douleur au niveau de la mâchoire, un mal de ventre assez carabiné, des larmes coulant au litre et des absences passagères.

Oui mais qu’est-ce que c’est bon.