DOWNTON ABBEY — Saison 1
Le drama en costumes qui a explosé les compteurs d’audience sur ITV1.
Par Carine Wittman • 27 novembre 2010
Diffusé les dimanche soir de cet automne, les sept épisodes de "Downton Abbey" ont enregistré des audiences exceptionnelles semaine après semaine. Retour sur ce succès public, et artistique.

« Downton Abbey » nous prouve qu’il n’est nul besoin de scandales, de meurtres ou de lourds secrets pour passionner les téléspectateurs. Il suffit de personnages bien écrits, attachants ou détestables, de dialogues fins et d’une pléiade d’acteurs qui rivalisent de talent.

J’ai été marquée par les propos d’Alexandre Astier lors d’un entretien qu’il a accordé à Philippe Guedj pour le collectif Nowatch à Aix-Les-Bains lors du festival scénaristes en séries. Il expliquait que les anglo-saxons savaient rester proche du langage de tous les jours contrairement aux français. C’est encore plus vrai lorsque l’on regarde une série qui, de par son contexte historique, devrait être limitée par un langage soutenu. Mais les anglais ne jouent pas comme s’ils étaient au théâtre ce qui rend toute fiction télévisée tout de suite beaucoup plus contemporaine.

Mais qu’est-ce donc que cette série ?

C’est tout simplement la vie d’un manoir, Downton Abbey, de ses occupants du dessus et d’en dessous comme disent les anglais. On découvre Robert et Cora Crowley, Lord et Lady de Grantham, qui ont la charge d’entretenir la propriété avec le soutien des domestiques.

Au lendemain du naufrage du Titanic en 1912, les Crowley apprennent avec stupeur que les héritiers directs sont morts lors de la tragédie. Robert et Cora n’ont eu que des filles et le père de Robert a fait en sorte que jamais la propriété ne passerait entre les mains d’une femme. Robert se rend à l’évidence. Il doit contacter une branche éloignée de la famille, des bourgeois, Matthew et Isobel, sa mère.

On s’imagine bien d’un côté les aristos, de l’autre les bourgeois-envahisseurs. Matthew ne vient qu’à reculons ; il ne veut pas que cet héritage change ce qu’il est : un homme de classe moyenne qui aime travailler dans un cabinet d’avocats. Il ne veut pas de cette propriété qu’il considère comme un fardeau. Mary, la fille aînée des Crowley, est celle qui leur fait bien sentir leur condition moins élevée. Cela nous donne des dialogues succulents entre ces deux jeunes gens qu’on aimerait voir s’unir. Mais le chemin jusqu’à leur union sera semé d’embûches à commencer par la mort du premier amant de Mary pendant l’acte. Une scène cocasse à laquelle on ne croit pas au début tant elle est incongrue. La perte de sa vertu et la mort de son amant auront des drôles de ramifications pour tout le monde autour d’elle.

Sybil et Edith, les deux autres filles, ne nous laisseront pas non plus indifférents. Sybil, la plus jeune, est la plus passionnée. Sybil s’intéresse à la lutte ouvrière, aidera Gwen, sa femme de chambre, qui ne rêve que de devenir secrétaire, l’aidera à obtenir des entretiens et à y aller. Gwen ira aux réunions politiques sans penser qu’elle mettra sa vie en danger et pourrait faire perdre son emploi à ceux qui l’aident involontairement.

Si vous avez eu une grand-mère pimbêche, vous allez adorer Violet, la mère de Robert, interprétée par l’excellente Maggie Smith (Professeur Minerva McGonagall dans les « Harry Potter »). Une langue bien pendue que tout le monde redoute. Mais Isobel ne se laissera pas faire et vous pourrez assister à des joutes verbales entre ces deux dragons particulièrement rigolotes.

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« Downton Abbey » ne serait rien sans ses domestiques. Majordomes, femmes de chambres, chauffeur, soubrettes et j’en passe. Comme dans n’importe quelle entreprise, on a les gens décents, les jaloux et intrigants, les voleurs et les gentils. Voir tous ces gens s’affairer pour des maîtres qu’ils apprécient est passionnant. Dans les cuisines, ils dansent, rient, hurlent, se disputent, se mettent des bâtons dans les roues. Dès son arrivée, on s’attache à Bates, un compagnon d’armée de Robert Crowley, qui a été grièvement blessé. On le voit se débattre pour rester digne malgré une douleur que l’on ne peut s’imaginer. On voit s’épanouir l’amour entre lui et Hannah, beaucoup plus jeune que lui. On plaint Daisy, l’aide de la cuisinière, une femme acariâtre qui ne l’est que parce qu’elle perd peu à peu la vue. On déteste avec toutes les fibres de son corps Thomas, le voleur qui tuerait père et mère pour arriver à ses fins ou O’Brien, qui fait du mal parce qu’elle a peur pour son avenir. On ne peut être que triste lorsqu’on comprend que Mme Hughes, par devoir et amour pour la maisonnée, va tourner le dos à une chance d’être heureuse. On est plein d’admiration pour Carson qui préférera donner sa démission plutôt que de ternir la réputation de Downton Abbey ou qui attendra de connaître tous les tenants et aboutissants avant de donner foi à des accusations faites contre Bates.

Ce qui frappe dans cette belle fresque, c’est la décence de tous les gens qui vivent et travaillent pour Downton Abbey. La gentillesse des Crowley entraîne la loyauté des servants qui se comportent avec eux comme s’ils étaient de la même famille. Ils se protègent les uns les autres de toute menace, qu’elle soit intérieure ou extérieure.

A n’en pas douter, « Downton Abbey » est un must-see. Une écriture sans réel défaut, des dialogues délicieux de drôlerie, des émotions profondes servies par des acteurs incroyables et par une réalisation fantastique – même si l’on pourrait se passer de ces effets de flous qu’affectionnent les réalisateurs anglais en ce moment - chapeau bas à la musique - très inspirée - et qui donne le sourire dès les premières notes.

« Downton Abbey », c’est comme une tarte Tatin. C’est bon du début à la fin et cela donne la patate pour le reste de la journée ! Les épisodes de la première saison ayant battu des records d’audience le dimanche soir cet automne, ITV a annoncé une saison 2 de 8 épisodes pour l’automne 2011.

Post Scriptum

« Downton Abbey »
Produit par Carnival Films pour ITV1.
Saison 1, 7 épisodes.
Créé par Julian Fellowes.
Ecrit par Julian Fellowes, Shelagh Stephenson, Tina Pepler. Réalisé par Brian Percival, Ben Bolt, Brian Kelly.
Avec : Maggie Smith, Hugh Bonneville, Elizabeth McGovern, Penelope Wilton, Jim Carter, Phyllis Logan, Brendan Coyle, Joanne Froggatt, Michelle Dockery.