PEGG & CO — Les piliers de l’humour anglais
Les meilleurs comiques anglais que la plupart d’entre nous ne connaissent pas.
Par Dominique Montay • 11 juillet 2007
Ils s’appellent Simon Pegg, Dylan Moran, Bill Bailey, Martin Freeman, Jessica Hynes (ex-Stevenson) et Mark Heap. Ils forment la colonne vertebrale de l’humour anglo saxon et remportent un success croissant depuis dix ans sur les ondes. Presqu’inconnus en France, ces comédiens pour la plupart issus du Stand-up sont sur tous les fronts, télé comme cinéma. Mais qu’attend-t-on en France pour leur dérouler le tapis rouge ?

Mercredi 11 juillet. J-7 avant la sortie de Hot Fuzz en France, en plein démarrage d’un été pluvieux, et dans un anonymat presque total. Il a cependant rapporté plus de 20 millions de livres Sterling en Angleterre. Oui mais voilà, sa tête d’affiche, Simon Pegg, est un inconnu dans nos contrées (Simone qui ?). « Spaced » [1] n’a pas été diffusé en France (recherchez sur Allociné, pour rire), « Six Pair of Pants » non plus, et « Big Train » encore moins. Ces séries sont pourtant drôles, très accessibles, même pour un réfractaire à l’humour dit british.

« Hot Fuzz », comme en son temps « Shaun of the Dead », ne risque pas de casser la baraque étant donné le peu d’exposition dont il profite, coincé entre « Die Hard » 4 et « Harry Potter » idem.

A proximité de sa sortie, pourtant, il est intéressant de s’attarder sur cette vague de comiques anglais, à la fois abreuvés des fictions maison (« Father Ted », « AbFab »...), et de télévision américaine (surtout pour Pegg).

Pourquoi sont-ils drôles ?

Le talent majeur de Dylan Moran est d’appuyer bien fort sur les clichés irlandais (surtout l’alcoolisme) pour en tirer son personnage de Bernard Black (dont il ne semble pas très éloigné sur ses stand-ups, toujours un verre de vin à la main). Dylan humorise sur les choses du quotidien, de son rapport d’homme pleutre et sans perspective face à la société, aux enfants, à la violence.

Mark Heap est l’archetype physique de l’anglais de base. Grand, la posture fière (un brin coincé), il agit souvent avec stoïcisme face aux pires situations et déclenche l’hilarité par sa simple présence. Il suffit de le voir, dans le pilote de « Green Wing », série anglaise sur le monde médical, très axée sexe, au début même d’un repas romantique asséner « J’aime beaucoup ton vagin », et rester à la fois classe et drôle. Une qualité que ne possèdent pas tous les comédiens.

Jessica Hynes, la seule femme de la bande, excelle dans un rôle de célibataire joyeuse et optimiste dans la vie. Sa performance dans « Spaced », lorsqu’elle essaie de donner vie à une fête qui s’enlise ou ses différentes attitudes face au travail, est remarquable. Celle de « Black Books » [2], où elle joue un personnage illuminé et bien dans sa peau, tranche complètement mais son attitude hautaine et supérieure provoque la même hilarité. On décèle chez elle une vraie qualité de comédienne ainsi qu’un ton qui peut tendre vers le doux-amer.

Bill Bailey est un génie. Voilà. Plus sérieusement, Bill est un touche-à-tout cosmique, sorte de personnage issu d’un imaginaire fertile où musique, culture télévisuelle, déblatération de propos non-sensiques et statut capillaire peu orthodoxe se percutent dans un big-bang d’humour à ne pas manquer. Même s’il semble cantonné à des rôles plutôt ahuris, force est de constater qu’il le fait à merveille. Un de ses grands faits d’armes est d’avoir réalisé un sketche reprenant la structure d’un épisode standard de « Starsky et Hutch », et en refaire la trame sonore en direct. Un pur bonheur.

Martin Freeman est surement le plus connu de tous en France. Le rôle principal de « The Hitchiker’s guide to the Galaxy » est tout bonnement génial quand il s’agit de faire une mine interloquée ou surprise. Ce rouquin très british réussit à créer un lien avec le spectateur très fort, accomplissant le tour de force de lui donner l’impression qu’il est son relais à l’écran, créant ainsi une sensation de connection très forte. Une qualité naturelle qui fait qu’on rit autant avec lui que de lui. Martin est aussi excellent dans le drame, même si cette facette n’est pas très utilisée (cela dit « The Office » lui offre des prestations de haute qualité dans les deux registres)

Simon Pegg est un auteur à succès. Un peu comme Martin Freeman, il représente à la perfection l’acteur qu’on aurait pu avoir comme pote. Mais la différence majeure avec Martin, c’est le côté geek très assumé de Simon. Fan de comics, de S-F, c’est immaquablement le type de personne capable de se rendre à une convention « X-Files » et argumenter pendant trois heures avec un ado de 15 ans sur « pourquoi Scully n’est pas un frein à Mulder dans ses enquêtes ». Ce côté proche, un peu looser quand il joue, s’adjoint d’une vrai qualité de scénariste, ce que seul Dylan Moran et Jessica Haynes peuvent revendiquer aussi.

Leurs Débuts

Dylan Moran est un pur produit de l’école comique anglaise. Il se produit sur les planches dès l’âge de 20 ans. Il gagne en 1993 le prix « So you Think you’re funny - (Alors tu te trouves drôle ?) » au festival d’Edimburg, mais larécompense qui va donner un coup de fouet à sa carrière est le « Perrier Comedy Award », qui va lancer la perspective d’une tournée « Gurgling for Money ». La BBC met alors la main sur le prodige et lui donne un rôle régulier dans « How do you want me ? » (1998), une sitcom assez banale, mais qui permet à Dylan d’obtenir du temps d’antenne.

Mark Heap vient de la télé, ou il accumulé les petits rôles et autres voix off. A participé au téléfilm parodique « Hospital » (1997), et doublé la série d’animation « Stressed Eric » (1998), où il tenait le rôle-titre.

Jessica Hynes (qui vient tout juste de changer son nom de scène par son nom marital), est elle aussi une actrice de télévision après avoir participé aux films « Swing Kids » (1993) et « The Baby of Mâcon » (1993). Elle démarre pied au plancher dans la série à sketches « Six Pair of Pants » (1995), où elle fait la rencontre de Simon Pegg, avec lequel elle sera une des tête d’affiche de « Asylum » (1996), une série d’humour noir ayant pour lieu unique un asile d’aliénés. Elle va par la suite enchaîner les rôles dans des séries à sketches.

Pour Bill Bailey, issu du stand-up, la reconnaissance sera graduelle. Il démarre sur les planches en 86 dans un style très classique. Il sera la vedette d’une émission de radio de la BBC ayant pour personnage principal un rockeur vieillissant. Mais le succès n’est pas présent et il failli accepter du boulot dans une émission de télé achat. Alors qu’il travaillait en duo jusqu’ici, il monte un spectacle solo « Bill Bailey’s Cosmic Jam », acclamé par la critique et qui lui vaudra d’être embaûché sur Channel 4 pour une émission spéciale, « Bill Bailey Live », puis la BBC le met aux commandes de son propre show « Is it Bill Bailey » (1998)

Martin Freeman est un acteur qui s’est spécialisé dans la comédie sans qu’elle soit sa formation de base. Sorti de la Central School of Speech and Drama, il vivote entre théâtre et prestations télévisées, ainsi que quelques petits rôles dans des films. On peut vraiment dire que le vrai début de sa carrière se situe au moment où il est sélectionné pour jouer dans « The Office », en 2000, à 29 ans.

Simon Pegg, arrivé à Londres en 1993, vivote de petits boulots de stand-up avant de se faire repérer et de travailler sur « Six pair of Pants » (1995) et « Asylum » (1996). Sa participation sera encore plus notable sur « Big Train » (1998) ou son talent crève l’écran. Il participera à d’autres émissions à sketches avant que ses diverses rencontres ne provoque son désir de créer sa propre série.

6 degrés de séparations, ou moins

Simon Pegg crée en 1999 avec Jessica Hynes et le réalisateur Edgar Wright la série « Spaced ». Il s’entoure alors dans le casting de son meilleur ami, Nick Frost et de Mark Heap, qui faisait partie de la distribution de « Big Train », Bill Bailey y aura même un rôle semi-régulier. Dylan Moran crée Black Books en 2000 et s’adjoint les services de Bill Bailey comme co-star et offrira des rôles de guests à Simon, Jessica et Martin. Martin, lui, jouera aux côtés de Simon dans « Shaun of the Dead  » et « Hot Fuzz  ».

Sans pour autant parler de famille, on peut considérer que les comiques anglais font partie d’un groupe à part entière, qui donne des rôles aux uns et aux autres, profitant de leur talent pour élever le degré de qualité de leurs projets respectifs. Ils n’arrêtent pas de se croiser depuis 1998, et ce de manière exponentielle, participant aux films des uns, aux séries des autres, tout en travaillant en parallèle sur des rôles en solo.

On peut faire un parallèle entre ce groupe et la bande d’humoristes US menée par Ben Stiller, Steve Carrell, and co, qui trustent les premières places du box-office dès qu’un de leur film sort. A croire qu’il faut être humoriste en plus d’être comédien pour se serrer les coudes, dans le milieu.

En France...

Les occasions de voir évoluer cette vague de comiques, dans noter beau pays sont peu notables. Si Martin Freeman est le mieux représenté, avec au cinéma « Love Actually » (2003) et l’excellent « The Hitchiker’s guide to the Galaxy » (2005), il a aussi bénéficié de la diffusion de « The Office » (2001-2003) par CinéStar, et d’une mise en lumière par la copie-conforme française « Le Bureau » (2006). La mini-série « The Robinsons » (2005), fût diffusée par Paris Première lors de sa semaine anglaise. Dylan Moran et Bill Bailey ont eux aussi eu de la chance car « Black Books » (2000-2004), a été diffusé par Canal+, au beau milieu de l’été, certes, mais diffusée quand même. On ne peut pas en dire de même concernant Jessica Hynes et Mark Heap (inconnus au bataillon), et à un degré moindre Simon Pegg, car leur haut fait d’armes télévisuel attend encore une diffusion française, « Spaced ». Simon a eu la chance de voir ses films distribués, et d’avoir eu 5 minutes d’exposition dans « Mission :Impossible 3 » (rôle que devait initialement tenir Ricky Gervais).

Une culture de l’humour

Les comiques sont un moteur majeur de la télévision anglaise. Présentateurs, stars, auteurs, ils ont pignon sur rue et en profitent. De la révolution non-sensique un brin élitiste des Monty Pythons dans les années 60 aux élucubrations premier degré de Mr Bean, les exemples sont légions, mais étrangement, ont du mal à franchir le Channel. Les deux premiers cités jouissent d’une belle réputation en France, les premiers ayant été adaptés en français pour un spectacle, le second ayant tourné son dernier film à Cannes, on peut aussi citer « Absolutely Fabulous », qui eut aussi, en son temps son adaptation française via un film avec Josianne Balasko. « Benny Hill », avec ses multiples rediffusions à 20h sur France 3, a prouvé en son temps que les anglais savaient aussi rire en mode « grivois » (et un peu bas de plafond). La relève tarde à montrer le bout de son nez chez nous, et c’est bien dommage.

On aurait pu citer...

... Ricky Gervais, le créateur des séries douces-amères « The Office » et « Extras », récemment scénariste sur « The Simpsons », le veinard. Steve Coogan, acteur dans « A cock and Bull Story », comique très réputé outre-manche qui fut le rôle principal des séries « Alan Partridge ». Les plus anciens, Bill Nighy (« Love Actually », « State of Play »), Hugh Laurie (« Spooks », « House »)... bref. En Angleterre, soulevez un muffin, vous trouverez un comique talenteux. Par contre, il faut avoir de la chance pour qu’en rentrant en France, vous réussissiez à impressionner quelqu’un avec votre rencontre.

« J’ai rencontré Simon Pegg !
— Simone qui ? »