ANDREW DAVIES — Maître de l’adaptation
Encore un Davies !
Par Emilie Flament • 7 juin 2012
Si vous avez raté les cours de littérature anglaise à la fac, voici votre professeur pour un rattrapage ! En plus, ses cours ont la forme d’une série télé... que demander de plus ?

Alors qu’Arte rediffuse à partir de ce soir, son « Orgueil et Préjugés (Pride and Prejudice) », devenu depuis sa diffusion originale en 1995 un véritable classique, profil d’Andrew Davies, un touche-à-tout venu à l’écriture scénaristique sur le tard, et qui s’est imposé en Grande-Bretagne comme l’auteur de référence pour adapter les classiques de façon à la fois respectueuse et contemporaine sur le petit écran.

Article publié en février 2010.

Le 20 septembre 2009, il recevait un Emmy Award pour l’adaptation du roman de Charles Dickens « Little Dorrit ». Mais quand on a été nominé 32 fois en 20 ans et qu’on a remporté 14 récompenses aussi prestigieuses que des BAFTAs, est-ce qu’on y prête encore attention ?

Ce grand monsieur, né en 1936 à Cardiff, a une filmographie longue comme le bras, et pourtant il n’est devenu scénariste à plein temps qu’en 1987 ! Ce passionné de littérature a jusque là enseigné. Ce sont d’ailleurs ces années d’expérience à l’Université de Warwick qui lui ont inspiré son premier vrai succès « A Very Peculiar Practice » (1986-1988) , qui dépeint le système universitaire anglais avec beaucoup d’humour.

Autre création originale à succès, la comédie « Game On ! » (1995-1998) raconte les aventures et les frustrations de 3 colocataires londoniens. Matthew, Martin et Mandy sont trois amis d’enfance. Matthew est agoraphobe depuis la mort de ses parents et passe son temps dans l’appart’ à chercher un moyen de s’occuper. Martin n’a pas une vie plus passionnante : c’est une bonne poire, avec une job ennuyeux et désespérément célibataire. Malgré son ambition, Mandy enchaîne autant les mecs que les jobs.
La série tourne essentiellement autour des questions de sexe, que ce soit via l’inexpérience des personnages masculins ou par la fragilité que Mandy essaie de combler avec son addiction au sexe. Elle dresse un sombre portrait de la place des célibataires dans notre société durant les années 90.

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Game on !

« Le journal de Bridget Jones (Bridget Jones’s diary) » (2001) et « Bridget Jones : l’âge de raison (Bridget Jones : The edge of reason) » (2004), c’était lui aussi. Mais en dépit de ses succès cinématographiques, il préfère travailler pour la télévision, plus respectueuse des scénaristes.

La plupart de sa carrière se concentre sur les adaptations littéraires dont le succès peut être attribué à son approche plus viscérale qu’intellectuelle des oeuvres.
Alors que la BBC avait oublié le genre, sa version de « Middlemarch » (1994) [1] a marqué un tournant dans l’histoire de la télévision en donnant plus de résonances aux aspects socio-politiques du livre. Son « Orgueil et Préjugés (Pride and Prejudice) » (1995) [2] a confirmé ce succès, faisant de lui le scénariste incontournable de tout projet d’adaptation.

Caractérisée par une approche plus personnelle des textes, il n’hésite pas à « sexualiser » ses histoires, allant parfois jusqu’à ajouter des scènes. Selon lui, cela revient à combler les trous laissés par des auteurs qui se sont trouvés limités par les conventions de leur époque. Il considère que se concentrer sur la fidélité au roman est une approche dangereusement réductrice. Les puristes le critiquent, le public adore. Lui voit cette interprétation comme un autre angle d’enseignement littéraire. Et, en excellent professeur, il parcourt tout un panel de grands romans : « House of Cards » (1990), « To play the King » (1993), « The final cut » (1995) [3], « Vanity Fair » (1998) [4], « Femmes et filles (Wives and daughters) » (1999) [5], « Quelle époque (The way we live now) » (2001) [6], « Le docteur Jivago (Dr Zhivago) » (2002) [7], « Une chambre avec vue (A room with a view) » (2007) [8], « Bleak House » (2005) [9].

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Tipping the velvet

« Tipping the velvet » (2002) [10] a également beaucoup fait parler de lui. Dans l’Angleterre du XIXème siècle, Nan Astley découvre qu’elle n’est pas attirée par les hommes mais par les femmes. Du glamour du monde du music hall où elle rencontre son premier amour, Kitty, à la prostitution lorsqu’elle est trahie par cette dernière, le spectateur suit le parcours de cette femme qui se découvre à l’époque Victorienne. Le personnage de Kitty et sa relation avec Nan ont été particulièrement travaillés.
Sarah Waters, l’auteur du roman paru en 1998, a été très surprise que la BBC se lance dans cette adaptation, le texte étant très explicite sexuellement. Davies était intéressé par ce livre qui décrit une jeune femme qui se découvre, et qui lui permettait d’aborder sous un angle nouveau son domaine de prédilection : la sexualité à l’époque Victorienne.

Avec « Emma » (1996), « Northanger Abbey » (2007), « Raison et Sentiments (Sense and Sensibility) » (2008) [11], Davies a également complété son parcours de l’œuvre de Jane Austen.

A 74 ans, Andrew Davies n’a pas l’air de vouloir prendre sa retraite. Il prépare une adaptation cinéma de « Middlemarch » avec Sam Mendes à la réalisation, ainsi que plusieurs mini-séries télévisées. Certaines rumeurs parlent même des « Trois Mousquetaires »... Alors M. Davies, on se met aux auteurs français ?

Dernière mise à jour
le 7 juin 2012 à 19h15

Notes

[1basé sur le roman de George Elliot

[2basé sur le roman de Jane Austen

[3basés sur les romans de Michael Dobbs

[4basé sur le roman de William Makepeace Thackeray

[5basé sur le roman de Elizabeth Gaskell

[6basé sur le roman de Anthony Trollope

[7basé sur le roman de Boris Pasternak

[8basé sur le roman de E. M. Forster

[9basé sur le roman de Charles Dickens

[10basé sur le roman de Sarah Waters

[11basés sur les romans de Jane Austen