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Deadwood
3.01 - Tell your God to Ready for Blood
What am I, Lord, that I’m so helpless ?
mercredi 28 juin 2006, par
Ca faisait longtemps qu’on attendait de revoir Al Swearengen du haut de son balcon, contemplant le camp de Deadwood. Ca faisait longtemps qu’on attendait de revoir la silhouette droite de Seth Bullock, la douceur de Joanie, l’aplomb de Trixie, l’honnêteté de Sol, l’alcoolisme de Jane, la soif de pouvoir de George Hearst, la folie d’E.B., l’humanisme du Doc, les complots de Cy, la bonté d’Ellsworth, la fragilité d’Alma, la loyauté de Dority et les cochons de Wu.
Parfois, les scénaristes aident les spectateurs à se remettre dans le bain en plaçant dans le season premiere quelques répliques bateau du style « alors, ces vacances à Saint Barth’, c’était comment ? » pour permettre aux personnages de nous dire combien de temps s’est passé depuis l’épisode final de la saison dernière, et nous rappeler quels sont les nouveaux enjeux ou les nouvelles bases. Les scénaristes de Deadwood ne cherchent pas à faciliter la tâche des spectateurs. Ils ne l’ont jamais fait d’ailleurs. Comme dans The West Wing, il m’arrive de comprendre de quoi parlent les personnages à la toute fin de l’épisode, ce qui ne m’empêche pas d’être passionnée par l’histoire. POTUS ou Yankton, c’est la même idée sous-jacente : les spectateurs sont intelligents, et il serait trop facile de leur mâcher tout le boulot !
Le premier plan se pose sur Deadwood, qui n’est plus tout à fait un camp mais qui commence à ressembler à une ville. C’est le matin, la rue principale est boueuse, le ciel est gris, et Al boit son café sur sa terrasse. Tout semble calme. Ca ne dure pas très longtemps.
Non seulement un homme est tué dans au Gem Saloon, mais en plus, il est abattu par l’homme de main de Hearst sans aucune (bonne) raison apparente. Trois hommes de Cornouailles, les Cornishmen, parlent entre eux (dans leur langue) au bar, pendant qu’un autre, assis plus loin derrière, tente d’attirer leur attention en les interrompant avec des mots inventés. Dan Dority, au bar, assiste à la scène, et Johnny à l’entrée semble perplexe. Comme nous, ils ne comprennent absolument pas ce qui se passe.
C’est dur à avouer, parce que Dority et surtout Johnny ne sont pas spécialement intelligents, mais très souvent on en sait à peu près autant qu’eux et on se sent aussi déconcertés qu’ils le sont.
L’homme de main de George Hearst finit par faire se retourner un des Cornishmen, mais il n’a pas le temps de demander son du, puisqu’il se fait abattre très rapidement et que les deux hommes accompagnant le tueur sortent leurs armes. Johnny est près à dégainer mais Dority l’en empêche et met tout le monde dehors.
Wu étant absent du camp, Al ordonne à Dority et à Johnny de mettre le corps dans la chambre froide... Les cochons s’occuperont de lui plus tard. Qu’est-ce que Hearst veut prouver en abattant un homme dans le saloon d’Al ? Qu’il fait ce qu’il veut, où il veut ? Quel danger représentaient ces Cornishmen ? Des réponses viendront plus tard.
En attendant, la vie reprend son cour à Deadwood. L’établissement « Chez Amie », autrefois un bordel de luxe tenu par Joanie Stubbs, est devenu une école. Ellsworth, Alma et « the little one » ont emménagé dans une nouvelle maison. Seth et Martha respirent toujours autant l’amour et la tendresse, et Martha occupe à présent la place d’institutrice. Parce qu’il y a des enfants à Deadwood, et oui !
Joanie veille, bon gré mal gré, à la santé des filles du Bella Union et surtout à celle de Cy Olliver, qui fait semblant de ne pas aller mieux pour la garder à ses côtés. Joanie n’est toujours pas débarrassée de la relation de dépendance qui la lie à son ancien proxénète et amant. Malgré tous ses efforts d’indépendance, malgré tout le courage dont elle a fait preuve pour s’éloigner de la prostitution de bas étage, celle des filles droguées ou trop paumées pour avoir conscience de ce qu’elles font, Joanie revient dans les bras et dans le saloon de Cy. Elle est impuissante... Et dans une chambre miteuse de chez Shaunessey, elle porte un revolver à sa tempe. Sans pouvoir appuyer sur la gachette... Jusqu’à ce qu’elle trouve la force ?
Tout comme Joanie, Trixie ne semble pas pouvoir se détacher de l’influence de son ancien proxénète, Al. Mais Trixie est moins démunie que Joanie : elle a Sol, et un travail. Et bientôt une maison... En effet, Al a comploté pour que la maison de son homme de main, Silas, revienne à la banque auprès de qui il a fait un prêt. Et la banque appartient à Sol, qui hérite ainsi de la maison... La maison en question a un mur adjacent avec l’établissement de Shaunessey et Al propose à Trixie d’y habiter, puisqu’il y a fait installer un passage pour que Sol et elle puissent se voir en toute discrétion.
La raison officielle d’Al est de permettre à Sol Star, futur candidat à la Mairie de Deadwood, d’échapper aux rumeurs qui disent qu’il « whore-fuck » dans l’enceinte même de son magasin. La réaction de Trixie est mémorable (merci aux transcripts de chatarama) :
« The wrist business on Adam’s house loan, Adams being nothing but his fucking stalking horse from the gambit’s fucking beginning. You sign to take those over, we’ll move in your 12 possessions. You will be free to come and go by your own front fucking door, and as you lay in your beddy-bye, I’ll pop from the wall like Grandma Groundhog in a storybook and attend to your Johnson, as he’d not see you jeopardize your Mayor’s campaign whore fucking in your place of business. And I’ll have installed in room 3-fucking-C or the like of Shaunessey’s adjacent shitbox, that he’s paid Shaunessey to cut a hole through to ease my fuckin’ fucking you. »
La raison officieuse pourrait aussi bien être qu’Al voudrait une relation plus « honorable » pour son ancienne protégée. Et la possibilité pour elle de repartir de zéro et de ne plus être considérée comme une prostituée... Mais ce ne sont que des suppositions. Pour ce qui est des relations humaines, Deadwood ne fait pas dans le simple, et personne n’y échappe. Complexes et profondes, parfois désespérées, souvent passionnelles, les relations amoureuses et amicales sont le reflet du tumulte à la fois de l’époque et du camp même de Deadwood. Et la preuve que ce show est exceptionnel. Jamais autant de personnages ne m’auront paru aussi difficiles à cerner et aussi humains, sauf peut-être dans Six Feet Under.
L’événement marquant de cet épisode, c’est la rencontre entre Seth Bullock, sheriff psychorigide de son état et George Hearst, magnat de l’exploitation minière et homme sans foi ni loi. Al lui avait pourtant demandé de se tenir correctement, et d’éviter le sujet du meurtre du Cornishman un peu plus tôt ce matin là... Mais Bullock ne sait décidément pas garder son sang-froid.
Il devait voir Hearst en tant que candidat aux futures élections mises en place pour satisfaire Yankton, afin d’obtenir son soutien. Et bien entendu, accepter de couvrir le meurtre du Cornishman, qui semble-t-il menaçait de créer un syndicat au sein des travailleurs employés par Hearst. Ah, les Etats-Unis et les syndicats, une grande histoire d’amour qui commence très tôt...
Le rendez-vous ne se passe pas comme prévu. Hearst part à la pêche aux informations et Seth, être de peu d’intelligence qu’il est, tombe dans le panneau et dévoile sans le vouloir sa relation avec Alma Garret, devenue Alma Ellsworth, et toujours propriétaire d’une copieuse mine d’or. Hearst voudrait racheter la mine d’Alma et demande à Bullock d’être son intermédiaire, mais ce cher Seth s’énerve un peu trop vite et quitte la chambre d’hôtel précipitemment.
EB, derrière son comptoir, ne sait pas ce qui l’attend et ouvre malheureusement la bouche une fois de trop. Seth se rue sur lui, le balance à terre et se défoule... Bullock est certainement l’homme qui a le moins de self-control de tout le camp, et pour quelqu’un qui tire aussi bien au revolver, ça fait peur. Richardson, le larbin d’EB (et le seul homme plus dérangé que son maître), court au Gem Saloon pour prévenir Al, qui intervient juste à temps pour empêcher Bullock de finir EB... Et décide de s’entretenir directement avec Hearst, afin de mettre les choses au clair.
L’échange entre ces deux hommes de pouvoir est délicieux :
Hearst : I have learned to accept, Mr. Swearengen, that events sharing some effect on my interests does not make them part of a plot.
Al : You ain’t the center of the universe, in other words.
Hearst : Exactly.
Al : Don’t that lead you to despair ?
Hearst : No, Sir.
Al : You’re stronger-minded than I.
La lutte de pouvoir pour le contrôle du camp a commencé. Et comme le dit Al à la sortie de cette réunion, tell your god to ready for blood. Hearst est un ennemi à la hauteur du patron du Gem Saloon. Et la guerre vient tout juste de se déclarer.
Loin de toute cette effusion, comme d’habitude, il y a Jane. Jane et sa bouteille, Mose, Martha et Joanie. Ce personnage a une place très spéciale dans Deadwood. Pas tout à fait habitante du camp, pas du tout intrigante et surtout très soûle, Jane est pourtant celle sur qui les personnages un peu fragile comme Alma, Martha, Joanie, ou avant ça le pasteur peuvent compter. Elle est leur roc, comme si elle était la moins paumée de toutes, alors qu’au final, elle l’est tout autant. Son franc parler, ses airs d’homme des montagnes, mais également la gentillesse qui transparaît derrière toutes ces mauvaises manières font d’elle une amie sans être forcément une confidente ni une conseillère. Sa seule présence rassure.
Martha offre à Jane l’occasion de parler de son expérience avec Custer, lorsqu’elle était éclaireuse pour lui. Mais Jane refuse, elle a peur de jurer devant les enfants. Et elle ne voit pas tellement quoi raconter à part “Custer was a cunt. The end.”. Evidemment, vu comme ça...
Comme Mose est un homme, Jane lui cherche des poux, mais les deux sont comme des enfants qui se chamaillent au fond... Et Jane, sans le savoir, pourrait bien sauver Joanie du désespoir qui la coule un peu plus chaque jour.
Très loin également des effusions mais plus proche du drame, il y a Alma. La belle veuve et nouvellement Mme Ellsworth fait un malaise et se voit obligée de rester allongée et de prendre du laudanum, malgré son ancienne addiction... Le Doc s’inquiète pour elle (il est un des rare, sinon le seul, humaniste du camp et il s’inquiète sincèrement pour ses patients) et l’oblige à prendre ce remède. Il insiste auprès d’Ellsworth... Mais les nouvelles ne semblent pas bonnes pour Alma. Etre obligée de rester allongée si tôt dans la grossesse, ça n’augure rien de bon. Les saignements et les douleurs me font dire (après des années à regarder Urgences) qu’il pourrait s’agir d’une grossesse extra-utérine...
Les prochains jours s’annoncent sombres à Deadwood. Mais comment pourrait-il en être autrement ?
A noter : on apprend dans cet épisode le vrai prénom d’Al : Albert !! Al lui va tellement mieux... Même si je préfère le « Sweargen ! Cocksucker » de Wu...