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Deadwood
3.08 - Leviathan Smiles
Perhaps tonight will be twice as sweet
mardi 8 août 2006, par
Je trouve très intéressant de faire suivre les jours au fil d’une saison, sans laisser passer de temps entre les épisodes. La vie est intense dans le camp, et chaque décision, chaque émotion, chaque événement n’a pas le temps d’être digéré, oublié ou pardonné. La fragilité d’une position, d’un rang, d’une vie, sont ainsi montrées, et c’est non seulement original, mais également très efficace. L’ascension et la déchéance peuvent avoir lieu dans une même journée, et la plus grande des légendes de cette époque, Wild Bill Hickok, peut tomber du revolver pitoyable d’un poivrot en manque de chance. Il n’y a rien de sûr, rien de déterminé, et la lutte pour le pouvoir ressemble à une lutte pour la survie. Si Al Swearengen ne menait pas le camp du haut de son saloon, il y a fort à parier qu’il aurait à en partir rapidement sous peine de se faire tuer. D’ailleurs, Heidi Klum le dit mieux que moi : « In Deadwood, one day you’re in, the next day, you’re out ».
En quelques jours, Al a perdu l’avantage sur le camp ; Hearst, assoiffé d’or et de pouvoir, prépare la destruction de Deadwood ; Bullock pressurise un peu plus chaque jour et manque de péter définitivement un câble ; Alma a recommencé puis arrêté (à nouveau le laudanum) ; John Langrishe a racheté l’école pour en faire un théâtre ; Joanie et Jane se sont rapprochées dans leur solitude ; Dan a manqué de se faire tuer ; Johnny s’est fait greffé un cerveau ; Aunt Lou est arrivée au camp et a vu son fils se compromettre avec Hearst ; Steve le poivrot a provoqué la mort du Hostetler ; Merrick et Blazanov se sont liés d’amitié et Blazanov a rompu le secret professionnel auquel il est tenu ; Ellsworth a été obligé de quitter le foyer qu’il voulait pourtant protéger et le Doc développe une maladie pulmonaire inquiétante...
Et ce ne sont que des faits ! Les relations elles aussi évoluent, subtilement, lentement (et en même temps rapidement si on compte les jours), et la pression de voir Deadwood réduite en cendres augmente un peu plus à chaque épisode.
De nouveaux éléments sont apportés à la lutte Hearst/Swearengen dans Leviathan Smiles. L’arrivée des célèbres frères Earp, Wyatt et Morgan, est une force supplémentaire qui pourrait bien être utilisée dans un camp ou dans l’autre. Wyatt (joué par Gale Harold de Queer as Folk aurait a priori plutôt tendance à se mettre du côté de Bullock, mais malheureusement, le sheriff s’est levé de très mauvais poil ce matin là et accueille plus que froidement ces deux nouveaux venus... Sans oublier que Morgan, le plus jeune des frères Earp, a l’air d’être aussi calme, tempéré et raisonnable que l’était Johnny en saison 1. Autant le dire, c’est un loose canon. Deadwood est certainement le dernier endroit sur terre pour être incontrôlable. Ok Corral, ce sera pour plus tard !
En bon stratège qu’il est, Al s’empresse de dire à Wyatt qu’il le paiera le double de n’importe quelle offre qu’ « on » (entendez Hearst ou Tolliver) lui fera... Etant un ancien homme de loi, apparemment moins coincé et moins droit que Bullock, Wyatt Earp voudrait rester neutre et monter son entreprise de bois avec son frère, mais on ne dirait pas qu’il souhaite s’effacer complètement. Sa participation (ou non) aux événements en cours pourrait changer beaucoup de choses à l’issue du conflit.
Sa relation avec son frère est pour le moment un peu cliché je dois admettre, mais il faudra, j’en suis sûre attendre quelques épisodes pour la voir se développer plus en profondeur.
Déjà, le fait que les frères Earp n’apparaissent pas comme des hommes épris de justice est une excellente chose. Ils arrivent dans le camp en faisant croire qu’ils ont sauvé la diligence des mains de bandits, mais en réalité (et Al le comprend immédiatement), ils ont eux-mêmes monté cette histoire de toutes pièces pour obtenir du respect à Deadwood dès leur arrivée. Au moins, Wyatt a compris l’importance de la réputation dans une ville du far-west... On ne peut pas en dire autant pour Morgan.
La confrontation avec Bullock ne se fait pas attendre : la lettre est parue le matin même et Seth craint, même s’il n’ose rien dire, la réaction de George Hearst ; il est sur les nerfs. Faut pas le chercher. Le premier qui crache un peu trop près de ses bottes, il passe la nuit en cellule. Seth est à deux doigts de tuer Hearst lui-même. Quand il comprend que Wyatt a été un homme de loi, il sent la compétition plutôt que l’aide. La dernière chose qu’il souhaite, c’est ce que quelqu’un empiète sur le peu de pouvoir qu’il possède encore. Il a d’autres chats à fouetter.
Tel le serpent visqueux qu’il est, Cy imagine tout de suite comment utiliser cette opposition : provoquer un duel entre Wyatt et Bullock serait une façon comme une autre de se débarrasser du sheriff... Hearst semble bien entendu intéressé par l’idée. Bullock est tellement à fleur de peau, de toutes façons, il pourrait se laisser provoquer par un bout de bois récalcitrant.
Jack Langrishe, pendant ce temps, montre qu’il mérite bien d’être acteur. Il réussit à s’introduire dans l’antre de Hearst, prétextant qu’il sait guérir le mal de dos, dont souffre Hearst depuis son arrivée dans le camp (et probablement bien avant). Toute la scène de chiropractie n’est qu’une parodie, car Jack ne connaît rien à cette méthode, mais le domaine dans lequel il excelle est celui de se mettre en scène et de convaincre qu’il a réellement un don. Brian Cox est brillant dans cette scène. Flamboyant, c’est le mot. Ayant trouvé un moyen d’atteindre l’ennemi juré d’Al, il en fait part à son ami immédiatement. Je ne sais pas encore si son intention est de le manipuler à travers son mal de dos, ou bien d’éventuellement le poignarder froidement alors qu’il est allongé, mais en tout cas, Jack Langrishe a bien des visages. Ce qui en fait un personnage presque aussi fascinant que son ami Swearengen.
A Deadwood, même les poivrots racistes sont passionnants. Prenez Steve par exemple. Sa haine démesurée pour le Hostetler et le General prend une autre dimension lorsque l’on s’aperçoit que dans le fond, ses sentiments à l’égard de ces hommes noirs sont très confus. Il s’en veut d’avoir causé la mort du Hostetler, du moins, il n’est pas totalement indifférent à son sort. Il s’en veut et il souhaite que le General reste travailler avec lui à l’écurie. Steve le poivrot est seul dans sa haine et il le sait. Quand le General lui annonce qu’il compte partir à la fin de la journée, il décide de cacher sa selle afin de l’empêcher de partir, tel un gamin capricieux qui ignore comment obliger un adulte de le quitter. Manque de chance, il se prend un coup de sabot à la tête et se retrouve dans le coma... Le Doc réussit à convaincre le General de rester prendre soin de lui, en alternance avec Jane. Mais le General ne compte pas rester longtemps : dès que la banque sera au courant de cet accident et du fait que sa propriété est en danger, il partira.
Comme prévu, la lettre parue dans l’édition du Pioneer contrarie Hearst qui n’aime guère se voir donner des leçons. Merrick et Blazanov prédisent une apocalypse prochaine. Et ils n’ont pas tort : le soir venu, plusieurs cavaliers, armés de fusils, font une entrée fracassante dans le camp... Hearst sourit à cette arrivée, content et sûr de lui. « Leviathan fucking smiles », concluera Al. Les jours tranquilles à Deadwood sont définitivement dans le passé, s’ils ont jamais existé.