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Deadwood
3.07 - Unauthorized Cinnamon
I want to be good
lundi 31 juillet 2006, par
Les anciens du camp n’ont aucune option pour contrecarrer Hearst, si ce n’est une simple lettre, écrite par Bullock, touché par la mort inutile et injuste des Cornishmen. La lettre sera publiée par Merrick, et Al espère ainsi pouvoir monter les employés de la mine contre leur patron.
La réunion a lieu au Gem Saloon, les gens les plus influents ou parmi les fondateurs du camp se préparent. Nuttal, le propriétaire du Number Ten, vient avec Harry, l’autre candidat au poste de sheriff. Le Doc est trop malade pour sortir de chez lui, et il a peur de contaminer tout le camp. Seth demande à Marta de manger rapidement pour pouvoir se rendre à la réunion. Sol et Trixie ont une discussion très importante dans laquelle Sol avoue à Trixie qu’il se verrait bien, avec elle, prendre soin de Sofia, si jamais il arrivait quelque chose à Alma ou pire, au camp tout entier. Trixie est touchée comme on la voit rarement, et le moment où Sol lui prend la main est extrêmement touchant. Le sujet des enfants est un sujet très délicat pour elle, comme pour Joanie par ailleurs : on imagine très bien ce que la condition de prostituée les a obligées à faire ...
Dans un moment plus trivial et très drôle, Jewel insiste pour apporter un peu de civilisation à Deadwood en proposant, en vue de la réunion, de saupoudrer les pêches (le dessert favori d’Al) d’un peu de cannelle. Bien entendu, comme il s’agit d’un changement d’habitude, Dan y est formellement opposé. D’où le titre de l’épisode. On a vu rarement Jewel depuis le début de la saison et j’avoue qu’elle me manque ! Elle apporte un autre dynamisme à l’équipe du Gem Saloon : Dan, Silas, Johnny et bien sûr Al. Elle a une place de mère mais également de sœur ; les hommes du saloon prenant soin d’elle malgré tout. Lorsque Al décide de se mettre à quatre pattes pour nettoyer lui-même les tâches de sang sur le parquet, c’est surtout pour aider sa « gimp »... Et pas parce qu’elle ne sait pas le faire. Sans oublier que Jewel a quelques excellentes répliques, parmi les plus drôles de la série. Je n’oublierai pas le « caus’ I’m knocked up » lancé à Al lorsqu’il lui demande ce qu’elle va faire aussi souvent chez le Doc. Bref, il faudrait plus de Jewel à Deadwood !!
Cy et Al attendent patiemment à l’étage que tout le monde arrive... Et Cy en profite pour proposer à Al de donner Bullock à Hearst, en espérant que ce geste arrive à calmer sa fureur.
Cy montre de plus en plus le visage du serpent venimeux qu’il est, et Powers Boothe lui donne un véritable air de salopard fini... A côté de lui, Al apparaît presque vertueux ! Les deux acteurs sont impeccables, habitant leurs personnages avec plus de charisme que tout le cast de 24 réuni. Al ne semble pas vouloir vendre Bullock à Hearst. Il doit savoir que cela ne suffirait de toutes façons pas à éloigner Hearst de Deadwood, et de plus, je pense que Swearengen méprise profondément les manières employées par Hearst, et que leur opposition pour le pouvoir devient au fur et à mesure une opposition de principe. Al ne méprise pas les intentions d’Hearst, ni sa volonté de posséder et d’exploiter : ce n’est pas la fin qui pose problème, parce qu’après tout, Al a à peu de choses près les mêmes (si ce n’est que son ambition se restreint au contrôle de Deadwood et non pas de l’état autour). Ce sont bien les moyens sont détestables : le meurtre calculé, par exemple, des Cornishmen qui voulaient se syndiquer, la crémation sans état d’âme des prostituées chinoises, et n’oublions pas, l’emploi du sociopathe (su et reconnu) Wolcott pour lui préparer le terrain... Et depuis qu’il a perdu un doigt, on peut penser qu’Al a une bonne raison de ne pas faciliter la vie de George Hearst.
Alors que les anciens du camp (donc les gens les plus influents de Deadwood) se réunissent pour décider d’une stratégie, Hearst et Odell discutent de leur plan pour l’Afrique et l’or qui s’y trouve. Hearst comprend vite qu’Odell essaye de le tromper et de profiter de lui, mais il décide de lui donner quand même la responsabilité de sa mine au Libéria. Se sent-il trop seul pour tourner le dos à un potentiel allié, même s’il essaye de le rouler ? Dans un moment de fatigue, de solitude et de rage, il explique au fils d’Aunt Lou qu’il haït Deadwood profondément, parce qu’il s’y sent tel un pariat. Et qu’il compte bien détruire la ville à la façon, dit-il, de Gomorrhe. Rien que ça ! On pourrait croire qu’il perd un tantinet le sens des réalités, et qu’il se prend pour Dieu (ça doit être à cause de la barbe), mais plus on connaît Hearst, plus on devine qu’il est réellement capable de mettre Deadwood à feu et à sang. Et le dernier télégramme qu’il reçoit donne une petite idée de ce qu’il s’apprête à faire : les 25 « briques » qui sont sensées arriver de Cheyenne à son intention sont en réalité des hommes, des renforts pour mener à bien sa campagne de destruction. Si on est au courant de ce message, c’est parce que Blazanov, le responsable du télégramme, brise la confidentialité de son métier pour prévenir Al.
Il aurait été inimaginable pour Blazanov de briser le secret d’un télégramme à son arrivée à Deadwood dans la saison précédente. Il se considérait comme un professionnel. Puis, au fur et à mesure de son amitié avec Merrick, et la découverte du dernier cadavre des Cornishmen dans la rue, Blazanov a pris parti contre Hearst, cet homme qui expatrie des pères de famille, les oblige à quitter leur pays pour aller à l’autre bout du monde afin de subvenir aux besoins de leur famille, et qu’il exploite dans des conditions honteuses, pour finalement les assassiner en pleine rue s’ils ne sont pas assez obéissants...
La réunion a été courte, et il n’y a été décidé qu’une seule chose : publier la lettre écrite par Bullock à l’intention de la famille du dernier Cornishman assassiné, Pasco Carwen. C’est une lettre respectueuse, qui ne cite jamais Hearst, mais qui rend hommage à l’homme de courage et de vertu que ce Cornishman était. La lettre est très émouvante et Al décide de la publier, sans trop savoir quel avantage cela peut lui conférer. Il agit, semble-t-il, sous le coup de l’émotion. Al semble toujours un peu impuissant face à Hearst, depuis le « découpage du doigt », comme ils diraient à Deadwood. Peu sûr de ses décisions, hésitant, semblant presque résolu à laisser le camp à la merci de son plus sanguinaire dictateur... Mais heureusement, le flamboyant Jack Langrishe est en ville, attendant patiemment que son vieil acteur meure pour pouvoir toucher son héritage et monter le théâtre dont il rêve à la place du « Chez Ami ». Il se rend au Gem Saloon et prend des nouvelles de son ami, qui lui explique sa décision de publier une lettre, sans y croire vraiment. Mais Langrishe le détrompe : cette stratégie est brillante d’après lui, car elle permet de monter un peu plus les mineurs de Hearst contre leur employeur... Al reprend soudain confiance, rouvre le Gem Saloon et ordonne aux prostituées de faire leur boulot : « Tell the whores if their legs ain’t in the air, they’d better be off their asses ! ».
Voilà revenu le Al que l’on connaît mieux, espérons qu’il reste aussi décidé et aussi ferme jusqu’au bout...
Le reste de l’épisode voit de très belles scènes de duos. La série en a développé de très intéressantes et de très complexes depuis ses débuts : Bullock et Sol, Will Bill Hickok et Charlie Utter, Trixie et Al, Trixie et Sol, Alma et Bullock, Cy et Joanie, et maintenant, Al et Langrishe, Hearst et Odell, Ellsworth et Alma, Joanie et Jane... Dans cet épisode, nous avons une magnifique scène de bain entre ces deux femmes justement, dont l’amitié s’est changée en une recherche de réconfort et d’amour. Je ne peux pas vraiment dire qu’elles sont amoureuses l’une de l’autre, je pense surtout qu’elles ne peuvent compter que sur elles deux pour survivre à Deadwood, et qu’en étant très isolées du reste de la ville, elles finissent par se rapprocher pour s’échanger, il me semble, un peu de chaleur. C’est cliché à écrire, mais c’est beaucoup plus touchant et émouvant à voir. Elles échangent un baiser, mais on est loin du baiser lesbien des films à but purement provocateur, et on est loin de l’érotisme débordant des baisers de Mulholland Drive, non, elles échangent un baiser provoqué par une affection pure et sincère, et surtout, une solitude immense. Ce baiser en est d’autant plus touchant. Jane qui ne sait comment demander le baiser qu’elle attend, Joanie qui ne sait comment le donner, sa confession à propos de ses sœurs avec qui elle a eu des rapports sexuels ( !) et de sa volonté de ne pas toucher Jane si elle ne le veut pas... C’est noir, c’est poétique et cru à la fois, c’est Deadwood. C’est aussi pour cela qu’on aime cette série à ce point.
Ensuite, nous avons Alma et Ellsworth... Alma se rend compte que sans son mari auprès d’elle, elle est plus malheureuse que lorsqu’il est là. Elle répète : « I want to be good », comme une petite fille perdue, et elle supplie Ellsworth de revenir sur sa décision. Mais il est persuadé qu’elle ira mieux sans lui : « Not having me in this house is going to improve your odds ».
Réussir à rendre une relation sans véritable amour (si ce n’est de l’affection profonde) aussi touchante et aussi prenante est une des nombreuses réussites de Deadwood.
Ellsworth a sûrement raison, sa présence à ses côtés, alors qu’elle ne pense qu’à Bullock et à sa femme, n’arrange pas sa disposition à la drogue. Mais comme Alma le confie à son mari, elle se drogue depuis l’âge de 17 ans, Ellsworth n’a rien à voir dans ce problème... Au contraire, sa force pourrait peut-être l’aider à dépasser sa dépendance. Ou bien, on peut l’imaginer, le fait qu’elle lui fasse confiance pour s’occuper de Sofia et de la mine l’empêche de se comporter de façon responsable. Les deux sont possibles. Et en attendant de savoir si Alma est assez forte pour arrêter le laudanum encore une fois, elle se retrouve seule avec Sofia, seule à Deadwood et seule face à la menace que représente Hearst.
Un autre duo improbable prend forme dans le camp : il s’agit de Steve le poivrot et du General. Steve offre un travail au General, peut-être dans une volonté de rédemption, ou dans un moment de solitude, et le General, surpris par une telle proposition, refuse. Va-t-il rester encore longtemps à Deadwood ? Qu’est-ce qui le retient plus longtemps ?
Et pour finir, Al fait venir le Doc à lui pour lui ordonner de se remettre sur pied. Si le Doc Cochran n’a pas beaucoup de respect pour Al, c’est loin d’être une relation réciproque. Je pense que Swearengen a énormément de respect pour le Doc, pour son humanisme et le désespoir qui y est lié. Il y a sûrement longtemps qu’Al a perdu toute foi en l’homme... Le Doc, lui, continue à soigner les pires vermines de Deadwood avec autant de compassion que s’il s’agissait de Saints. Et s’il meurt, il y a fort à parier que le prochain médecin soit beaucoup moins généreux...
Je n’arrive pas à croire que les scénaristes veulent faire mourir le Doc ! Le Doc !! Brad Dourif ! Le pauvre n’a pas de chance avec ses personnages, ils finissent presque toujours par mourir. Mais enfin, je me demande, pourquoi tuer le Doc ? Je suis très triste à l’idée qu’ils se débarrassent du seul personnage humaniste du camp. Très, très triste.
La chronologie s’enchaîne depuis l’arrestation de Hearst ; il ne se passe que quelques heures à chaque épisode et on attend, d’autant plus impatiemment, que les actions prennent enfin forme.