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Télévision, musique et Manipulation...
mercredi 29 septembre 2004, par
Tout d’abord, peux tu te présenter brièvement en précisant ton parcours personnel et surtout professionnel, histoire que tout le monde puisse te situer...
R : 31 ans. Journaliste depuis 1995. Mon parcours se résume essentiellement à deux radios : RMC pendant quatre ans puis RTL. A chaque fois au service des sports après avoir touché à d’autres domaines comme les infos générales. Un peu dégoûté par la façon dont ces médias traitaient cette information là, j’ai préféré m’orienter vers le sport. Je suis avant tout passionné par la radio avant le journalisme. Ecrire Musique Business m’a permis en tout cas de faire un "vrai travail" de journaliste c’est à dire un travail de plusieurs mois et une véritable réflexion. Du temps pour travailler un sujet, cela n’arrive jamais en radio !

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1/ Comment t’es venu l’envie d’écrire ce livre et dans quelles circonstances a-t-il été publié ?
R : deux éléments sont intervenus. Je me baladais dans Paris et je croise deux "gamines" de dix ans environ (peut-être 11 ou 12 !). C’était des répliques de Brtiney Spears ! Jupe très courte, le haut également, percing au nombril, etc...J’ai eu cette réflexion surprenante de ma part : "je n’aimerais pas que ma fille s’habille comme ça". Je dis surprenant car avec le recul je trouve cette pensée un peu réac...Bref, quelques jours plus tard, je tombe sur le trio Madonna / Spears / Aguilera en train de s’embrasser sur MTV ! Cette image m’a surpris et en même temps mis mal à l’aise. Je me suis dis : "voilà comment provoquer facilement pour faire parler de soi et donc...vendre ! " J’ai commencé à travailler sur les Lolitas avant de réorienter le livre sur la musique kleenex en général. Enfin, j’ai fait ce livre pour une simple raison : participer à la résistance culturelle comme je le dis à la fin du bouquin.
2/ Traiter de ce sujet si délicat, en grande période de politiquement correct et ramollissage intempestif de cerveaux, a-t-il posé problème ?
R : le seul problème essentiel : pouvoir rencontrer les gens. Impossible d’approcher les "stars" comme Alizée ou Lorie qui ne sont disponibles que pour de la promo mièvre. J’ai pu en revancher interviewer Leslie grâce à un ami et dont les propos m’ont paru intéressant (aimer ou pas sa musique n’était à mes yeux pas essentiel pour cet entretien). En revanche, j’ai eu de la chance d’avoir des éditeurs qui ne m’ont jamais censuré, qui m’ont encouragé au contraire à faire un livre engagé et différent de ce qu’on peut lire actuellement. Voilà sans doute - en toute modestie ! - ma plus grande fierté : j’ai pu écrire ce que je voulais...
3/ Tu dénonces un mariage dangereux entre musique et télévision, mais est ce que cette alliance n’a, quelque part, pas toujours existé ? Est-ce que le plus gros de la musique d’aujourd’hui est totalement lié au format de la « télé réalité » et de ses dérivés ?
R : je pense que la ligne jaune a été franchie au début des années 90 lorsque la télévision et essentiellement TF1 (déjà !) s’est lancée dans la musique en s’associant avec CBS pour lancer la Lambada...C’est pour moi le début de la descente aux enfers. La télévision étant réellement entrée en masse dans les foyers français dans les années 80, la création musicale a progressivement laissé la place à des producteurs avides de rentrées financières importantes. Je pense effectivement qu’aujourd’hui la musique est liée en grande partie à la télé-réalité car seule la Star Academy par exemple peut revendiquer une telle exposition médiatique, relayée avec une complicité étonnante par tous les grands médias (NRJ ou RTL en radios, le Parisien en presse quotidienne mais aussi les hebdos télés comme Télé 7 jours par exemple). Conséquence de cette "association" médiatique, aujourd’hui les créateurs ont de plus en plus de mal à s’imposer et sont obligés de limiter les risques en raison de la course aux résultats imposée par les Majors.
4/ C’est un danger pour la création musical ? Penses tu que le format de la « télé réalité » soit un danger seulement pour la musique ?
R : et oui, la création musicale est en grand danger en tout cas à mes yeux. Manu Chao par exemple est obligé de distribuer ses disques dans les kiosques à journaux, Sinclair diffuse sa musique sur Internet, etc...Obligés de s’adapter à la pression des Majors, parfois "virés" par ces dernières pour mauvaises ventes (ce qui est un comble pour un art !), certains sont obligés de se réfugier vers d’autres moyens de diffusions. Tout ça encore une fois sans porter de jugement sur la création musicale de Manu Chao ou Sinclair (chacun aime ce qu’il veut). Mais ce sont quand même des artistes qui ont fait leur preuve sur scène par exemple...La télé réalité permet aujourd’hui à des débutants de brûler les étapes avant sans doute de se brûler les ailes ! Je pense d’ailleurs que la télé réalité est "dangereuse" en général car elle fait de nous une société de moutons. Subir ou résister, voilà ce qui nous reste. En écrivant "Musique Business" j’ai choisi...
5/ Finalement, le phénomène Lolita (« Du sex-appeal dans un corps d’enfant »), qui est décrit dans la première partie de Musique Business, est il une cause ou une conséquence de la dérive d’un certain type de musique et des médias ?
R : bonne question ! Difficile d’ailleurs d’y répondre totalement. Si l’on se réfère à l’histoire - les nymphettes existent depuis des lustres - les très jeunes filles ont toujours été courtisés par les hommes...Mais cela passait souvent par le filtre de la lecture, cela pouvait rester de l’ordre du phantasme, etc...Aujourd’hui, j’ai l’impression que ces jeunes corps sont livrés sans aucune retenue aux yeux de tous. Il y a donc sans doute un peu des deux. Le phénomène lolita est sans doute assez ancien mais la société d’aujourd’hui l’exploite de manière indéfendable à mes yeux.
6/ Toujours dans la première partie de ton ouvrage, dans le match Alizée/Lorie visiblement c’est Lorie qui sort gagnante, quelle morale faut il en tirer ?
R : que le combat sera long ! Il me semble que jouer le côté sexy pour vendre marche un temps...Il faut ensuite soit aller encore plus loin (Aguilera, Spears) ou changer complètement de voie. Lorie joue elle la carte de la bonne vieille France. Elle a pris un peu d’avance sur Alizée par exemple mais elle aura sans doute - j’espère (rire !) - dû mal à résister à l’usure du temps si elle ne change pas d’orientation musicale. A-t-elle seulement les capacités ou l’envie de changer de musique ? Voilà toute la question. Tant que l’argent rentrera, elle continuera sans doute de nous abreuver de ses chefs d’œuvre comme le dernier titre, merveilleux de ridicule : "Ensorcelée". (je te le conseille juste pour le plaisir ou pour rire jaune, au choix !)
7/ Ce genre de phénomène de société que véhicule principalement des « télé réalités » comme STAR ACADEMY ne serait il pas réellement dangereux ?
R : OUI ! Dangereux parce qu’il sclérose mentalement la prochaine génération qui découvre la musique avec la Star Academy, apprend à lire avec la biographie de Lorie ou découvre le cinéma avec les productions honteuses de Luc Besson...Je trouve ça dangereux car j’ai l’impression que la société s’est endormie depuis les années 70 et subit la loi de quelques décideurs pour qui seul l’argent compte. C’est un peu naïf je sais...Encore une fois, il n’existe qu’une solution : résister ! Et multiplier les initiatives comme les vôtres ou comme mon livre par exemple.
8/ Pourtant, depuis des années, certains (groupes comme le FLT) tirent la sonnette d’alarme tandis que les « pro-real TV » haussent les épaules prétextant qu’un tel divertissement ne peut avoir de réel impact sur la société et encore moins un impact négatif...
R : Nous n’avons pas encore assez de recul de toute façon. Mais les signes sont là que la télé réalité va faire des "ravages" psychologiques d’abord chez les candidats (le premier vainqueur du Big Brother portugais a fait une tentative de suicide il y a quelques semaines...) mais aussi chez le jeune public. Les conséquences sont d’ailleurs déjà là : aujourd’hui les petites filles rêvent de devenir chanteuses avant tout pour être...célèbres ! Voilà la problème, nous sommes en train d’élever la nouvelle génération avec cette terrible "philosophie" : seule la célébrité rend heureux...Lorsque les petites filles arriveront à l’adolescence et se rendront compte de la réalité de la vie, les désillusions seront nombreuses et les psy s’en inquiètent...
9/ Malgré le fait que les gens disent ne pas être dupes de la machine « télé réalité », les mêmes courent pourtant acheter les produits dérivés et (parfois) s’inscrire pour les prochaines saisons. Comment expliquer ce phénomène, c’est ce qui fait vendre autant de disques « Star Ac’ » ?
R : effectivement, c’est le rouleau compresseur de la Star Academy...Encore une fois, les psychologues expliquent ce phénomène très facilement : les petites filles essentiellement sont attirées inévitablement vers la Star Ac avec à la clef la création d’un phénomène de discrimination dans les cours de récré. Il faut avoir tous les produits estampillés Star Ac pour être bien vu (avant c’était les marques en général). La force de TF1 est de rendre visible à outrance la Star Academy en multipliant les licences d’exploitation transformant ainsi un programme en marque ! Le tour est joué, la Star Ac dure trois ou quatre mois mais l’on en parle toute l’année. Mais attention, la chute est peut-être annoncée. Le disque d’Elodie Frégé, la dernière gagnante de la Star Ac ne s’est absolument pas vendu...Un espoir ?
10/ Au final, y a-t-il quelque chose de positif dans la « télé réalité » (que ce soit au niveau de la musique ou autre) ?
R : Oui. Cela nous rappelle qu’il ne faut jamais relâcher notre attention et que le pire peut toujours encore arriver...
11/ Que faudrait il faire pour, si ce n’est inverser la vapeur, au moins enrayer la machine ?
R : la solution est à la fois individuelle et collective. J’aimerais bien organiser une journée "sans musique de merde ! " (rire...) Pourquoi ne pas - comme le propose une sociologue - choisir une journée et tous ceux qui sont contre ce genre de musique vont à la FNAC et déposent les disques à la caisse ! Oui, c’est utopique mais résister culturellement peut parfois se résumer à quelques actions...Plus généralement, je crois que nous devons être vigilant au quotidien. Mais c’est tellement difficile...
12/ L’action des intermittents à la Star Academy durant un prime début 2004 a-t-il eu la moindre conséquence ? Etait ce une chose à faire ?
R : cela a fait de la pub à TF1...Quel dommage ! Je pense que cette action a été inutile en conséquences, mais quel symbole ! C’était cependant une action intéressante qu’il fallait sans doute faire...Ce qui me désole, c’est la puissance de la Star Academy...Pour se faire entendre, il faut aller sur le plateau de ce cher Nikos...c’est déprimant...
13/ Comment les vrais artistes musicaux réagissent face à cela ? Les propos que tenaient Michel Sardou qui rapportés dans le livre, étaient très dur face au phénomène Pop Star et Star Academy ; pourtant il participe à la saison 4 de cette dernière. Quelles armes restent ils aux vrais artistes ?
R : j’avais été le premier surpris par les propos tenus par Michel Sardou et c’est pourquoi j’ai mis son témoignage dans "Musique Business". Je l’ai ensuite vu à la Star Academy... Entre dégoût et écoeurement, mon cœur a balancé. Cela prouve simplement qu’il reste très peu de moyens aux artistes pour survivre dans cet univers sale. Nous sommes peut-être dans une terrible impasse. Mais combattre à l’intérieur même du produit pourquoi pas ? Etait-ce la démarche de Michel Sardou ? J’espère mais j’en doute...
14/ Dans ton livre (page 7), tu dis que le public écoeuré de la médiocrité musicale ambiante riposte en se détournant du disque (via le téléchargement), mais y voit tu une démarche réellement volontaire et questionnée ?
R : j’espère ! C’est une piste à étudier en tout cas...Cela dit, je pense que la nouvelle génération a perdu l’habitude d’acheter des disques pour plusieurs raisons et notamment le prix ! Télécharger de la musique sur Internet est aussi un moyen peut-être de résister à la puissance des Majors. Est-ce que cela à des conséquences négatives pour les plus petits ? Je ne pense pas essentiellement parce que c’est l’argument principal notamment de Pascal Nègre donc cela en devient suspicieux !
15/ Gérard Louvin à la Star Ac’ cela t’inspire quoi ?
R : du dégoût... (rire !) Plus sérieusement, ce Monsieur est à sa place. Il confirme juste ce qu’il fait depuis des années - n’oublions pas qu’il a lancé puis jeté Alliage dans les années 90 - à savoir du fric sur le dos de la musique. Je le trouve particulièrement "puant" à l’antenne. Heureusement, la gentille production lui permet d’avoir son hélicoptère 24h sur 24...En tout cas, sa présence à la tête de la Star Academy ne me surprend pas, au contraire.
16/ De même, ton avis sur Emma Daumas qui nous gratifie d’une chanson (« Figure Inhumaine ») où elle est censée dénoncer la starification à la chaîne, pensant elle-même ne plus en faire partie. Ne serait ce pas ce qu’on pourrait appeler simplement un « gros foutage de gueule » ?
R : c’est en effet un énorme foutage de gueule ! Comment peut-elle se regarder dans une glace ? Mystère...l’être humain est parfois surprenant. Je préfère m’arrêter là dans mon commentaire, j’ai peur d’être méchant...
17/ De la même façon que pourrait on dire du double Discours de Pascal Nègre : "La starac c’est pas terrible mais ça nous permet de financer de vrais artiste" et une fois sur le plateau de l’émission " ils sont plein de talent !! ". Comme s’il parlait à 2 mondes différents : dans l’un la Star Ac c’est de l’art dans l’autre c’est un moyen financier.
R : j’attends toujours que Pascal Nègre nous prouve ce qu’il dit. Où est sa liste de jeunes artistes lancés grâce à l’argent de la Star Academy ? Là aussi, mystère...Ce genre de discours relève tout simplement de l’hypocrisie ou de la malhonnêteté intellectuelle car tout le monde sait que l’argent gagné grâce à la Star Acadamy sert essentiellement à financer...les candidats malheureux de l’émission. Tu as dit "gros foutage de gueule" c’est ça...?
18/ Ton livre est sensé parler de musique, pourtant rares sont les passage ou on aborde celle-ci, ce n’est pas un reproche mais un constat, qu’est ce que cela t’inspire ? D’ailleurs n’aurais tu pas pu être plus véhément envers certains ?
R : c’est vrai. J’aurais pu être plus véhément envers d’autres...Mais j’ai dû faire des choix et c’est le cœur qui a parlé avant tout. Je me suis parfois trompé sur quelques personnes mais j’ai essayé de faire ce livre en accord avec moi et le plus honnêtement possible...Je ne parle en effet que très peu de "musique pure" car je voulais avant tout démontrer que le côté obscur de la force. Je ferais peut-être un tome 2 (!) pour parler que de bonne musique, laissant le business aux vautours...
19/ Penses tu que ton message ait été entendu, le livre prêchant peut être des convaincus ?
R : j’ai l’impression que le bouche à oreille fonctionne. Le livre se vend, les retombées des lecteurs sont bonnes, les interviews commencent à se multiplier...Reste un mystère : les lecteurs de Musique Business sont-ils effectivement convaincus à l’avance ? Je pense que oui...Mais si une seule personne a changé d’avis en lisant ce livre, c’est déjà gagné. Sincèrement, le fait d’avoir pu publier un tel bouquin compte tenu de la langue de bois actuelle est déjà une victoire !
20/ Ton avis sur le FLT (Front de Libération Télévisuelle) et de l’initiative de la création d’un FLM (Front de Libération Musicale) ?
R : je suis de tout cœur avec vous ! Ce genre d’initiative est précieuse car essentielle à la résistance culturelle...J’attends d’ailleurs toujours le bulletin d’adhésion !!!!!!
Merci de ton temps et de ton attention...
Propos recueillis par Guigui avec la participation de Wonk pour le FLM...
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R : 31 ans. Journaliste depuis 1995. Mon parcours se résume essentiellement à deux radios : RMC pendant quatre ans puis RTL. A chaque fois au service des sports après avoir touché à d’autres domaines comme les infos générales. Un peu dégoûté par la façon dont ces médias traitaient cette information là, j’ai préféré m’orienter vers le sport. Je suis avant tout passionné par la radio avant le journalisme. Ecrire Musique Business m’a permis en tout cas de faire un "vrai travail" de journaliste c’est à dire un travail de plusieurs mois et une véritable réflexion. Du temps pour travailler un sujet, cela n’arrive jamais en radio !

- Edition City Edition Document

1/ Comment t’es venu l’envie d’écrire ce livre et dans quelles circonstances a-t-il été publié ?
R : deux éléments sont intervenus. Je me baladais dans Paris et je croise deux "gamines" de dix ans environ (peut-être 11 ou 12 !). C’était des répliques de Brtiney Spears ! Jupe très courte, le haut également, percing au nombril, etc...J’ai eu cette réflexion surprenante de ma part : "je n’aimerais pas que ma fille s’habille comme ça". Je dis surprenant car avec le recul je trouve cette pensée un peu réac...Bref, quelques jours plus tard, je tombe sur le trio Madonna / Spears / Aguilera en train de s’embrasser sur MTV ! Cette image m’a surpris et en même temps mis mal à l’aise. Je me suis dis : "voilà comment provoquer facilement pour faire parler de soi et donc...vendre ! " J’ai commencé à travailler sur les Lolitas avant de réorienter le livre sur la musique kleenex en général. Enfin, j’ai fait ce livre pour une simple raison : participer à la résistance culturelle comme je le dis à la fin du bouquin.
2/ Traiter de ce sujet si délicat, en grande période de politiquement correct et ramollissage intempestif de cerveaux, a-t-il posé problème ?
R : le seul problème essentiel : pouvoir rencontrer les gens. Impossible d’approcher les "stars" comme Alizée ou Lorie qui ne sont disponibles que pour de la promo mièvre. J’ai pu en revancher interviewer Leslie grâce à un ami et dont les propos m’ont paru intéressant (aimer ou pas sa musique n’était à mes yeux pas essentiel pour cet entretien). En revanche, j’ai eu de la chance d’avoir des éditeurs qui ne m’ont jamais censuré, qui m’ont encouragé au contraire à faire un livre engagé et différent de ce qu’on peut lire actuellement. Voilà sans doute - en toute modestie ! - ma plus grande fierté : j’ai pu écrire ce que je voulais...
3/ Tu dénonces un mariage dangereux entre musique et télévision, mais est ce que cette alliance n’a, quelque part, pas toujours existé ? Est-ce que le plus gros de la musique d’aujourd’hui est totalement lié au format de la « télé réalité » et de ses dérivés ?
R : je pense que la ligne jaune a été franchie au début des années 90 lorsque la télévision et essentiellement TF1 (déjà !) s’est lancée dans la musique en s’associant avec CBS pour lancer la Lambada...C’est pour moi le début de la descente aux enfers. La télévision étant réellement entrée en masse dans les foyers français dans les années 80, la création musicale a progressivement laissé la place à des producteurs avides de rentrées financières importantes. Je pense effectivement qu’aujourd’hui la musique est liée en grande partie à la télé-réalité car seule la Star Academy par exemple peut revendiquer une telle exposition médiatique, relayée avec une complicité étonnante par tous les grands médias (NRJ ou RTL en radios, le Parisien en presse quotidienne mais aussi les hebdos télés comme Télé 7 jours par exemple). Conséquence de cette "association" médiatique, aujourd’hui les créateurs ont de plus en plus de mal à s’imposer et sont obligés de limiter les risques en raison de la course aux résultats imposée par les Majors.
4/ C’est un danger pour la création musical ? Penses tu que le format de la « télé réalité » soit un danger seulement pour la musique ?
R : et oui, la création musicale est en grand danger en tout cas à mes yeux. Manu Chao par exemple est obligé de distribuer ses disques dans les kiosques à journaux, Sinclair diffuse sa musique sur Internet, etc...Obligés de s’adapter à la pression des Majors, parfois "virés" par ces dernières pour mauvaises ventes (ce qui est un comble pour un art !), certains sont obligés de se réfugier vers d’autres moyens de diffusions. Tout ça encore une fois sans porter de jugement sur la création musicale de Manu Chao ou Sinclair (chacun aime ce qu’il veut). Mais ce sont quand même des artistes qui ont fait leur preuve sur scène par exemple...La télé réalité permet aujourd’hui à des débutants de brûler les étapes avant sans doute de se brûler les ailes ! Je pense d’ailleurs que la télé réalité est "dangereuse" en général car elle fait de nous une société de moutons. Subir ou résister, voilà ce qui nous reste. En écrivant "Musique Business" j’ai choisi...
5/ Finalement, le phénomène Lolita (« Du sex-appeal dans un corps d’enfant »), qui est décrit dans la première partie de Musique Business, est il une cause ou une conséquence de la dérive d’un certain type de musique et des médias ?
R : bonne question ! Difficile d’ailleurs d’y répondre totalement. Si l’on se réfère à l’histoire - les nymphettes existent depuis des lustres - les très jeunes filles ont toujours été courtisés par les hommes...Mais cela passait souvent par le filtre de la lecture, cela pouvait rester de l’ordre du phantasme, etc...Aujourd’hui, j’ai l’impression que ces jeunes corps sont livrés sans aucune retenue aux yeux de tous. Il y a donc sans doute un peu des deux. Le phénomène lolita est sans doute assez ancien mais la société d’aujourd’hui l’exploite de manière indéfendable à mes yeux.
6/ Toujours dans la première partie de ton ouvrage, dans le match Alizée/Lorie visiblement c’est Lorie qui sort gagnante, quelle morale faut il en tirer ?
R : que le combat sera long ! Il me semble que jouer le côté sexy pour vendre marche un temps...Il faut ensuite soit aller encore plus loin (Aguilera, Spears) ou changer complètement de voie. Lorie joue elle la carte de la bonne vieille France. Elle a pris un peu d’avance sur Alizée par exemple mais elle aura sans doute - j’espère (rire !) - dû mal à résister à l’usure du temps si elle ne change pas d’orientation musicale. A-t-elle seulement les capacités ou l’envie de changer de musique ? Voilà toute la question. Tant que l’argent rentrera, elle continuera sans doute de nous abreuver de ses chefs d’œuvre comme le dernier titre, merveilleux de ridicule : "Ensorcelée". (je te le conseille juste pour le plaisir ou pour rire jaune, au choix !)
7/ Ce genre de phénomène de société que véhicule principalement des « télé réalités » comme STAR ACADEMY ne serait il pas réellement dangereux ?
R : OUI ! Dangereux parce qu’il sclérose mentalement la prochaine génération qui découvre la musique avec la Star Academy, apprend à lire avec la biographie de Lorie ou découvre le cinéma avec les productions honteuses de Luc Besson...Je trouve ça dangereux car j’ai l’impression que la société s’est endormie depuis les années 70 et subit la loi de quelques décideurs pour qui seul l’argent compte. C’est un peu naïf je sais...Encore une fois, il n’existe qu’une solution : résister ! Et multiplier les initiatives comme les vôtres ou comme mon livre par exemple.
8/ Pourtant, depuis des années, certains (groupes comme le FLT) tirent la sonnette d’alarme tandis que les « pro-real TV » haussent les épaules prétextant qu’un tel divertissement ne peut avoir de réel impact sur la société et encore moins un impact négatif...
R : Nous n’avons pas encore assez de recul de toute façon. Mais les signes sont là que la télé réalité va faire des "ravages" psychologiques d’abord chez les candidats (le premier vainqueur du Big Brother portugais a fait une tentative de suicide il y a quelques semaines...) mais aussi chez le jeune public. Les conséquences sont d’ailleurs déjà là : aujourd’hui les petites filles rêvent de devenir chanteuses avant tout pour être...célèbres ! Voilà la problème, nous sommes en train d’élever la nouvelle génération avec cette terrible "philosophie" : seule la célébrité rend heureux...Lorsque les petites filles arriveront à l’adolescence et se rendront compte de la réalité de la vie, les désillusions seront nombreuses et les psy s’en inquiètent...
9/ Malgré le fait que les gens disent ne pas être dupes de la machine « télé réalité », les mêmes courent pourtant acheter les produits dérivés et (parfois) s’inscrire pour les prochaines saisons. Comment expliquer ce phénomène, c’est ce qui fait vendre autant de disques « Star Ac’ » ?
R : effectivement, c’est le rouleau compresseur de la Star Academy...Encore une fois, les psychologues expliquent ce phénomène très facilement : les petites filles essentiellement sont attirées inévitablement vers la Star Ac avec à la clef la création d’un phénomène de discrimination dans les cours de récré. Il faut avoir tous les produits estampillés Star Ac pour être bien vu (avant c’était les marques en général). La force de TF1 est de rendre visible à outrance la Star Academy en multipliant les licences d’exploitation transformant ainsi un programme en marque ! Le tour est joué, la Star Ac dure trois ou quatre mois mais l’on en parle toute l’année. Mais attention, la chute est peut-être annoncée. Le disque d’Elodie Frégé, la dernière gagnante de la Star Ac ne s’est absolument pas vendu...Un espoir ?
10/ Au final, y a-t-il quelque chose de positif dans la « télé réalité » (que ce soit au niveau de la musique ou autre) ?
R : Oui. Cela nous rappelle qu’il ne faut jamais relâcher notre attention et que le pire peut toujours encore arriver...
11/ Que faudrait il faire pour, si ce n’est inverser la vapeur, au moins enrayer la machine ?
R : la solution est à la fois individuelle et collective. J’aimerais bien organiser une journée "sans musique de merde ! " (rire...) Pourquoi ne pas - comme le propose une sociologue - choisir une journée et tous ceux qui sont contre ce genre de musique vont à la FNAC et déposent les disques à la caisse ! Oui, c’est utopique mais résister culturellement peut parfois se résumer à quelques actions...Plus généralement, je crois que nous devons être vigilant au quotidien. Mais c’est tellement difficile...
12/ L’action des intermittents à la Star Academy durant un prime début 2004 a-t-il eu la moindre conséquence ? Etait ce une chose à faire ?
R : cela a fait de la pub à TF1...Quel dommage ! Je pense que cette action a été inutile en conséquences, mais quel symbole ! C’était cependant une action intéressante qu’il fallait sans doute faire...Ce qui me désole, c’est la puissance de la Star Academy...Pour se faire entendre, il faut aller sur le plateau de ce cher Nikos...c’est déprimant...
13/ Comment les vrais artistes musicaux réagissent face à cela ? Les propos que tenaient Michel Sardou qui rapportés dans le livre, étaient très dur face au phénomène Pop Star et Star Academy ; pourtant il participe à la saison 4 de cette dernière. Quelles armes restent ils aux vrais artistes ?
R : j’avais été le premier surpris par les propos tenus par Michel Sardou et c’est pourquoi j’ai mis son témoignage dans "Musique Business". Je l’ai ensuite vu à la Star Academy... Entre dégoût et écoeurement, mon cœur a balancé. Cela prouve simplement qu’il reste très peu de moyens aux artistes pour survivre dans cet univers sale. Nous sommes peut-être dans une terrible impasse. Mais combattre à l’intérieur même du produit pourquoi pas ? Etait-ce la démarche de Michel Sardou ? J’espère mais j’en doute...
14/ Dans ton livre (page 7), tu dis que le public écoeuré de la médiocrité musicale ambiante riposte en se détournant du disque (via le téléchargement), mais y voit tu une démarche réellement volontaire et questionnée ?
R : j’espère ! C’est une piste à étudier en tout cas...Cela dit, je pense que la nouvelle génération a perdu l’habitude d’acheter des disques pour plusieurs raisons et notamment le prix ! Télécharger de la musique sur Internet est aussi un moyen peut-être de résister à la puissance des Majors. Est-ce que cela à des conséquences négatives pour les plus petits ? Je ne pense pas essentiellement parce que c’est l’argument principal notamment de Pascal Nègre donc cela en devient suspicieux !
15/ Gérard Louvin à la Star Ac’ cela t’inspire quoi ?
R : du dégoût... (rire !) Plus sérieusement, ce Monsieur est à sa place. Il confirme juste ce qu’il fait depuis des années - n’oublions pas qu’il a lancé puis jeté Alliage dans les années 90 - à savoir du fric sur le dos de la musique. Je le trouve particulièrement "puant" à l’antenne. Heureusement, la gentille production lui permet d’avoir son hélicoptère 24h sur 24...En tout cas, sa présence à la tête de la Star Academy ne me surprend pas, au contraire.
16/ De même, ton avis sur Emma Daumas qui nous gratifie d’une chanson (« Figure Inhumaine ») où elle est censée dénoncer la starification à la chaîne, pensant elle-même ne plus en faire partie. Ne serait ce pas ce qu’on pourrait appeler simplement un « gros foutage de gueule » ?
R : c’est en effet un énorme foutage de gueule ! Comment peut-elle se regarder dans une glace ? Mystère...l’être humain est parfois surprenant. Je préfère m’arrêter là dans mon commentaire, j’ai peur d’être méchant...
17/ De la même façon que pourrait on dire du double Discours de Pascal Nègre : "La starac c’est pas terrible mais ça nous permet de financer de vrais artiste" et une fois sur le plateau de l’émission " ils sont plein de talent !! ". Comme s’il parlait à 2 mondes différents : dans l’un la Star Ac c’est de l’art dans l’autre c’est un moyen financier.
R : j’attends toujours que Pascal Nègre nous prouve ce qu’il dit. Où est sa liste de jeunes artistes lancés grâce à l’argent de la Star Academy ? Là aussi, mystère...Ce genre de discours relève tout simplement de l’hypocrisie ou de la malhonnêteté intellectuelle car tout le monde sait que l’argent gagné grâce à la Star Acadamy sert essentiellement à financer...les candidats malheureux de l’émission. Tu as dit "gros foutage de gueule" c’est ça...?
18/ Ton livre est sensé parler de musique, pourtant rares sont les passage ou on aborde celle-ci, ce n’est pas un reproche mais un constat, qu’est ce que cela t’inspire ? D’ailleurs n’aurais tu pas pu être plus véhément envers certains ?
R : c’est vrai. J’aurais pu être plus véhément envers d’autres...Mais j’ai dû faire des choix et c’est le cœur qui a parlé avant tout. Je me suis parfois trompé sur quelques personnes mais j’ai essayé de faire ce livre en accord avec moi et le plus honnêtement possible...Je ne parle en effet que très peu de "musique pure" car je voulais avant tout démontrer que le côté obscur de la force. Je ferais peut-être un tome 2 (!) pour parler que de bonne musique, laissant le business aux vautours...
19/ Penses tu que ton message ait été entendu, le livre prêchant peut être des convaincus ?
R : j’ai l’impression que le bouche à oreille fonctionne. Le livre se vend, les retombées des lecteurs sont bonnes, les interviews commencent à se multiplier...Reste un mystère : les lecteurs de Musique Business sont-ils effectivement convaincus à l’avance ? Je pense que oui...Mais si une seule personne a changé d’avis en lisant ce livre, c’est déjà gagné. Sincèrement, le fait d’avoir pu publier un tel bouquin compte tenu de la langue de bois actuelle est déjà une victoire !
20/ Ton avis sur le FLT (Front de Libération Télévisuelle) et de l’initiative de la création d’un FLM (Front de Libération Musicale) ?
R : je suis de tout cœur avec vous ! Ce genre d’initiative est précieuse car essentielle à la résistance culturelle...J’attends d’ailleurs toujours le bulletin d’adhésion !!!!!!
Merci de ton temps et de ton attention...
Propos recueillis par Guigui avec la participation de Wonk pour le FLM...
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