AVANT-PREMIERE — Q.I., saison 1
Après « Hard » et « Xanadu », c’est au tour d’Orange de se lancer dans la fiction sur fond de porno
Par Sullivan Le Postec • 19 janvier 2012
Orange commence à aligner quelques séries originales. Fin janvier, Orange Cinemax dévoile « Q.I. », comédie dans laquelle une actrice de X décide de reprendre ses études et se lance dans la philosophie...

Karine est plus connue sous le nom de Candice Doll, la nouvelle star du X français. Elle partage sa vie avec le réalisateur qui l’a fait connaître, Franck Maccione. Il est en pleine loose, mais espère tirer profit de la notoriété récente de sa compagne pour se refaire. Les parents de Karine ne sont pas en reste : ils lui demandent de servir de visage au sauna coquin qu’ils veulent ouvrir dans leur ville de province. Karine a deux particularités. Un : elle est totalement frigide. Deux : elle est irrésistiblement attirée par la philosophie. Au risque de contrarier les plans de son entourage, elle décide de falsifier un diplôme du Baccalauréat et de s’inscrire à la Sorbonne. Et si, de la compréhension des concepts philosophiques, naissait l’orgasme ?

Orange, après avoir participé à quelques fictions pour une diffusion en seconde fenêtre (c’était le cas du « Village Français » ou des « Beaux Mecs », par exemple), a lancé la production de séries originales. Même si on sent un peu trop que les quotas d’obligation de production sont plus en cause qu’une véritable ambition éditoriale. Cela a donné une série de programmes qui ont eu encore plus de mal à sortir de l’anonymat qu’une sitcom de Comédie+ : des programmes courts comme « Plaisir de nuire, Joie de décevoir » ou les 40x13 minutes de « Zak ». L’économie de production est très serrée : le budget total de la saison de « Q.I. » (8x26’) est de 700 000 euros, moins que le prix d’un seul épisode de 50 minutes sur France Télévisions.
Bref : comme d’habitude en France, pas question de faire un coup à la AMC qui, de chaîne inconnue, est devenue quasi instantanément célèbre mondialement en lançant « Mad Men » et « Breaking Bad ». On y va petit bras, les yeux rivés sur le compteur d’obligation. Le groupe Orange (3 milliards de bénéfices en 2009) aurait pourtant les moyens d’avoir un peu d’ambition...

JPEG - 67.1 ko

Le manque d’argent, il se voit beaucoup à l’écran quand on regarde « Q.I. » et, forcément, cela l’empêche de vraiment décoller. Elle se laisse pourtant facilement regarder, et la qualité s’améliore au fil des trois premiers épisodes que nous avons vus. La série, si elle n’est pas une brillante réussite, n’est donc pas un gros ratage. Il y a des moments de comédie vraiment réussis, quelques beaux personnages, aussi, comme celui de Franck Maccione, autant bourré de défauts qu’attachant, porté par une interprétation sans faute de Jérôme Daran. Il faut dire aussi que le rythme très élevé de tournage imposé par le budget conduit sans doute à une certaine absence de direction d’acteur. Pour un Daran qui s’en sort tout seul, quelques autres ont plus de mal à garder le ton juste au fil de leurs scènes.
Le monde du porno, la série en fait une toile de fond sur laquelle elle ne s’attarde pas, et qu’elle traite sur un mode décalé / fantasmé pas très éloigné de ce que faisait « Hard » sur le sujet. « Q.I. » est même un cran plus soft.

Pour autant, le manque d’argent ne saurait complètement excuser ce qui s’apparente souvent à un manque de préparation. La réalisation, terriblement peu flatteuse pour les acteurs, est marquée par de nombreuses approximations : tentatives bancales de champs / contre-champs qui jurent une fois montés ensemble, manque de gros plans pour marquer une émotion ou une réaction, personnages qui, à bord d’un train, se déplacent dans le même sens à l’écran à l’aller et au retour... Les exemples sont nombreux, et finissent par produire une impression d’amateurisme.
Sans parler d’autres cas, où on ne sait pas si ce sont les conditions de tournage ou bien une démarche artistique qui sont à l’origine d’un ratage. C’est l’exemple de cette scène où les personnages discutent en bordure d’une autoroute, et où le son des voitures couvre les dialogues pendant de longues, insupportables minutes. Prise de son défaillante ou volonté de naturalisme complètement à coté de la plaque ?

JPEG - 41.5 ko
Jérôme Daran
dans le rôle de Franck Maccione

Reste donc une fiction sympathique mais bancale, dont on sent que le résultat final n’atteint qu’un faible pourcentage du potentiel initial. On se souvient aussi de l’exemple de « Hero Corp » et du spectaculaire bond qualitatif opéré, à budget égal, entre la première et la deuxième saison. Ce qui renvoie à l’extrême manque de transmission des savoirs acquis, dans le monde sur-fragmenté de la fiction française. Pendant que chacun réinvente le fil à couper le beurre dans son coin, le sur-place global est flagrant.


C’est habituel, mais ce n’est pas une raison pour ne pas le souligner. Dans le dossier de presse de « Q.I. » édité par Orange, nulle mention des co-scénaristes dans la fiche technique. Il faut chercher dans l’interview du réalisateur pour en trouver les noms. Même chose lors de la projection de presse, alors qu’une grosse partie de l’équipe a été citée...

Post Scriptum

« Q.I. »
Saison 1. 2011 - / 8 X 26’
Une production MoneyPenny Productions (Sébastien Labadie) pour Orange Cinemax.
Écrit par Olivier de Plas, Violaine Bellet
Réalisé par Olivier de Plas
Avec Alysson Paradis (Candice Doll), Jérôme Daran (Franck Maccione), Jeanne Savary (Marlène), Alain Dion (Jean-Pierre), Nikita Lespinasse (Pepita), Philippe Vieux (Professeur Cohen), Sébastian Barrio (Youri), Aurélien Gouas (Stanislas).

A partir du 24 janvier sur Orange Cinemax.