AVANT-PREMIÈRE — Ainsi Soient-ils, saison 1 (Ép. 1 à 3)
Les futurs pères
Par Nicolas Robert • 3 août 2012
Ce devrait être l’événement de la prochaine rentrée. « Ainsi Soient-ils » a fait bonne impression lors de projections en festival. Après quelques tâtonnements, elle devrait concrétiser l’arrivée à maturité de la série Arte.

Ce sera, à coup sûr, un des événements de la rentrée télé en France. Audacieuse immersion dans l’univers du Séminaire, la nouvelle série d’Arte possède de sérieux atouts pour devenir un succès critique et public. Principalement parce qu’elle aborde son sujet à hauteur d’homme.

D’ici quelques semaines, vous risquez d’en entendre beaucoup parler et sans doute en des termes élogieux. Déjà primée à Séries Mania au printemps (Meilleure série française, prix décerné par le jury de la presse internationale), la saison 1 d’« Ainsi soient-ils » [1] est, en soi, un projet vraiment singulier.
D’abord parce que son thème — cinq jeunes candidats à la prêtrise qui rejoignent le Séminaire des Capucins — est aussi audacieux que difficile à aborder. Mais aussi parce qu’il s’agit d’une authentique série chorale (sans jeu de mots) : un genre très prisé en Amérique et en Europe mais qui peine vraiment à s’imposer en prime time en France… quand il est décliné par des Français, à part du coté du « Village Français ».

Un face à face tout en tension dès le premier épisode

Imaginée par Bruno Nahon, Vincent Poymiro, Rodolphe Tissot et David El Kaïm, « Ainsi soient-ils » a tout du projet qui a été développé patiemment. Que l’on a laissé mûrir pour que ses spécificités soient parfaitement assumées et mises au service d’un récit maîtrisé.
Il réunit cinq hommes : Raphaël, un fils de bonne famille que l’on imagine plus volontiers homme d’affaires que prêtre ; Guillaume, solide gaillard qui garde un œil sur sa mère et sa sœur ; Emmanuel, un garçon secret qui a été adopté ; Yann, fils d’une famille très croyante et plutôt naïf ; et José, ex-détenu qui a décidé de complètement changer de vie.

Cinq personnages, cinq parcours qui vont converger jusqu’au couvent des Capucins, où ils seront sous la férule du père Fromenger, un homme d’église charismatique et qui n’a jamais eu peur de dire ce qu’il pense. Quitte à déplaire aux personnalités de l’église catholique. C’est d’ailleurs ce que raconte le premier épisode, qui explique aussi comment tous vont se retrouver ensemble.

Le visionnage de cet épisode inaugural suscite de multiples impressions. Les premières scènes, dans lesquelles on rencontre Yann, Raphaël, Emmanuel et Guillaume, juste avant qu’ils ne rejoignent Les Capucins, sont assez lourdes et très démonstratives. Pour ne pas dire carrément maladroites.
C’est un travers français, on le sait, mais on aurait tort de ne garder ça en tête, car l’arrivée de José, peu de temps après sa sortie de prison est, elle, finement développée. Comme l’est la personnalité du père Fromenger, qui crève littéralement l’écran lorsqu’il fait face à monseigneur Roman (superbe Michel Duchaussoy), venu solliciter une faveur qui sert ses intérêts.

Ce face à face, c’est LE grand moment du premier épisode d’« Ainsi Soient-ils ». Tout en tension et porté par une interprétation impeccable, il pose avec force ce qui va être développé adroitement tout au long des deux épisodes suivants.

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Une série actuelle, qui n’est pas refermée sur un monde

Cette série n’est effectivement pas une fiction sur la foi, mais bel et bien une série sur des hommes confrontés simultanément à la foi, à un engagement et au monde. Contre toute attente, être candidat à la prêtrise ne veut pas dire vivre hors du monde, mais être plus que jamais confronté à ce qui fait le quotidien de tout le monde… à ceci près que les cinq personnages principaux doivent aussi composer avec le choix de vie qu’ils s’apprêtent à faire.

Les héros partagent ainsi leur vie entre le séminaire et leurs familles, leurs amis, leurs problèmes et surtout leurs doutes. Comment feront-ils face à la violence du monde ? (L’ouverture de l’épisode 2 n’y va pas par quatre chemins pour aborder cette question) Comment vont-ils gérer leur vie d’homme ? (En tant que candidats à la prêtrise rien ne leur interdit encore d’avoir des relations sexuelles… et certains d’entre eux en ont) Comment vont-ils gérer le fait d’être toujours des frères, des fils, des ex-amants ?

Toute l’intelligence de la série est de soulever des questions que tout un chacun peut se poser à propos de la vie de prêtre, sans les déconnecter de la vie des téléspectateurs. Ces personnages sont en fait dans le monde, de la même façon que l’église catholique est-elle même obligée d’évoluer et de vivre avec son temps.
Voilà pourquoi la série ‘‘fonctionne’’ bien. Elle développe d’abord de beaux portraits, et n’a pas peur d’établir des rapports de forces complexes ni de traiter des questions délicates sans dévier de sa ligne directrice : décrire un groupe d’hommes [2]. A la fois actuel et dynamique, son récit se pose, en l’espace de trois épisodes, en exemple du genre par sa capacité à susciter l’envie de voir la suite. C’est en cela que le pari de la série chorale est tenu.

Pour voir si l’exploration du thème de la fiction l’est autant, il faudra attendre la fin du huitième épisode. Mais honnêtement, cela semble bien parti.

Bande-annonce

Post Scriptum

« Ainsi Soient-ils »
Saison 1 – 8 x 52 – 2012.
Zadig Productions pour Arte
Scénario : David El Kaïm, Vincent Poymiro
Réalisation : Rodolphe Tissot, Elizabeth Marre, Olivier Pont
Direction artistique : Rodolphe Tissot
Avec : Jean-Luc Bideau, Thierry Gimenez, Michel Duchaussoy, Julien Bouanich, David Baiot, Clément Manuel, Clément Roussier, Samuel Jouy

Diffusion en octobre sur Arte le jeudi soir en première partie de soirée. La sortie du DVD est programmée pour le 24 octobre.