XIII, LA SERIE — Saison 1
Efficacité à l’américaine
Par Sullivan Le Postec • 16 avril 2011
L’essai de la mini-série avait été couronné de succès en 2008, au moins au niveau de l’audimat. « XIII » revient donc sous forme d’une série en réunissant les mêmes partenaires : Canal+, M6 et le Canada.

Donner à « XIII » treize épisodes, on suppose que c’était la moindre des choses. Ce sera chose faite dès ce mois-ci sur Canal+, qui diffuse la première saison de « XIII, la série ». M6 proposera ces épisodes en clair dans un deuxième temps.

Malgré ses services rendus à la Nation dans la mini-série — que je n’ai pas vue, mais on prend le soin de nous le répéter — XIII a été jeté dans les oubliettes d’une prison secrète de la CIA dans un pays d’Europe de l’Est. La série ne reboote donc pas l’Univers, comme le changement des deux acteurs principaux pourrait le laisser penser. Néanmoins, l’équipe artistique assure que la série a été réinventée dans son esprit. C’est notamment Aisha Tyler (la nouvelle Jones) qui l’affirme dans l’interview qu’elle nous accordé avec Stuart Towsend et le réalisateur français Alain Tasma. N’ayant pas vu la mini-série, je ne peux pas en juger.
Ce qui est sûr en revanche, c’est qu’il n’est pas difficile du tout de prendre le train en marche. Ce qui doit être réexpliqué l’est, de manière efficace et relativement concise. Il est même possible que le fait de ne pas savoir au départ qui sont les gentils des méchants, entre le Président en place Carrington et l’ex-futur Président Sheridan, confère un suspense supplémentaire au premier épisode. En outre, un « saga sell », introduction présentant l’univers, le personnage principal et sa quête, sera ajouté à la version diffusé mais n’était pas encore prêt au moment des projections de presse.

Sheridan, abrité derrière Irina (Virginie Ledoyen) s’arrange pour faire évader XIII. C’est qu’il sait que l’ex-agent a caché dans un endroit où lui seul à accès une puce informatique contenant des informations très précieuses. XIII est de nouveau dans la nature, mais ayant reçu de Sheridan quelques nouvelles informations qui lui permettent de relancer son enquête personnelle sur sa propre identité. Remonter le fil de son passé, découvrir ce qui s’y cache, ce qu’il a fait de bien, de mal, voire de terrible, c’est l’axe conducteur de cette saison, au-delà de la nouvelle conspiration dans laquelle Sheridan est aujourd’hui impliquée.

La série a donc revu son casting. Stuart Townsend met son physique et son charisme au service du personnage. XIII n’est pas exactement du genre à porter ses émotions sur sa chemise, cela convient très bien à Townsend, qui n’est pas exactement un acteur provoquant une empathie émotionelle forte, qui s’en sort dès lors relativement bien. Aisha Tyler est très efficace et présente dans le rôle de Jones. L’actrice se trouve dans sa niche, celle de la femme d’action. Virginie Ledoyen complète le trio d’acteurs principaux crédités au générique. Dans les deux premiers épisodes, l’effet produit est un peu celui d’Elodie Bouchez dans la dernière saison de « Alias ». C’est-à-dire un niveaud e crédibilité proche de zéro. Mais difficile de savoir si nos préjugés et notre connaissance de la carrière passée de l’actrice ne sont pas davantage en cause que sa performance.

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La série a été tournée à Toronto pendant cinq mois et demi — trois jours passés à Paris pour l’épisode final venant compléter — avec une équipe rompue aux séries nord-américaines. On retrouve donc l’efficacité à laquelle on s’attend. Les plans sont beaux. La caméra bouge tout le temps. La photographie est jolie. Le revers de la pièce est que rien de tout cela n’est original. Nous sommes à fond dans la télé façon Bruckheimer. Toutes les minutes, un effet — un zoom ou une surexposition de l’image accompagnés de grosses percussions dans la bande-son — viennent prévenir toute velléité d’endormissement chez le spectateur (du coup, regarder les épisodes sur un grand écran, dans les conditions d’une salle de cinéma, est particulièrement insupportable).
Les américains assument parfaitement, contrairement à nous, que la télévision est différente du cinéma et que l’approche de la réalisation doit être très différente selon que l’on travaille pour un médium ou pour l’autre — c’est le contraire de « Carlos », en somme. « XIII », dans la veine des séries d’action, pousse ce concept très loin, parfois presque jusqu’à une certaine caricature.

La profusion de gimmicks, de gadgets sonores et visuels, finit par souligner le fait que le scénario de la série est creux. Les épisodes semblent respecter à la lettre un cahier des charges (on imagine le pop-up toutes les dix pages dans le logiciel d’écriture des scénaristes : « insérer scène d’action » et le scénariste qui s’exécute en introduisant de la castagne, plus souvent qu’à son tour parfaitement gratuite). On se fiche un peu de la quête du héros, et on aimerait assez qu’il arrête de chouiner sur son passé, et que cela ne soit pas sa seule motivation pour enquêter, même si on se doute bien que son passé l’amènera inévitablement à la conspiration actuelle et réorientera son objectif.
Seul petit moment de profondeur, la première rencontre entre XIII et Sam (Caterina Murino) qui ne le reconnaît pas parce qu’elle ne sait pas encore quel est son nouveau visage. Cette scène contient la promesse d’un niveau un peu supérieur de travail sur les personnages et leurs interactions. La promesse n’est pas tenue dans les trois premiers épisodes, ceux que nous avons vus jusqu’ici. Le reste s’accommode complètement d’une superficialité totale aussi bien en terme d’intrigues que de caractérisation.

Il reste à voir si en plongeant plus avant dans son intrigue feuilletonnante, dont une large partie sera résolue à l’issue des treize épisodes, « XIII, la série » arrivera à s’élever au-dessus de son statut de show d’action (beaucoup trop) calibré et dénué de profondeur.