Bonjour chez vous !
Février 2007
Par Sullivan Le Postec • 4 février 2007
Et bienvenue au Village. Soyez rassurés, aucune grosse boule blanche ne s’attaquera à vous si jamais vous faites le choix de surfer hors de ces pages.

Après quelques mois de gestation, le Village ouvre enfin ses portes. Le Village, un site consacré à la fiction télévisée européenne, je suis sûr que l’idée même semble un peu saugrenue à bon nombre des visiteurs européens qui lisent ces lignes. Car si elle est en théorie très proche de nous, la fiction européenne s’avère, en vérité, pratiquement invisible. A peine plus, pour nous français, qu’un « Julie Lescaut » en bruit de fond, un soir où l’on s’est attardé chez Mamie. Cette situation a plusieurs causes.

Évacuons très vite la première, celle qu’on nous opposera en premier : son supposé manque de qualité. D’abord, la fiction européenne n’est pas seulement la fiction française. La télévision anglaise actuelle est formidablement dynamique et stimulante, « Doctor Who » en figure de proue. l’Allemagne ne produit pas que « Derrick ». Les pays nordiques ont déjà réussi à exporter jusque chez nous quelques pépites. Cette fiction télé là souffre plus d’être méconnue que d’un manque de qualité. Quand aux productions télévisuelles hexagonales, aux réussites certes pour le moins contrastées, elle n’est pas mieux (re)connue quand elle produit des réussites franches que quand elle enfile à la chaîne des navrants héros-citoyens.
Le téléspectateur ne serait-ce qu’un peu assidu de télévision américaine connaît au moins une demi-douzaine de noms de showruners, ces scénaristes - producteurs artistiques qui donnent une âme à une série. Qui connaît les noms de ceux qui sont à l’origine d’ « A Cran », « Police District », « Age Sensible », « Nom de code DP », « Préjudices »... ? On pourrait même demander qui se souvient de ces oeuvres... De toute évidence, leur réelle qualité n’a suffit pas à mettre ces téléfictions et leurs créatifs dans la lumière. Qu’elles aient été noyées sous des flots de collections policières à héros récurrent est un début d’explication, mais un début seulement.

Les séries américaines de qualité nous arrivent aussi noyées dans un flot de productions sans intérêt. Il suffit de se connecter au moindre site de téléchargement pour y découvrir une liste de programmes si impressionnante qu’une vie ne suffirait pas à les regarder tous. Si les ’’sériephiles’’ se sont orientés en cours de première saison vers une « Veronica Mars », par exemple, c’est parce qu’il existe de solides réseaux prescripteurs, sur internet, dans la presse, les librairies et autour des machines à café... Des réseaux à même de faire connaître ce qui innove, émeut, provoque, bref : se détache du tout-venant. En matière de fiction européenne, le constat s’impose, ces réseaux sont inexistants - à l’exception notable de certaines niches (telle que la SF).

Enfin, et cela découle des éléments déjà mentionnés, la fiction télévisée européenne doit aussi son invisibilité à une absence quasi totale d’échanges, d’interactions entre ses créatifs et son public. Ce silence a beaucoup contribué à la scléroser. On note une tendance au développement de ces initiatives ces dernières années en France et en Europe - je pense au grand engagement de Nicolas Mercier au moment du lancement de « Clara Sheller », aux passionnantes discussions entre les auteurs de « Préjudices » et leur public sur le forum de France 2, ou encore à la disponibilité des créatifs de « David Nolande ». Elles restent à amplifier, et promouvoir.
Les créatifs et leur public doivent échanger, débattre, s’engueuler, aussi, parfois ! D’un tel dynamisme d’ensemble, notre conviction profonde est qu’il ne peut sortir que de bonnes choses, car aucun créatif ne souffre de connaître les réactions de son public (même s’il peut souffrir de chercher à tout prix à le combler).

Vous l’aurez compris, ces quelques constats dessinent en creux les contours de la politique éditoriale du Village et ses objectifs principaux. Le symbolique remplacement du film du dimanche soir de TF1 par ses « Experts », à la entrée dernière, a validé définitivement le mouvement de fond, lancé il y a une dizaine d’années, pour l’avènement et la légitimation, en France, d’une « culture série » parmi les cultures populaires, sur laquelle le recul critique était aussi possible et pertinent que pour le cinéma. Nous ne voudrions pas que la fiction du vieux continent soit l’oubliée de cette tardive (re)découverte.

‘‘Le Village’’. Ce nom ne fut d’ailleurs pas choisi par hasard, et entend souligner une autre vérité. La fiction européenne est riche d’un patrimoine fort. « Belphégor », « Chapeau Melon et Bottes de Cuir » et, donc, « Le Prisonnier », furent des productions bien de chez nous, à leur époque à la pointe de la création mondiale. Elles constituent des références qu’il convient de se remettre en mémoire. La fiction Européenne n’est pas à créer. Elle dispose déjà de fondations solides. Toute velléité de construire à coté, par exemple en singeant les productions américaines sans leurs moyens, nous semble prendre le risque d’être au mieux une perte de temps, au pire une entreprise contre-productive.
On ne peut pas dire, comme un auteur de la série « Engrenages » que la télé est un territoire vierge !

Un véritable travail de sensibilisation, de réflexion collective et de promotion de l’existant est nécessaire. Nous entendons, au Village, y apporter notre pierre. Une contribution que nous mènerons, l’idée est dans l’air du temps, sur un mode participatif : les forums du site auront cette fonction. Saisissez-vous en, que vous soyez spectateur, scénariste, réalisateur, producteur ou même diffuseur !
D’ici à quelques courtes semaines, une rubrique supplémentaire, actuellement en développement technique, viendra compléter ce pan de notre travail. ’’Fictions en Développement’’ sera une base de données interactive ou les administrateurs du site, ses lecteurs passionnés, comme les créatifs et producteurs de la fiction française eux-même, pourront renseigner les fictions en train de s’écrire, de se tourner ou d’attendre leur diffusion sur une étagère de chaîne. Un bon outil pour s’y retrouver face au développement franchement anarchique des télé fictions made in France.

J’en profite pour dire quelques mots de l’offre du site à ce jour, celui de son ouverture. Deux dossiers sont consacrés à la fiction française, http://www.a-suivre.org/levillage/+fictions-exutoires.html et ’’Quand la fiction française voit rose’’. Tous deux sont construits sur un même principe : à partir du cas particulier de quelques oeuvres dont nous proposons à chaque fois une critique, ils cherchent à analyser quelques biais qui fragilisent notre production, et freinent le développement d’oeuvres plus innovantes et de plus grande qualité.
Un article présente la série à qui nous devons notre nom, « Le Prisonnier », tandis qu’un autre tente de décrypter la manière dont est conçu « Plus belle la vie », le soap de plus en plus culotté de France 3. La partie critique du site revient d’ailleurs sur le prime récent de « Plus belle la vie », mais consacre aussi un long papier à l’excellente première saison de « Doctor Who ». Elle s’attarde aussi sur quelques unitaires comme « Suzie Berton ». Sans oublier les œuvres citées dans les dossiers cités plus haut : « Rastignac ou les ambitieux », « Engrenages », et plusieurs téléfilms gay parmi lesquels « Juste une question d’amour ».
Enfin, les deux premiers numéros de deux des rubriques régulières du site sont déjà en ligne. La première de ’’C’ dans les vieux pots’’ revient sur le culte « Monty Python’s Flying Circus » tandis que ’’Vite Vu’’ fait ses débuts sur la rentrée de la fiction française.

Rapidement, viendront s’ajouter un dossier sur « Kaamelott », la plus grande réussite de la shortcom française, qui s’apprête d’ailleurs à exploser son format sur petit et grand écran, un point de vue sur la première saison de « Mafiosa », les téléfilms « Poison d’avril » & « L’embrasement », ou encore les débuts de la rubrique ’’Une semaine au village’’.

Nous espérons que ces débuts sauront vous convaincre d’installer une résidence secondaire au Village. Car s’il n’est pas encore possible de dire si ce site sera une réussite, une chose est déjà acquise : sans vous, il sera un échec.

Pour conclure, laissez-moi remercier les personnes qui ont permis au Village de voir le jour :

- Anthime, Séverine et Jérôme, ainsi que l’ensemble des administrateurs et membres de A Suivre, sans qui rien n’aurait été possible.
- Jean-Baptise, qui a travaillé dur sur l’interface technique du site et est le webmaster du site.
- Jean-Michel, à qui nous devons le visuel du site. Si la place du Village est si jolie, c’est grâce à lui.
- Arnaud J. Fleischman, Amrith, Jérôme, Zmaster et Séverine qui ont déjà commencé à travailler pour enrichir le contenu du site
- Olivier et l’ensemble des contributeurs de feu la Ligue des Téléspectateurs Extraordinaires, devenus Européens. La LTE est un peu notre Lucy à nous.
- Ju, qui m’a fait écrire mes premières critiques sur feu Edusa, et la rédac passée et présente de ce site et de son successeur
- Et je dédie ce César à ma mère. Ah flûte, j’me suis gouré de discours.

Post Scriptum

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