DOCTOR WHO - SP.05 : The End of Time, part 2
’’This song is ending, but the story never ends’’
Par Sullivan Le Postec • 2 janvier 2010
2009 toute entière aura été faite d’impatience et d’appréhension devant l’envie de voir les nouveaux épisodes et le peu d’entrain à voir David Tennant quitter le rôle. Nous y sommes : the end is here.

Dans le secret qui entoura cet épisode, une chose restait certaine : plus d’un fan du Docteur allait se retrouver en pleurs devant sa télé. Ca n’a pas manqué. Retour sur de mémorables adieux...

The End of Time
La Prophétie de Noël
part 2

Scénario : Russel T Davies ; réalisation : Euros Lyn.
Gallifrey, lors de ses derniers jours. Le Président comprend que le Docteur a décidé de mettre fin à la Time War que se mènent les Daleks et les Time Lord en faisant disparaître les deux races toutes entières. Et le Président n’est absolument pas décidé à mourir. Les prophéties disent que le Maître et le Docteur doivent être les deux survivants de cette annihilation. Pour échapper au time lock qui verrouille la Time war et les empêche de s’enfuir avant la destruction de Gallifrey, le Président décide d’un plan, l’installation d’une connexion avec le Maître qui créera un lien avec lui et avec la Terre. C’est donc lui qui lui fait entendre lors de son initiation à huit ans les quatre coups qui résonnent dans sa tête depuis, et l’ont rendu fou – le battement des cœurs d’un Time Lord.
Le Docteur, prisonnier du Maitre dans le manoir des Naismith, a réussit à s’enfuir avec Wilf grâce aux Vinvocci. Apprenant que les Time Lords sont sur le point de faire leur retour, il doit cependant y revenir pour les en empêcher. Même si cela doit lui coûter sa vie...

Time War

La Time War et sa conclusion, à laquelle il a été fait allusion d’assez nombreuses fois depuis le début de la nouvelle série, est un élément fascinant de la mythologie installée par Russel T Davies quand il décida de se débarrasser de tout l’encombrant attirail des Time Lords et de leur continuité. La tentation est forte chez les fans d’en voir et d’en savoir plus sur cet événement, et en même temps Russell Davies a raison quand il affirme que rien ne pourrait être à la hauteur de ce que chaque fan à imaginé à ce sujet, qui est forcément grandiose.
Toutefois, à la fin, il a décidé de revenir à cet élément essentiel, et ce pour nous expliquer la raison pour laquelle le Docteur avait choisi cette solution radicale. Nous avions toujours pensé que la disparition des Time Lords avait été un sacrifice, une sorte de dommage collatéral à l’élimination des Daleks. Il n’en était rien.
L’apparition sinistre du Lord Président à la fin du dernier épisode l’avait suggéré, les Seigneurs du Temps n’avaient plus grand chose de sympathique au moment de leur disparition, et leur retour est l’occasion d’une allégorie politique pessimiste. Toute ressemblance avec une Angleterre sur le point de ramener les Conservateurs au pouvoir sera purement à mettre au crédit d’un Russell T Davies remonté [1].
Guidés par un Président aussi charismatique que dictatorial, les Time Lords sont collectivement dans l’état mental du Time Lord Victorious de « Waters of Mars » : animés d’une arrogance rageuse et d’un délire de toute puissance. Surtout, ils sont dépeints comme un peuple replié sur lui-même, figé dans le conservatisme, incapable d’accepter un possible changement ou une évolution. Tout ce qui est extérieur, différent ou contradictoire est ennemi. De cela, la guerre est un exutoire qui ne fait qu’accentuer leur mal, les figeant davantage, les conduisant à toujours plus d’autorité et de violence. Plutôt que d’envisager le conflit sous un autre angle, le Président, qui n’a pour objectif premier que sa survie au détriment de tout le reste, a aboutit à la plus radicale des solutions. Elle conservera en vie les Time Lords sous formes d’entités d’énergie non corporelles, donc parfaitement figés, non sujettes à l’évolution, au changement. Mais dans le processus, le temps lui-même, donc tout l’Univers sera anéanti. Les Daleks et les Time Lords se voient donc renvoyés dos à dos, aussi effrayants et néfastes les uns que les autres. Leur régime, à trop vouloir rester au sommet de sa gloire et de sa puissance a connu la véritable décadence morale. Celle où les voix dissidentes sont exécutés, où ceux qui ne votent pas en accord avec le Président sont publiquement humiliés.
J’avais pensé que le retour des Time Lords pourrait être permanent, qu’après avoir réacclimaté le public à l’univers Whovien, Davies pourrait lui faire retrouver son état originel et ré-intégrer cette continuité. Il n’en fut rien. Il s’agissait au contraire de rendre cette disparition absolument définitive en dévoilant leur face noire, celle d’une super-puissance qui implose sous le poids de sa suffisance et son autisme à tous les autres, qu’elle juge « primitifs »...

Hamlet rencontre Star Wars

A bien des égards, et après le déluge pyrotechnique de la première partie, cet épisode s’avère en son cœur un véritable drame intimiste. Même si cette partie laisse sa part à une scène à grand spectacle mieux intégrée à l’épisode que plusieurs autres de la première, et qui doit beaucoup à la « Guerre des Étoiles ». Mais voir Wilfred détruire des missiles à coup de tirs de laser est un plaisir qui ne se refuse pas.
L’épisode s’ouvre sur une confrontation très personnelle entre le Maître et le Docteur, celui-ci cherchant à faire entendre raison à son ennemi intime. Celle-ci donne à voir un Maître plus calme mais aussi plus visiblement tourmenté, s’interrogeant une seconde sur la possibilité de s’allier avec le Docteur pour faire taire les tambours. Mais le Maître est le Maître et la possibilité de découvrir par lui-même la source des tambours, et l’espoir d’en prendre le contrôle. L’occasion pour le toujours épatant John Simm de laisser voir une étendue de jeu encore plus large que dans la première partie.
C’est pendant cette confrontation qu’intervient la résolution du cliffhanger liée à Donna, dont des souvenirs liés à ses expériences aux cotés du Docteur continuent d’émerger. Mais le Docteur avait prévu une sécurité : à la seconde où son esprit lui fait entrevoir une image du visage du Docteur, elle et tous ceux qui l’entourent sont plongés dans l’inconscience, la protégeant ainsi d’une mémoire qui lui assure une mort certaine. Une résolution un peu anti-climatique, peut-être. Mais c’est que le sujet est ailleurs, dans l’intime, dans cette vie réelle qui commence à sourire à Donna, malgré les fins de mois difficiles, maintenant qu’elle a rencontré un homme qui tient réellement à elle.
Par la suite, « The End of Time » prend des accents Shakespeariens avec des références à « Hamlet », que David Tennant interprétait sur scène juste avant de tourner les épisodes spéciaux de cette année. Le Docteur débat en effet avec lui-même de la possibilité de tuer de ses mains son ennemi, encore faut-il savoir lequel...
Et puis, bien sûr, il y a la femme en blanc. Une Time Lady qui a pris contact avec Wilf pour tenter de sauver le Docteur. Ce personnage est un mystère parfaitement intentionnel de la part de Russell T Davies. La question de savoir qui elle est est censée animer les conversations pour un moment. La suggestion la plus forte de l’épisode, soulignée par le thème musical du Docteur joué quand elle dévoile son visage au Docteur, mais aussi par l’analogie à « Hamlet » qui sous-tend l’épisode, est que cette femme est sa mère. Mais, en vérité, chacun peut bien y voir qui il veut (et les fans de l’ancienne série ne s’en privent pas).

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Light & Dark

La dimension intime de cet épisode est aussi renforcée par la relation entre le Docteur et son compagnon dans cet histoire : Wilfred, un vieil homme qui ne peut guère courir dans tous les sens à l’image des Rose, Martha ou Donna. Leurs scènes sont des instants de calme, et d’émotion d’une pureté absolue alors que ces deux vieux personnages proches de la mort se rapprochent l’un de l’autre.
Lors de la confrontation avec le Président, c’est le Maître, réalisant le caractère destructeur des Time Lords, mais surtout enragé de découvrir que bien qu’ils l’aient rendu fou pour accomplir leur plan, ils le rejettent qui sauve la vie du Docteur dans un moment inattendu de sacrifice qui le fait disparaître avec les Time Lords.
Un instant, le Docteur se croit sauvé. Mais, dans un autre moment de sacrifice, Wilf s’est enfermé dans le centre de contrôle de l’Immortality Gate. Et c’est lui qui frappe quatre fois. C’est pour sauver ce vieil homme au soir de sa vie, cet homme formidable, et généreux, et bon que le Docteur donne sa propre vie, s’admettant a lui-même qu’il a vécu trop longtemps.

Il est remarquable de constater le parcours émotionnel contraire opéré par les deux Docteurs de Russell T Davies. Nous avons rencontré le Docteur d’Eccleston alors qu’il était un Docteur solitaire et sombre, hanté par la Time War et ce qu’il avait du faire pour y mettre fin. Il était devenu un être froid et capable de violence et de cruauté. Rose l’a changé, l’a sauvé de lui-même. Au moment de se régénérer, il s’est réouvert au monde, à sa beauté et au caractère sacré de la vie. Si bien que quand le Docteur de Tennant est entré en scène, c’était un Docteur joyeux, léger... et amoureux. Il a depuis vécu la séparation d’avec Rose, et bien des batailles. Au soir de sa vie, il est redevenu solitaire et désespéré. Sans doute, oui, a-t-il vécu trop longtemps.

« The End of Time » est un final imparfait. Plus centrée que la première partie, la seconde laisse quand même l’impression de deux épisodes ramenés en un seul. Presqu’une caricature de l’écriture de Russell T Davies, l’épisode se concentre exclusivement sur l’aspect humain de l’intrigue, incroyablement sensible et émotionellement réaliste. L’intrigue en elle-même est plus une succession de scènes chocs presque indépendantes les une des autres, et se résolvant plus souvent qu’à leur tour à coups de deus ex machina.
Ce final reste mémorable parce qu’il est difficile de ne pas être bouleversé par cet adieu émotionnel, chargé de regrets. Chaque séquence transpire de ce que autant Russell T Davies que David Tennant ont pris un plaisir immense a être à la tête de « Doctor Who » et qu’ils auraient très bien pu apprécier d’y rester à tout jamais. Nous aussi.

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“I don’t wanna go...”

La résolution de l’intrigue laisse encore près d’une vingtaine de minutes d’épisode. L’occasion d’un ballet d’adieu déchirant dans lequel le Docteur collecte sa récompense. Un dernier contact avec tous ceux qu’il a aimé sous cette incarnation. Et chacun d’eux comprend bien vite, sans un mot, que c’est la dernière fois qu’ils revoient ce Docteur.
Martha a quitté UNIT, elle traque désormais l’alien en freelance aux cotés de Mickey Smith, qu’elle a épousé. Elle aurait pu succomber à un tir de Sontaran, mais le Docteur la sauve. Il sauve aussi la vie de Luke Smith, qui traversait une fois de plus une route sans regarder et préserve ainsi le bonheur de Sarah-Jane. Le Capitaine Jack noie sa déprime post-Children of Earth dans un bar lui aussi très Star Warsien. Dans un geste de non-jugement et de pardon, il le branche avec le membre d’équipage rescapé du Titanic galactique Alonso Frame (qu’au départ, Russell T Davies voulait faire revenir et tuer plus ou moins à la place d’Harriet Jones dans le final de la saison 4). Donna, finalement, a le droit à son mariage, le Docteur y assiste de loin, récoltant au passage un autre sourire de Sylvia Noble qui a finalement fait la paix avec lui dans cette histoire. Il lui offre la seule chose qui lui manque encore pour être heureuse : le confort matériel. Pendant l’épisode en lui-même, je n’ai pas pu m’empêcher d’espérer que Donna retrouve sa mémoire, mais je suis en fait très heureux que Russell T Davies n’ait pas touché au déchirant final de ce personnage, mais si cela a signifié la mise en retrait de Donna dans cette histoire. Le Docteur visite aussi la petite-fille de la femme qu’il a aimé dans le sublime « Human Nature / Family of Blood » de la saison 3 pour savoir si celle-ci a pu trouver le bonheur bien qu’il lui ait involontairement brisé le cœur. Enfin, le Docteur s’offre un dernier regard vers Rose en voyageant vers la nuit du 1er janvier 2005, quelques mois avant qu’elle ne le rencontre.
C’est alors un chant des curieusement angéliques Oods qui accompagne le Docteur vers sa mort, non sans un dernier moment de regret. Mais si cette chanson se termine, l’histoire, elle, ne se termine jamais.

Bientôt, un nouveau Docteur est né, avec ses deux jambes, deux bras, beaucoup de cheveux et pleins de doigts. La régénération réprimée par le dixième Docteur a été d’autant plus violente et a en partie détruit le Tardis, en train de se crasher sur Terre. Non, vraiment, l’histoire ne se termine jamais. Tant mieux !

GERONIMO !!!

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