HISTOIRE(S) – Damn you, Arlette Chabot
Ou récit ordinaire d’une mésaventure politico-téléviso-pathétique
Par Dominique Montay • 9 mars 2011
Il y a deux choses dont je me méfie comme la peste. La première date d’assez longtemps : les jus de fruits dans des bouteilles opaques qui sont depuis longtemps dans le frigo. Une expérience difficile qui m’a marquée à vie.

La seconde est plus récente : les débats politiques animés par Arlette Chabot. Et là, vous me dites : de toute façon, pour Arlette Chabot, tu devrais être tranquille, elle a été mise dehors. Oui. C’est vrai. Maintenant, le risque zéro n’existe pas et elle pourrait trouver du travail ailleurs. Mais pourquoi est-ce que je m’en méfie, maintenant ? Pas parce qu’elle a fait preuve de non-professionnalisme. Pas parce qu’elle m’a semblée partiale. Rien de tout ça.

Non, parce qu’à cause d’elle, je suis resté coincé 35 minutes sur un plateau de télévision. Bordel, Arlette ! (oui, depuis, nous sommes proches, même si elle ne le sait pas)

Petit rappel des faits : Nous sommes un jeudi soir, il est tard, et je suis dans les locaux de France 2 pour filmer des interviews avec notre leader vénéré, Sullivan le Postec. Comme d’hab’ (affirmation complètement fausse, mais assénée avec aplomb et détachement, donc, crédible). Alors que mes interviews sont terminées avant celles de Sullivan, qui séquestre dans une pièce voisine une malheureuse scénariste qui après cette rencontre décidera sûrement de changer de boulot pour devenir productrice de cidre, je m’élance dans une conversation fort agréable avec deux autres intervenants, de façon tout à fait non officielle. Et la conversation dévie sur l’autre événement dans les locaux de France 2 (le principal étant la présence du Village dans les murs) : on y filme « A vous de juger », l’émission de débat politique d’Arlette.

Et là on se dit : ça serait sympa d’aller jeter un œil. Et quand on apprend que le plateau est composé de Jean-François Copé, Pierre Moscovici, François Bayrou et Dominique de Villepin (qui a le bon goût d’avoir le même prénom que moi), on est plus qu’intéressés.

Grave erreur.

Oubli fatal

Intrigués, curieux, nous demandons avec intérêt mais sans insistance à un homme en costume label F2 s’il est possible d’aller voir 10-15 minutes histoire d’être revenu pour la suite des événements (un retour de projo avec rencontre internautes-auteurs). Il nous dit oui. On dit ok. Il dit venez. On dit d’accord. Il dit plus rien. On marche.

Et nous voilà derrière le plateau. Un poil déçus. 12 personnes devant des écrans de contrôles planqué derrière une tribune, c’est mouof... (contraction néologique de mouais et bof).

« Est-ce qu’on peut aller dans les gradins ? »

« Ouais, mais vous avez dix secondes, parce que le mangéto va être fini, et on repasse au direct »

L’erreur. Y aller sans réfléchir, sans poser la question qui va nous coûter très cher plus tard. Et pourtant, elle était simple à poser, et aurait pris à peine 3 secondes.

On va s’asseoir. Retour plateau. Jean-François Copé enchaîne les commentaires. Beaucoup. Arlettounette (pas trop sûr qu’on soit si proche, en y repensant) tient une main en suspension comme pour tenter de couper la parole de Copé sans ouvrir la bouche, et arrive en même temps à REGARDER son oreillette. Oui, et ça c’est balèze. Si si. Sur l’écran géant, une jeune femme blonde sourit. Un sourire franc et sympathique qui me saisit et me glace. Et oui, c’est Marine Le Pen (original score : Psycho).

Ensuite, Arlettine (erf...) donne la parole à son consultant éducation : François Bayrou, qu’elle appelle professeur. On dirait son consultant parce qu’il explique plus qu’il donne son avis. Puis vient Moscovici, qui a deux particularités à cette table, celles d’être chauve, et de ne pas être de droite. Est-ce lié ? Puis apparaît en split-screen de Marine Le Pen le visage de Rama Yade (un split-screen qui permet de vérifier le bon taux de contraste du rétro-projecteur, ainsi que celui des organisateurs du programme).

Et là un doute m’assaille : mais ça va durer combien de temps. Arlette-la-coquette (l’article est bientôt fini) nous donne une réponse sans embage : elle passe la parole à Dominique de Villepin. On va donc en avoir pour longtemps. Et que ça se répond, et que c’est pas d’accord... en même temps, c’est normal, c’est un débat. Et là me revient en tête cette question que bêtement, dans l’urgence, nous n’avons pas posée tout à l’heure.

« Il est quand, le prochain magnéto ? ».

Parce qu’on nous aurait répondu : « Y’en a pas, faut attendre la fin, dans quarante minutes ».

Solutions, alternatives et autres stupideries

Alors là, je me pose des questions : et si l’un de nous trois feignait un malaise ? Et si un feu démarrait sur le plateau ? Et si, tout simplement, tous ces gens finissaient par tomber dans les bras pour tomber d’accord ? Ils diraient « de toute façon, on vient tous des même écoles, soyons amis et tenons-nous la main », Marine le Pen nous crierait « Je suis pas vraiment raciste, moi j’aimerais avoir une coupe rasta et écouter du Bob Marley, c’est mon papa qui m’a forcée ! ». Rama Yade clôturerait en confiant qu’à droite comme à gauche, personne ne l’aime. Et tout le monde chanterait « No Woman, No Cry », même la cinquantenaire à côté de nous qui pique du nez depuis 20 minutes. Là, nous en profiterions pour nous éclipser car, soyons francs, trois hurluberlus qui essaient de partir en plein milieu d’un spectacle pareil, c’est anecdotique.

Mais rien de tout ça, on a attendu la fin.

Morale de cette histoire, si un jour tu veux jouer la curiosité, prend garde à bien te renseigner, car pour ne pas à tes interviews être retardé, vérifie que l’émission que tu veux en live regarder, par Arlette Chabot n’est pas animée...