LE QUINZO — 1.03 : Un sabordage parfaitement réussi !
Toutes les deux semaines, l’humeur de la rédac’ du Village
Par le Village • 12 avril 2010
Au sommaire de l’épisode 3 du Quinzo, une découverte impressionnante : Dominique, après avoir coordonné un dossier plus-gros-tu-meurs, a encore des trucs à dire sur « Pigalle, la nuit ». Sullivan, lui, aimerait bien faire la teuf et boire du champagne avec les équipes de France 3. Quant à Émilie, elle n’a pas oublié Tom Quinn.

Champagne à France 3 !

Par Sullivan Le Postec

Y’a des lundis comme ça, on aimerait bien bosser à France Télévisions. Ça doit être chouette de participer à la teuf qui, très certainement, secoue actuellement les bureaux de France 3, entre champagne et petits fours.

Faut dire, c’est pas tous les jours qu’une opération est aussi rondement menée. Chaque maillon de la chaîne a joué son rôle à la perfection, sans maillon faible, exécutant à merveille sa partition. Ça faisait longtemps qu’on avait pas vue un tel niveau d’expertise à la télévision française. A coté, le lancement de la saison 2 de « Reporters » apparaît quasiment réussi, c’est dire. Non vraiment, du grand art, ce torpillage de « La Commanderie » !

Toute l’équipe de France 3 s’est tellement investie dans l’objectif qui leur a été confié, c’est à dire faire faire la plus petite audience possible à « La Commanderie » qu’il est agréable de voir un tel engagement récompensé. Il ne faudrait pas croire, en effet, que tout était gagné dès le départ, du fait que France 3 a récupéré une série qui n’était pas faite pour son antenne à l’issue d’une réorganisation d’une rare stupidité. Réorganisation qui témoigne du fait que les dirigeants de France Télé sont tellement dépassés par les questions créatives qu’ils sont prêts à tripoter n’importe quel faux bidule qui les empêchera de s’y confronter une bonne fois pour toute.
Après ce coup de génie au plus haut de la hiérarchie, il restait encore au reste des équipes de France 3 de faire œuvre du même niveau d’exigence. La programmation a assuré à mort. Sept jours dans la semaine, ils ont choisi le pire. Celui où, statistiquement, les probabilités que la série rencontre son public étaient quasi nulles. Mais on ne sait jamais, un ado sans ami ou un geek à l’ordinateur en panne aurait pu tomber par hasard sur la série. C’est là qu’intervient le second coup de génie de la prog. Passer trois épisodes à la suite, la technique est habituellement redoutable, mais un samedi soir, elle équivaut à peu près à l’arme absolue. Même certains amateurs de « La Commanderie » n’ont pas résisté. Double effet bénéfique : la diffusion va très vite et, à ce rythme, il est presque impossible à un bouche à oreille positif d’avoir des effets. Well done, la prog !

Mais le département marketing n’est pas en reste. A un moment, on a bien cru que le service internet allait se livrer à un vrai happening artistique et lancer le site internet une fois finie la diffusion de tous les épisodes. Mais le risque était de créer un buzz, contre-productif en cela qu’il aurait pu faire connaître la série. Non, lancer le site la veille de la diffusion, dans l’anonymat total, c’était vraiment la solution idéale pour que le minimum de gens possible le visitent par accident.

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Un Inquisiteur s’invite à La Commanderie
Et Alexandre Astier s’invite dans l’épisode 5, du coup (Polaroïd de Didier Le Pêcheur)

1,7 millions de téléspectateurs, et 8,4% de part de marché en moyenne sur les trois épisodes, ce bel effort collectif est donc récompensé à sa juste valeur. Ça fait plaisir de voir que le Service Public sait maintenir une belle qualité de recrutement. Les Experts du sabotage, y’a pas de doute, ils sont là ! On pensera quand même à profiter du passage à l’entreprise unique pour envoyer les gens de France 2 en stage à la 3. Après une bonne formation, eux aussi devraient pouvoir faire descendre « Sur Le Fil » (2,9 millions et 12,8% de pdm vendredi) sous les 10% de part de marché.

P.S : Pour ceux qui auraient envie de saboter à leur tour le travail de ces champions de la loose, les épisodes sont visibles pour une semaine en catch-up sur le site de « La Commanderie ». Oui, celui lancé vendredi.
Notre dossier est à lire ici.

Pigalle, le retour

Par Dominique Montay.

Je m’étais dis que j’allais attendre un peu de retourner dans les lumières de Pigalle, avec l’impression d’avoir fait le tour de la première saison de ce qui est à mes yeux la meilleure série française en cours. Mais aussi avec la volonté de ne pas arriver à saturation, et de ne plus arriver à décortiquer ses richesses. Et finalement, j’y retourne.

Les critiques que vous avez lues ici, comme vous pouvez l’imaginer, ont été réalisées dans l’instant et avec très peu de recul. Et du coup, cette sensation de léger loupé ressentie dans le dernier épisode, je n’en avais pas trop parlé parce que je n’avais pas réussi à comprendre pourquoi je l’avais eue. Maintenant, je pense avoir mis le doigt dessus. Attention, cet article est réservé à ceux qui ont vu Pigalle. Ou qui aiment les spoilers. Oui, ça existe.

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Nadir dans les rues de Pigalle
(Simon Abkarian)

C’est dans cet épisode 6 que j’ai tant aimé que résident les fondements du problème. Et pourtant que la scène était belle. Petit rappel : Nadir va au Paradise avec l’idée de zigouiller Dimitri et s’en débarrasser une fois pour toutes. Pendant qu’un groupe aux inspirations de Joy Division joue en fond, Thomas croise Nadir et l’incite à ne pas aller plus loin. Nadir cède et quitte la boite… avant de se faire tirer dessus. C’est beau, c’est fort, et c’est déstabilisant… mais ça plombe les épisodes 7 et 8.

Durant tout l’épisode 7, Nadir Zeinoun est entre la vie et la mort, touché grièvement par la balle. Ca nous permet tout juste de voir les bras droits de Zeinoun se mettre sur la tronche et les filles du Folie’s qui attendent son réveil comme s’il s’agissait de leur père. Pas grand-chose, en fait. Du coup, cet épisode sonne creux. Il n’apporte rien de spécial au récit. On sait que Nadir est le ciment de son univers. On sait que sans lui, Olivier et Djamil sont perdus. On sait qu’il est comme un père pour les filles qui travaillent pour lui. On sait aussi qu’Alice et Nadir se sont rapprochés, et le fait de la voir attendre son réveil n’est pas une surprise. Et ce réveil…

Je ne peux pas m’empêcher de faire des ponts entre « Deadwood » et « Pigalle », même si le premier n’a pas été une inspiration directe pour le second. Il n’empêche qu’ils partagent une structure commune, celle de montrer une journée par épisode. Quand Al Swearingen doit passer des calculs rénaux, ça lui prend une demi-saison. Quand Nadir doit se remettre d’une balle tirée dans le ventre, ça prend ¾ d’un épisode. Et on le voit se lever et marcher pour discuter avec Alice. Bon, il se fait engueuler par une infirmière, mais à part ça… Alors oui, Nadir est balèze, gonflé et « plus grand que la vie », quelque part. Mais là, je n’y crois pas. En plus d’être assez irréaliste (je veux bien que « Deadwood » et « Pigalle » ne se passent pas à la même période, je reste circonspect devant la rémission de Nadir), cette sous-intrigue plombe l’épisode 8.

Pour répondre au léger vide, à cette temporisation (voulue) de l’intrigue, l’épisode 8 possède les mêmes défauts que les épisodes finaux de la majorité des séries françaises. Trop de sous-intrigues à clore d’un coup, trop de scènes fortes, pas assez de recul et d’observation. Dans une série qui nous a habitué à prendre son temps, à souffler et contempler, ça dénote tant, qu’on ne peut être totalement satisfaits du final.

Voilà ma tentative d’explication, après-coup, du pourquoi je suis resté sur ma faim lors de la dernière soirée de Pigalle. Elle met en lumière un autre souci, celui de la diffusion en 8 épisodes, trop coincée entre le rythme d’une mini-série (6x52) et d’une saison de série (12x52). Alors s’il vous plaît, les gens de Canal+, dans 21 mois, donnez moi 12 épisodes de Pigalle, pas seulement 8…

En attendant, tous les articles de notre dossier sur la saison 1 de « Pigalle, la nuit » sont ici.

Mon nom est Quinn, Tom Quinn

Par Emilie Flament.

Lorsqu’on parle d’espions dans les fictions, on pense quasiment tous à l’un des plus célèbres britanniques... un certain James Bond. Séducteur, classe, flegmatique, il semble survoler la plupart des menaces planétaires qu’il est amené à combattre. Mais, depuis quelques années, un autre espion, également au service de Sa Majesté, mériterait le titre : Tom Quinn .

Il est sans doute le meilleur personnage de « [MI-5] (Spooks) ». Lorsqu’on le découvre, son personnage est en place. Discret, il peut paraître distant à première vue. Grâce à son intelligence et son leadership naturel, il est à la tête de la section D du département Contre-Terrorisme du MI-5. Instinctif et réfléchi à la fois, c’est un excellent élément, très impliqué dans son travail. Petit protégé d’Harry Pearce, son supérieur, les seuls amis qu’on lui connaît sont Zoe et Danny, membres de son équipe. Le reste de sa vie sociale se limite alors à Ellie, sa petite amie, et la fille de cette dernière. Pour ne rien gâcher, il est séduisant et ténébreux à souhait.

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Tom Quinn, Spook no more
(Matthew Macfadyen)

Alors qu’est-ce que ce parfait héros à priori peut apporter de plus que notre ami Bond ? L’épaisseur. Pour commencer, il s’agit de démystifier le mythe de l’espion. L’adrénaline, le glamour, le mystère, ça n’est pas tout. Quinn ne voyage pas au quatre coins du monde, il vit à Londres et y travaille, il se rend tous les jours au bureau, y retrouve ses collègues. Une vie à priori banale. Il ne collectionne pas les conquêtes en talons aiguilles et robes longues (ou courtes), il galère avec sa petite amie, rencontrée sous couverture et qui ne connaît même pas son véritable nom ni son métier. Il vit pour son job, les week-ends, occasions spéciales, vacances ne sont pas franchement des temps libres. Quant à l’adrénaline, elle est bien présente en continue, mais est-ce suffisant pour encaisser sous ses yeux le meurtre d’un jeune collègue dont le visage est plongé sous un friteuse pour vous faire parler ? Tom Quinn savait où il mettait les pieds quand il s’est engagé, il est conscient du gap entre l’image et la réalité, et il est guidé par son sens du devoir et du service publique.

Tom Quinn, homme intègre et dévoué à sa mission, va au cours de 18 épisodes subir de multiples coups durs. Derrière cette apparente froideur et ces raisonnements impeccables, on découvre petit à petit les failles dans sa confiance en lui, dans sa foi en son métier. Le modèle s’effrite quand la distance qui le protégeait s’amoindrit. Stress, responsabilité, culpabilité, manipulation, mensonge et trahison... Que ce soit lui qui mente sur son identité et sa vie, lors de ses missions ou dans sa vie privée, ou qu’il le subisse. La violence de la réaction d’Ellie et cette rupture le pousse à se dévoiler très rapidement avec Vicky, trop sans doute. Il a du mal à se remettre de la mort de Mariela Hernandez dans la saison 2. Alors que la saison 1 est plus orientée sur sa vie d’agent et sa vie privée, la seconde saison explore ses doutes et ses conflits moraux. Son métier réclame de lui de manipuler les gens, de mentir afin d’obtenir les informations nécessaires à la sécurité du plus grand nombre. Mais au fur et à mesure le coût devient trop élevé. Cette maîtrise de la vie des autres trop pesante. De quel droit peut-il choisir de mettre en danger ou de détruire la vie d’autres personnes surtout quand elles sont innocentes ? Le cas du Pr Roberts sera la goutte d’eau. Sa morale prendra le pas sur son devoir, aidée par les événements des derniers mois, et il raccrochera définitivement, écœuré par ses propres méthodes. Il prend conscience dans cet épisode que Christine avait raison : ce métier le détruit, comme il l’a détruite. La trahison de la nouvelle femme de sa vie, qu’il n’avait pas pardonnée, n’était pas du à son sens du devoir mais à la peur et à des convictions réduites à néant.

Voilà pourquoi selon moi Tom Quinn est mémorable. Plus qu’un personnage, c’est l’exploration d’un monde complexe qu’il propose. Son écriture est quasi-parfaite. Son interprète, Matthew Macfadyen, est également remarquable. En quelques mots, si vous ne le connaissez pas encore, courez acheter les premières saisons de « [MI-5] (Spooks) »... et vous oublierez James Bond.

Après, plongez vous dans notre dossier, à lire ici.