LE QUINZO - 2.04 : Sévèrement déçu
Toutes les deux semaines, l’humeur de la rédac’ du Village.
Par le Village • 15 novembre 2010

Spooks : Phase terminale

Par Dominique Montay.

Chronique à deux niveaux de lecture.

« Spooks » est revenu pour une saison 9. Youpi, c’est une série géniale ! Ca c’est le premier niveau.

Maintenant, on regarde les épisodes. Mais c’est devenu atroce ! Ca, c’est le second niveau.

Au début du mois, voyant revenir une de mes séries favorite, j’étais on ne peut plus enthousiaste, même si la disparition d’un de mes personnages favoris (Ros Myers) restait pour moi un point noir. Mais c’est vrai qu’elle avait fait son temps, Ros. Il semblait difficile de lui faire vivre plus intense cette année, donc lui dire au revoir n’était pas, en soit, révoltant. Et il restait Lucas North, le ténébreux, le sombre, le torturé… lui, c’est sûr, il n’en ont pas fait le tour. Et la relation entre Harry et Ruth, elle piquait la curiosité. Tout ça pour dire, oui, je l’attendais de pied ferme.

Et vint l’épisode 1. C’est vrai, traditionnellement, je n’ai jamais été un grand fan des ouvertures de saison de « Spooks ». Trop alambiquées, trop d’action, trop de complexité… un peu trop de tout, en fait. Mais là… il m’a fallu 3 tentatives pour regarder l’épisode en entier, m’étant endormi à deux reprises dans le visionnage. Et je ne me suis pas endormi de fatigue, non, mais d’ennui. Au-delà d’un épisode manquant de rythme et d’intérêt, à la trame peu complexe et en même temps peu compréhensible, la série nous abreuve de retournements de situations aberrants.

L’an dernier, dans l’ouverture de la saison 8, on nous faisait croire à la sortie du casting de Peter Firth (Harry Pearce) en jouant sur la possibilité de sa mort. C’était déjà gros en 2009. En 2010, on ressort la menace, via une démission. Et si seulement la démission était acceptée et Harry dehors, on comprendrait la manœuvre, mais non. Harry ne démissionnera finalement pas. Une grosse ficelle de scénariste bien visible, et ridicule, pour créer de manière factice un suspense.

On enchaîne les grosses ficelles avec l’embauche de l’année : Sophia Myles. La jolie Girl in the Fireplace du docteur revient avec quelques kilos de plus (mais toujours avec un méchant charme) nous jouer l’ancienne mercenaire qui arrive au MI-5, dans une scène de recrutement complètement surréaliste qui revient à dire qu’ils embauchent n’importe qui n’importe comment, sans tenir compte des antécédents. Si Ben Laden ne sait pas quoi faire après sa carrière de terroriste, le MI-5 sera là pour l’accueillir. Faudra peut-être juste qu’il se rase, mais sinon, pas de problème !

Nicholas Blake. L’ancien secrétaire d’état. Honnête, loyal, dévoué. Un homme bon. Enfin, c’est ce qu’on nous a martelé jusqu’à nous faire péter le crâne en saison 8 quand le type avait été mêlé à une sale affaire pour le faire démissionner. Et bien en saison 9, c’est un sale traître. Oui-oui ! Un bon revirement à la « 24 », mais on reviendra sur la comparaison plus tard.

Lucas North. Non, ils n’en ont pas fait le tour. Deux saisons, ça n’est pas assez. Enfin, c’est ce qu’on croit jusqu’au final, quand un SDF l’accoste de façon menaçante et révèle que Lucas s’appelle John. Tada ! Une idée de scénariste bien paresseux. Et pour la saison 10, ce sera quoi ? Le jumeau malfaisant ? Le fils caché ? Le père caché ? Le cousin germain caché ? Le diamant du Nil qui change la personnalité des gens ? Une malédiction vaudou ?

Et si cette baisse de niveau ne concernait que le premier épisode… mais hélas ce n’est pas le cas, le reste étant du même acabit. Paresseux, consternant, sans fond, sans idée, à bout de souffle. « Spooks » était née de l’envie des britanniques de surfer sur la vague « 24 », avec un soupçon de réalisme en plus, et un ton propre, quelque chose de différent, de plus consistant que le drama horaire de la Fox. La sérié de tonton Kiefer a mis 4 saisons et demie à devenir définitevement sa propre parodie, à être complètement vidée de son essence. « Spooks » a mis plus longtemps (même si, en terme de nombre d’épisodes, on doit arriver au même point), mais elle a aussi atteint sa date limite de consommation. Les épuisantes et parfois répétitives histoires de menaces terroristes étaient par le passée sauvées par un traitement de la psychologie des personnages riche. La saison 9 passe totalement à côté.

Je n’aime pas écrire de critique à ce point négative. J’aime encore moins le faire pour une série que j’ai aimée. Cette saison 9 n’aura pas plus que ce quinzo comme place au Village. Pas besoin de s’acharner sur un malade en phase terminale.

Jump the shark !

Par Emilie Flament.

Le début de la saison l’avait vite laissé pressentir et la suite ne fait pas que confirmer la tendance, elle en ajoute 3 couches ! Cette saison 9 de « Spooks » est officiellement un amalgame d’incohérences et d’idées farfelues... Dominique vous a parlé des premiers épisodes, alors je me colle au pire... les derniers épisodes ! Attention, spoilers en approche.

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L’idée de ‘‘génie’’ de la saison c’est que... Lucas n’est pas Lucas mais John ! Ok, dès le départ, ça sentait pas bon. Mais quand on y rajoute, quelques épisodes plus tard, que ce changement d’identité date d’il y a 15 ans, ça devient un problème mathématique : Lucas (ou John maintenant) est de retour en Angleterre depuis 2 ans, avant il a passé 8 ans dans un goulag à être torturé, avant il était le mentor de Tom Quinn et marié à un agent russe... donc non seulement c’est compliqué mais en plus ça implique qu’à peine 5 ans après son entrée au MI-5 sous une fausse identité, il était déjà chef de la section D... belle et très rapide progression ! Dominique a raison... y a des carrières intéressantes au MI-5.

Passons au final et à ses explications ubuesques :
Lucas fait tout et n’importe quoi pour Vaughn (le SDF du début de saison) afin de protéger Maya (son mystérieux grand amour dont on n’a jamais entendu parlé et qui réapparait dès qu’il retrouve une vieille photo), même si ses actions mettent en danger son pays si cher à son cœur quand il en parle avec Beth.
Il finit par se retrouver coincer par Harry, qui a eu beaucoup de mal à admettre que Lucas pouvait être louche malgré des indices titanesques, et par déballer son ‘‘histoire’’... qui ne s’avère être qu’une version édulcorée par son esprit qui ne supportait pas sa ‘‘véritable histoire’’. Il ne manquait plus que le coup des masques comme à la fin de « Mission Impossible 2 » pour être au summum du Deus Ex Machina !

J’oubliais que, pour accentuer l’impact de ce scénario à s’arracher les cheveux, les réalisateurs y ont apporter leur touche : des images de Lucas/John, floutées, en pleine crise psychotique, régulièrement éparpillées dans les derniers épisodes... et qui n’ont rien à faire dans l’esthétique de la série. Bref, vous l’aurez compris, le personnage de Lucas North (qui pourtant démarrer bien dans les saisons précédentes) est définitivement perdu dans les abysses... à moins qu’en début de saison 10, on ne découvre que toute cette histoire n’était qu’un mauvais rêve ?

Qu’en est-il des autres personnages ? Je pense qu’on peut dire que la fantastique intrigue autour de Lucas/John a totalement occulté le développement des nouvelles recrues, Beth et Dimitri. On ne sait quasiment rien d’eux, de leur façon de réagir, de leur passé, de leurs opinions... Et comme en complément, même Harry se retrouve très affaibli par la saison, je ne vois pas très bien sur qui la saison 10 pourra tenir. Ruth s’en tire certes un peu mieux que les autres (scénaristiquement parlant, parce qu’elle ne va quand même pas très bien), c’est d’ailleurs elle qui produit les rares bulles de sincérité dans la saison.

Cette saison 9 aura, à mon grand désespoir, été engloutie dans les méandres d’une intrigue débarquée de nulle part et n’aboutissant à rien. Ce n’est pas la complexité de l’histoire mais son incohérence qui la tue... et c’est terriblement rageant pour une série dont les premières saisons sont des références de qualité.

Quand les déceptions chahutent une ligne éditoriale...

Par Sullivan Le Postec.

Non, pas de troisième texte sur « Spooks » dans ce Quinzo. Et pour cause, je viens seulement d’en voir la première saison pour le prochain épisode des Controverses du Village. Néanmoins, je souhaite rebondir sur ce qu’expriment mes deux collègues.

Dominique a terminé son papier, quelques lignes ci-dessus, en annonçant qu’il ferait l’impasse sur la saison 9 de « Spooks », lui qui a passé en revue toutes les saisons précédentes dans le dossier du Village consacré à « MI-5 » (en faisant déjà avance rapide sur la saison 6, qu’il avait combiné à la septième).
Je me suis d’autant plus identifié à ce désarrois que je l’ai traversé tout récemment, quand je traitais de la série « Maison Close ». C’est que parler d’une mauvaise série rentre fondamentalement en conflit avec la ligne éditoriale du Village, telle qu’elle a été fixée à sa création.

Le raisonnement à l’époque, c’était que pour trouver des papiers cynico-caustiques sur la fiction française, qui dézinguent du « Julie Lescault » et du « Navarro » à la mitraillette, il suffisait d’aller... partout ailleurs, en gros. Alors oui, ça soulage, mais ça n’est pas forcément très constructif et ça ne participe pas d’une nécessaire progression.
Et c’est valable pour toute la fiction européenne, d’ailleurs, qu’on a souvent caricaturée (Allemagne = « Derrick », Grande-Bretagne = « Coronation Street »).

L’idée à la base du Village, c’était que tous les programmes sans ambition et sans intérêt, on n’en parlerait pas. On se concentre sur ce qui nous intéresse, nous stimule, nous plaît. Superficiellement, ça donne un petit côté ‘‘monde de Bisounours’’ au site. Jusqu’au moment où on réalise que, pour ce qui concerne la fiction française, on doit parler d’à peu près 15% de la production [1].

Le problème arrive quand une saison d’une série qu’on a beaucoup aimée, comme « Spooks », nous déçoit soudain. Ou quand, comme dans le cas de « Maison Close », une série qui a de l’ambition et qui nous intrigue au départ, et c’était le cas chez moi des deux premiers épisodes de cette série, se crashe extrêmement rapidement. Je me rappelle de ces moments du milieu de la saison, quand j’écrivais des papiers sur des épisodes que j’avais toutes les peines du monde à regarder – j’avais beau avoir eu les épisodes en avance, à partir de l’épisode 4 j’ai regardé seulement quand il le fallait absolument, c’est-à-dire au moment de la diffusion. Et je me demandais ce que je faisais et si cela avait un sens.

Aujourd’hui encore, je ne suis pas très sûr de savoir si j’ai bien fait. S’il n’aurait pas mieux valu lâcher l’affaire et passer à autre chose. En même temps, j’ai eu l’impression qu’il y avait tout de même des choses intéressantes à en dire, comme par exemple de la saison 1 d’« Engrenages » à l’époque. La clé, je suppose, c’est que chacune des séries citées jusqu’ici, même si on ne les a pas aimé, on qu’on n’en a pas aimé une saison en particulier, nous a intéressé au départ.

Mais une chose est sûre : dire du mal des séries, même quand on le pense, ce n’est pas ce qu’on fait le mieux au Village.

P.S.-qui-n’a-rien-à-voir :
Comme indiqué dans les news, j’aurais le vendredi 19 november prochain, à 17h30, à la Fnac Montparnasse à Paris, le plaisir d’animer une rencontre avec les acteurs de la série « Nicolas Le Floch », en prélude à la diffusion prochaine de la saison 3. N’hésitez pas à venir !