AVANT-PREMIERE — Les Hommes de l’Ombre, saison 1
Dès mercredi 25 janvier sur France 2.
Par Sullivan Le Postec • 21 janvier 2012
C’est quasiment une première : une véritable série politique à la télévision française, en clair sur France 2 qui plus est. Qu’en est-il du résultat ?

Ces prochaines semaines seront très politiques à la télévision française. Avant de découvrir « Borgen », la série danoise qui arrive en février sur Arte, France 2 lance « Les Hommes de l’Ombre ».

Ne manquez pas notre web-doc, pour tout découvrir sur Les Hommes de l’Ombre. Le premier volet est déjà en ligne :
LUMIÈRE SUR LES HOMMES DE L’OMBRE — Épisode 1.

Une série politique made in France, c’est un événement tout simplement parce que c’est pratiquement une première : « L’Etat de Grâce » était une comédie qui avait pour cadre la Présidence de la république, mais évacuait tous les sujets politiques en même temps que la moindre ambition de réalisme. « Rastignac ou les ambitieux » était un hybride de saga et d’adaptation littéraire et la politique n’occupait qu’un tiers des fils narratifs. Quant à « Reporters », si elle laissait une place importante à la politique, jusqu’à faire du Premier Ministre un personnage – point de vue dans sa deuxième saison, cela restait une série dont le sujet principal était le journalisme. Jusqu’ici, la politique était donc l’apanage d’une poignée de téléfilms, principalement diffusés sur Canal+.

Une initiative de France Télévisions

C’est Vincent Meslet, l’ancien directeur de la fiction de France Télévisions, à l’époque où le poste recouvrait à la fois France 2 et France 3, qui a souhaité investir ce sujet. Les producteurs Macondo et Tetra Media Fiction proposent un projet qui met en avant les conseillers, les fameux « Hommes de l’Ombre » du titre. La proposition séduit Meslet et le projet est lancé.

La série nous propose de suivre une campagne électorale sous haute tension : le Président en exercice, élu deux ans plus tôt, vient d’être victime d’un attentat. La Constitution impose d’élire un successeur dans les 35 jours.
Simon Kapita (Bruno Wolkowitch) est le communiquant qui a fait élire le Président, son ami, deux ans plus tôt avant de quitter la France pour travailler à l’ONU. Il tient à la préservation de son héritage et voit d’un mauvais œil la volonté du Premier Ministre Deleuvre (Philippe Magnan), un homme qu’il déteste et qui joue sur les circonstances pour nourrir l’émotion qui secoue le pays et en tirer profit, de se présenter en candidat naturel pour prendre la succession. Kapita décide de chercher un candidat à lui opposer et se fixe sur Anne Visage (Nathalie Baye), la Secrétaire d’État aux Affaires Sociales. Il ignore que l’homme qu’il a formé et à qui il a revendu sa boite de communication, Ludovic Desmeuze (Grégory Fitoussi) a choisi de le trahir et de défendre son adversaire...

« Les Hommes de l’Ombre » ne convainquent pas immédiatement. Après l’attentat, le pays est plongé dans le chaos — et raconter le chaos sans être soi-même chaotique n’est pas chose aisée. La première demi-heure, un petit peu trop confuse, ballote le spectateur de point de vue en point de vue, sans lui offrir un point d’ancrage, une prise émotionnelle suffisante. Rien de complètement raté, juste une succession de petits détails qui clochent et l’impression de ne pas savoir exactement ce qu’on veut nous raconter, et dans quoi s’investir. Symptôme récurrent dans les séries françaises : le moment qui devrait conclure le premier épisode — lorsque Simon Kapita se fixe sur sa candidate en se plongeant dans deux ans d’actualités — arrive au bout de dix minutes du deuxième.
Rétrospectivement, on réalise tout de même que les deux premiers tiers du Pilote auront permis d’introduire un grand nombre d’éléments et de personnages, et de lancer un fil narratif thriller sur lequel reposera une partie des épisodes suivants. Après ça, plus besoin d’exposition.

Une réussite artistique

La série commence donc à se cristalliser dans le dernier quart d’heure du premier épisode. Ce sentiment est rapidement confirmé : le deuxième segment est absolument formidable.

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Le sénateur Palissy, la candidate Anne Visage et le conseiller Simon Kapita
Yves Pignot, Nathalie Baye et Bruno Wolkowitch

Deux personnages, et deux acteurs, y prennent tout à fait leur envol. Le regard du réalisateur Frédéric Tellier nous permet en effet de redécouvrir Bruno Wolkowitch, formidable, et Grégory Fitoussi, tout simplement parfait.
Habité mais pas plombé, paradoxal mais chaleureux, avec son petit sourire malicieux qui illumine le coin de ses yeux, le Simon Kapita de Wolkowitch devient très vite extrêmement attachant. On respire aussi en découvrant un personnage qui a des idéaux et des valeurs, et positionne « Les Hommes de l’Ombre » dans un propos sur la politique autrement plus stimulant que le ‘‘tous pourris’’ auquel tant « Rastignac ou les ambitieux » que « L’École du Pouvoir » nous avaient malheureusement habitués. La série n’est pas non plus naïve, ou stupide. Son décryptage de la politique française est même, à quelques reprises, explosif. La séquence de l’épisode 2 dans lequel le Sénateur Palissy, entre petits arrangements de Partis, fonds secrets et plafonds officiels de comptes de campagne explosés, lance la candidature d’Anne Visage est mordante — notamment parce qu’on sent qu’elle touche parfaitement juste. Le scénariste Dan Franck nous plonge dans les coulisses de la politique avec un regard visiblement très informé (Régis Lefevre, ancien spin-doctor de droite, a largement contribué à nourrir le projet).
Grégory Fitoussi est meilleur que jamais dans le rôle de Ludovic Desmeuze, un adversaire puissant et sûr de lui, mais dont il nous fait partager les doutes et les failles que Ludovic a pourtant tant de facilité à cacher à son entourage.

Le duo éclipse presque Nathalie Baye, la star du casting dans le rôle de la candidate Anne Visage, ex-Secrétaire d’État pas tout à fait taillée pour le rôle de Présidente, mais qui va devoir s’élever. Le scénario s’attache à garder ce personnage à une certaine distance, à préserver son mystère. Mais il suit un arc précis au fil des six épisodes, tandis qu’Anne Visage navigue entre ce que lui impose le pragmatisme et ce qui lui commandent ses convictions.

Avec son quatrième épisode, la série prend une série de virages scénaristiques parfois déroutants, qui semblent reléguer au second plan l’antagonisme principal au cœur de cette histoire. Celui-ci s’impose à nouveau, cependant, par des voies plus retorses. De quoi permettre à la série de retomber sur ses pattes dans un final satisfaisant, qui sait aussi donner envie de retrouver cet Univers et ces personnages dans une prochaine saison.


En attendant le lancement de la série mercredi, le premier épisode est disponible en avant-première sur le site de France 2.

« Les Hommes de l’Ombre » fera l’objet d’un accompagnement au fil de sa diffusion sur Le Village. Chaque mercredi soir, juste après la diffusion des épisodes, connectez-vous au site pour découvrir « Lumière sur les Hommes de l’Ombre », un document en trois volets qui vous amènera à la rencontre des créateurs de la série.

Réagir sur le forum consacré aux « Hommes de l’Ombre ».

Post Scriptum

« Les Hommes de l’Ombre »
6x52’
Une production Macondo / Tetra Media Studio pour France Télévisions.
Créé par Dan Franck, Frédéric Tellier, Charline de Lépine et Emmanuel Daucé.
Scénario : Dan Franck avec la collaboration de Régis Lefebvre.
Réalisation : Frédéric Tellier.
Produit par Carline de Lépine, Emmanuel Daucé et Jean-François Boyer.
Avec Nathalie Baye, Bruno Wolkowitch, Grégory Fitoussi, Yves Pignot, Clémentine Poidatz.

Dès le 25 janvier à 20h35 sur France 2.