LES ROBINS DES PAUVRES
Poignant, drôle, impliquant : en un mot passionnant.
Par Sullivan Le Postec • 22 octobre 2011
Regarder un téléfilm de France 3 et adorer ça, c’est le tour de force réalisé par l’excellent "Robins des Pauvres". Si c’est pas une belle accroche, ça !

Tout commence par un fait-divers survenu en Grèce. Deux frères qui braquent des banques pour redistribuer l’argent aux pauvres. L’un d’eux qui est arrêté, mis en prison, s’évade et recommence. Voilà un sujet plein de potentiel. L’équipe artistique derrière « Les Robins des Pauvres » l’a traité à sa juste valeur. Ne vous laissez pas avoir par le côté « téléfilm de France 3 qui se passe dans le Cantal » : vous allez adorer ça !

Franck et Régis Delmas sont 2 frères de 26-27 ans issus d’une famille modeste d’agriculteurs du Cantal. Un jour, leur meilleur ami et sa famille se font expulser de leur appartement parce qu’ils n’arrivaient plus à payer le loyer. Les frères Delmas créent le groupe des « Robins des pauvres » : ils braquent des banques et distribuent l’argent aux plus démunis.
Les deux frères sont soutenus par la population qui garde le silence même quand elle n’est pas dupe des ‘‘loteries’’ aux billets toujours gagnants du bar tenu par les deux frères. Ni Régis ni Franck n’ont le profil des criminels traditionnels. En conséquence, a police piétine, tourne en rond… jusqu’à l’arrivée du commandant Viennot, envoyé de Paris pour mettre fin, enfin, à la série de braquages dans des petites agences bancaires autour d’Aurillac.

Le sujet de départ est très fort. On a vu plein de bons sujets gâchés par un traitement pas la hauteur. Ce n’est pas le cas du tout ici. Les producteurs de Neutra – « Les Robins des Pauvres » est leur première production de fiction à arriver à l’écran, le moins que l’on puisse dire est que la barre est placée haute pour la suite – ont confié le scénario à Omar Ladgham, accompagné de Gaelle Bellan pour les dialogues. Celui-ci est extrêmement réussi. Il manie à merveille ce qu’il faut de légèreté et d’humour, de profondeur, et exploite pleinement la gamme d’émotions générées par la situation.
La caractérisation des deux personnages principaux, de même d’ailleurs que celle des seconds rôles, est excellente.

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Restait à assurer le passage à la mise en images. Nous avons tous vu du téléfilm de France 3 éclairé au néon de supermarché, aux couleurs baveuses et à l’image granuleuse, ou alors filmé au numérique mais sans soin, et avec un rendu vidéo proche d’un épisode de « Plus Belle la Vie ». Rien de tout cela ici : Frédéric Tellier est à la barre.
D’abord, « Les Robins » déborde d’une forme de sensibilité sincère et en même temps de pudeur et de retenue, qui correspond exactement à la description qu’on pourrait faire du réalisateur, et qui rend le téléfilm si juste et touchant.

Vous ne connaissez peut-être encore pas le nom de ce réalisateur. Il y a des chances que ça change dans les mois et les années à venir. Les images de Frédéic Tellier n’ont rien à voir avec le tout-venant de la télévision française. C’est bien simple, on se croirait devant une excellente production anglaise, au vu du soin apporté à la photographie, aux cadres et au traitement de l’image. C’est déjà flagrant en deux minutes de bande-annonce :

« Les Robins des Pauvres » a remporté le prix de la meilleure photographie au festival de Luchon 2011 (le directeur de la photo est Matias Boucard).
Surtout, la grande qualité de Frédéric Tellier est que ce travail visuel est au service de l’histoire. A aucun moment, le rendu ne tient du vidéo-clip. Force est de constater aussi, que ses choix de casting sont les bons. Les acteurs, Nicolas Giraud et Aurélien Wiik dans les rôles des deux frères, et Michel Duchaussoy, Hippolyte Girardot, Clémentine Poidatz, Alice Butaud, Cédric Viera qui composent le reste de la distribution, sont parfaits de justesse.

On n’en révèlera pas trop sur l’histoire, mais il est évident que la situation va escalader et monter en tension. L’aspect thriller du téléfilm s’intègre parfaitement au reste du récit et ne remet jamais en cause la profonde humanité, et l’épaisseur des personnages. Le récit est poignant, d’autant que les conditions d’une totale empathie ont été parfaitement créées.

On peut considérer que le récit, par l’énergie positive, optimiste, qu’il dégage, tient de la fable. Reste que c’est le genre d’utopies à laquelle on a, par les temps qui courent, envie de se donner à corps perdu – à l’image des personnages eux-mêmes, d’ailleurs. Alors on passera l’éponge sur la toute petite frustration ressentie à la fin.

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Découvrez la première partie de notre entretien avec Frédéric Tellier, dans lequel nous passons en revue sa carrière de réalisateur de fictions. Et aussi la deuxième partie, spécifiquement consacrée aux Robins : ‘‘Du producteur à la chaîne, Les Robins des Pauvres a été protégé’’.

Post Scriptum

« Les Robins des Pauvres »
Neutra Productions pour France 3.
Scénario : Omar Ladgham ; dialogues : Omar Ladgham et Gaelle Bellan ; d’après une idée originale de Philippe Schirrer, Serge Hugon et Nicolas Tiry.
Réalisation : Frédéric Tellier.
Avec : Nicolas Giraud, Aurélien Wiik, Michel Duchaussoy, Hippolyte Girardot, Clémentine Poidatz, Alice Butaud, Cédric Viera.

Diffusion mardi 25 octobre à 20h35 sur France 3.