DOCTOR WHO — 6x12 : Closing Time
‘‘I was here to help. And you’re very welcome’’ – Le Docteur
Par Sullivan Le Postec • 25 septembre 2011
Quoi de mieux que de rire un peu avant la mort ? Pour l’occasion, le Docteur rend visite à celui qui fut son colocataire, Craig, heureux papa d’un petit bébé. Ça tombe bien, il y a quelques Cybermen dans les parages.

Même si « Let’s Kill Hitler » traitait de l’arc principal actuel avec pas mal d’humour, cette deuxième partie de saison est marquée par un ton sombre, les épisodes alternant entre l’angoisse et la tragédie, avec un arrière fond de mélancolie. Cette dernière émotion se retrouve encore dans « Closing Time », mais marié cette fois avec la comédie qu’on attendait de cette séquelle de « The Lodger ».

Closing Time

Scénario : Gareth Roberts ; réalisation : Steve Hughes.
Pour le Docteur, 200 ans ont passé depuis le premier épisode de cette saison. Il est à la veille de sa mort. Il décide de rendre une petite visite à Craig, dont il avait partagé l’appartement. Celui-ci et Sophie sont maintenant les parents d’un petit bébé, prénommé Alfie. Mais le Docteur constate que des perturbations extraterrestres sont en cours, depuis une galerie commerciale où il se fait embaucher. Avec Craig, il traque un petit groupe de Cybermen, crashés depuis des années, et qui se reconstruisent petit à petit...

Deuxième

Malheureusement, « Closing Time » ne viendra pas contredire l’adage selon lequel les suites sont toujours moins bonnes que les originaux. Le scénariste Gareth Roberts reprend les ingrédients et le ton de « The Lodger », ce qui inclut les éléments positifs. James Corden est toujours très bon dans son rôle, et forme un duo comique très efficace avec Matt Smith. Leurs dialogues et échanges sont excellents et constituent le point fort de l’épisode. Comme dans « The Lodger », l’intrigue est un prétexte, qui passe au second plan derrière les interactions du duo.

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Là où « Closing Time » se révèle plus faible, par rapport au précédent épisode, c’est qu’il tombe assez vite en panne sèche d’idées. L’année dernière, Gareth Roberts nourrissait aussi son épisode de péripéties inventées pour une bande-dessinée publiée quelques années auparavant, ce qui permettait à « The Lodger » de compter plusieurs séquences originales et mémorables (le match de foot, le tournevis/brosse à dent, le rendez-vous galant de Craig...) qui venait nourrir et renouveler les rapports entre le Docteur et Craig. Ici, ce type de moments est moins nombreux, le rythme est un peu mou et l’épisode semble parfois sérieusement manquer de direction.
De la même manière, le climax de l’épisode, décalque total de celui de « The Lodger » — l’amour de Craig pour Sophie / son fils est tellement fort qu’il prend le pouvoir sur la machine — est franchement peu inspiré. Et le fait de le tourner en dérision dans les dialogues n’aide pas vraiment.

On notera quand même certains gags intéressants, notamment quand l’épisode prend prétexte de la présence de Craig, prototype de l’homme ordinaire, pour évoquer la société ordinaire d’aujourd’hui. C’est le cas par exemple avec les deux allusions à la culture actuelle du télé-crochet, une perdante de « Britain’s Got Talent » faisant la couverture du journal, plutôt que les trois personnes mystérieusement disparues. Plus tard dans l’épisode, le Docteur fait le bilan de sa vie en utilisant des clichés du langage de ces émissions : ‘‘I think its fair to say in the language of your age, that I lived my dream. I owned the stage. Gave it a hundred and ten percent’’ [1].

L’arc

La relative déception qu’a représenté pour moi « Closing Time », c’est aussi celle vis-à-vis de mes attentes. Sachant à la fois que la précédente apparition de Craig avait été l’occasion de voir un Tardis du Silence crashé et sans pilote, et que cet épisode allait certainement se terminer sur un cliffhanger nous menant directement au final de la saison, j’avoue avoir été persuadé que « Closing Time » serait un faux loner, c’est-à-dire que son intrigue rejoindrait clairement l’arc de la saison.

Sauf que pas du tout. Si, bien sûr, la mort désormais très prochaine du Docteur colore l’épisode d’une intéressante mélancolie, qui fait contraste avec son humour, l’intrigue en elle-même est bien complètement indépendante.

Ce n’est que par un épilogue artificiellement rattaché à la fin de l’épisode que « Closing Time » nous projette vers le final. Bien sûr, c’est efficace, en cela que cela donne très envie d’être à la semaine prochaine. Mais cette conclusion est tellement dissonante en terme de ton, et n’a tellement rien à voir avec ce qui a précédé qu’elle constitue une distraction désagréable. Cette habitude de l’ère de Steven Moffat qu’on a retrouvé précédemment à la fin du double épisode sur les Siluriens et de celui sur les Ganger est vraiment une caractéristique assez horripilante. Je comprends que Steven Moffat aime bien les cliffhangers, mais j’aimerais bien qu’il nous en offre de moins gratuits.

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La mort

Pendant ses saisons, Russell T Davies avait en tête une règle qui voulait que chaque saison corresponde à une année dans la vie du Docteur. Dans la tête du scénariste, c’était aussi une manière de justifier que ses compagnes de voyage soient toujours des contemporaines des spectateurs, et d’évacuer un peu les questions de voyage dans le temps, Davies ne s’intéressant guère à la science-fiction.
Cette règle n’a plus court sous Steven Moffat, qui a une vision bien plus complexe, et quelque part plus réaliste, de la vie du voyageur temporel. Entre « A Christmas Carol » et cet épisode, le Docteur a donc vieilli de 200 ans. Il a eu plusieurs occasions de passer des années loin de nous, trois périodes étant ellipsées : celle entre « A Christmas Carol » et « The Impossible Astronaut », celle entre « A Good Man Goes to War » et « Let’s Kill Hitler », et enfin celle entre « The God Complex » et « Closing Time ». D’après Gareth Roberts, c’est cette dernière ellipse qui a été la plus longue, et concentre l’essentiel des 200 ans. Le scénariste indique également que c’est pendant cette période que le Docteur a vécu les aventures qui l’ont conduit à laisser à travers l’histoire les messages adressés à Amy et Rory vus au début de « The Impossible Astronaut ». (Le duo fait d’ailleurs un plutôt joli et émouvant caméo.)

Le Docteur, vieilli et fatigué (ce que Matt Smith fait d’ailleurs bien passer) avance désormais vers sa mort. Il ne nous reste plus qu’à voir comment il va l’éviter et quels tous il a dans son sac.
On apprend parallèlement que c’est bien River Song qui se trouvait dans la combinaison de l’astronaute. Je trouvais que l’effacement de son conditionnement avait été un peu rapide dans « Let’s Kill Hitler », je suis donc plutôt heureux d’apprendre que Madame Kavarian avait un peu mieux préparer son coup que cela. Steven Moffat a beaucoup de pain sur la planche, beaucoup d’éléments à clore en un seul épisode. Mais il nous a habitués à des scripts très denses et rythmés, c’est donc dans ses cordes.


« Closing Time » est une suite à « The Lodger » plaisante et amusante grâce au talent des deux acteurs et à des dialogues réussis, mais plutôt inférieure à l’épisode original, qui était plus inventif et plus rythmé. Même si elle arrive comme un cheveu sur la soupe, la conclusion de l’épisode donne évidemment très envie de voir le final de la saison. C’est bientôt samedi ?

Post Scriptum

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Dernière mise à jour
le 25 septembre 2011 à 20h34

Notes

[1« Il est juste de dire, dans le langage de ton âge, que j’ai été au bout de mes rêves. J’ai tenu la scène. J’ai tout donné. »