CONFERENCE — Produire Doctor Who, un défi collectif
Caroline Skinner, Chris Chibnall, Toby Haynes et Murray Gold ont répondu aux fans à Comic Con Paris
Par Sullivan Le Postec • 9 juillet 2012
Cette année, l’équipe de Comic Con Paris avait envie de parler de « Doctor Who » sous un autre angle. Pour ce faire, des membres de l’équipe habitués à rester en coulisse ont été invités à venir dévoiler leur travail.

Produire « Doctor Who », c’est une succession de défis peu communs qui ne se présentent que très rarement, voire jamais, aux équipes d’autres séries britanniques. C’est ce qui est clairement ressorti de cette conférence qui réunissait la productrice exécutive Caroline Skinner (qui a rejoint la série avec le dernier Christmas Special, « The Doctor, The Widow and The Wardrobe » et supervise la saison 7 en cours de tournage), le scénariste Chris Chibnall (auteur de cinq épisodes, dont deux de la future saison 7), le réalisateur Toby Haynes et le compositeur Murray Gold, animée par Alain Carrazé et Romain Nigita de 8 Art City.

La productrice Caroline Skinner est la première à intervenir sur un épisode : elle garde un œil sur le développement du script du stade du pitch jusqu’à la version de tournage du scénario. Là, elle en prend possession et va superviser sa production à toutes les étapes : pré-production, tournage, post-production.
La production physique de la série pose beaucoup de défis. Mais l’équipe se démène pour réaliser les délires imaginés par les auteurs. ‘‘Cela va faire un an que je travaille sur la série, pour l’instant aucune de ces réunions de production ne s’est terminée en disant : ‘non, on ne peut pas faire’. Au contraire, souvent les meilleures idées sortent de ces réunions-là’’. Cela a, par exemple, été le cas au début de la série quand quelqu’un a eu l’idée du bigger on the inside et de la cabine de téléphone pour palier à l’impossibilité de fabriquer un grand vaisseau.
Pour le prochain épisode de Noël, Caroline Skinner a participé aux processus d’audition pour trouver la nouvelle compagne de voyage du Docteur. Ces auditions doivent rester très secrètes, car les tabloïds anglais cherchent à sortir la moindre info. Lors du casting d’Amy, le faux non de production inventé pour le casting était « Panic Moon », un anagramme de Companion. Cette fois-ci, le nom de code était « Men on Waves » ce qui a conduit certains à penser qu’ils préparaient une série sur la Marine ! En fait il s’agissait de Woman Seven, parce que Jenna-Louise Coleman sera la nouvelle compagne pour la saison sept.
Caroline Skinner est restée muette sur les événements prévus pour le cinquantième anniversaire en 2013. Mais les réunions se multiplient dans les sous-sol du Television Center, le siège de la BBC à Londres.

Notre interview avec l’équipe de « Doctor Who » Caroline Skinner (productrice exécutive), Chris Chibnall (scénariste), Toby Haynes (réalisateur) et Murray Gold (compositeur) : “Il y a eu une volonté d’avoir la même ambition visuelle que celle qui prévalait pour les scripts”.

Tous les épisodes ne sont pas écrits par Steven Moffat (nous on ne serait pas contre, mais il paraît que lui, si. Sans parler de sa femme et de ses enfants).
Chris Chibnall fait partie de ces autres scénaristes. ‘‘Je fais ce que Steven Moffat me dit de faire !’’ a-t-il expliqué. Mais l’avantage d’être un scénariste, c’est qu’il fait partie des toutes premières réunions et qu’il fait donc partie des tous premiers à savoir dans les grandes lignes ce qu’il va passer. Quoi que Moffat ne révèle pas tout : ‘‘il ne nous dit que le minimum que nous avons besoin de savoir pour travailler’’.

Quelque fois, le pitch est proposé par Moffat, d’autres fois c’est le scénariste qui est à l’initiative. Pour les deux épisodes écrits par Chris Chibnall dans la saison à venir, les deux cas de figure se sont présentés. Une histoire lui a été proposée par Steven Moffat, quoi que ce pitch ait été très court : il s’agissait simplement du titre de l’épisode (que l’équipe ne veut absolument, absolument pas révéler pour l’instant). L’autre histoire a été proposée par lui, sachant qu’il fallait faire un épisode qui mette en avant Amy et Rory. Caroline Skinner a révélé à quel point ils avaient été emballés par son pitch. En sortant de la réunion, Steven Moffat lui a dit : ‘‘cette idée, elle permettrait de faire un super film. Ne le dit pas à Chris, on va la garder pour la série !’’
L’écriture en elle-même, est un processus difficile. L’une des difficultés est l’étendue de la série : ‘‘Doctor Who, c’est sept séries en une : de la comédie, du du suspense, de l’action, de l’émotion, de l’horreur...’’ Chibnall, enfermé dans une pièce pendant des semaines, pleure en essayant d’avancer. Il appelle de temps en temps Steven Moffat pour lui dire à quel point c’est difficile, celui-ci lui répond généralement : ‘‘je sais... mais tu es en retard, dépêches-toi on attend ton script !’’

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Une fois le scénario écrit, le réalisateur entre en scène. Toby Haynes confie sa joie de découvrir un nouvel épisode, mais aussi les deux sentiments qui se mélangent. Plus le scénario est excitant, plus il en est heureux – mais plus cela veut dire, aussi, que la tâche sera plus difficile !
Le réalisateur a mis en scène cinq épisodes de « Doctor Who » à la suite (en ordre de diffusion) : ‘‘après que j’ai mis en scène mon premier, ils m’ont enfermé dans une pièce et ne m’ont plus laissé partir !’’ a-t-il plaisanté. Haynes a aussi réalisé un épisode de la saison 2 de « Sherlock » : ‘‘Je fais « Doctor Who » et puis, pendant mes temps-libres, « Sherlock ». Travailler avec ces acteurs, Matt Smith, Karen Gillan, Benedict Cumberbatch, Martin Freeman… je suis le réalisateur le plus chanceux de la télévision britannique !’’
Enthousiaste, Toby Haynes confie adorer arriver tôt le matin dans les studios de tournage de la série, pour y voir le bric-à-brac permanent qui y règne, Daleks entreposés à coté de décors d’époque, et qui rappelle les vieux studios de télévision, où beaucoup de choses différentes étaient tournées au même endroit. Pour lui, le tournage est un véritable plaisir. C’est au moment de la post-production que commence le ‘vrai’ travail.

La post-production c’est l’étape à partir de laquelle Murray Gold (qui a parlé en Français pendant la quasi-totalité de la conférence), le compositeur de la musique depuis le retour de la série en 2005 intervient. A l’époque, Russell T Davies avec qui il avait déjà travaillé sur « Queer as Folk » et « Casanova » a pris contact avec lui très peu de temps, deux ou trois semaines, avant que les premiers épisodes entrent en mixage. Murray Gold a donc sauté dans le train en marche rapidement, et depuis sept ans il n’arrête pas de composer de la musique pour « Doctor Who » : souvent quarante minutes dans chaque épisode, plus que la moyenne des autres séries. Un travail solitaire : il commence à travailler quand beaucoup ont fini leur part — ‘‘j’y suis encore quand tout le monde est parti en vacances,’’ a-t-il plaisanté. Du coup, il y a de nombreuses personnes de l’équipe qu’il n’a jamais rencontré : ‘‘je ne connais pas le caméraman, par exemple. Mais je crois quand même qu’il existe’’.
Au moment de composer la musique de « Rose », le tout premier épisode, Murray Gold a introduit des thèmes pour les personnages. Il ne savait pas encore qu’il y aurait des éléments feuilletonnant dans l’intrigue qui rendrait cette approche encore plus justifiée.
Murray Gold a avoué être bien aidé quand un épisode comporte une scène extrêmement puissante sur le plan émotionnel, il peut y puiser son interprétation et s’appuyer sur elle pour le reste de la musique de l’épisode.

Pour le générique, le plus gros défi a été pour lui d’inventer la nouvelle version de 2005. Ensuite, même si celle de la saison 5 était très différente, il ne s’agissait que de trouver de nouvelles variations. Y aura-t-il une nouvelle version pour la saison 7 ? ‘‘Peut-être’’ a-t-il répondu !

Chaque intervenant a choisi un extrait à nous présenter. Chris Chibnall a montré la première discussion entre le Docteur et la Silurienne dans la cave de l’église de « The Hungry Earth » : il adore le jeu des acteurs dans cette scène, et le nouveau look des Siluriens, que l’équipe a totalement réinventés, en collaboration complète. Lui le scénariste, le réalisateur, les producteurs et les responsables des effets spéciaux ont tous été impliqués pour arriver au meilleur résultat. Lui aurait bien voulu nous montrer un extrait de la saison 7, mais il n’a pas eu le droit, nous tease-t-il !
Caroline Skinner nous montre la scène du voyage finale de la sphère dans « The Doctor, The Widow and the Wardrobe ». C’était son premier épisode en tant que productrice exécutive, et elle adore particulièrement les épisodes de Noël de « Doctor Who » : ‘‘les deux se marient particulièrement bien’’. Et puis cette scène représente bien la série : les défis techniques, l’émotion...
Toby Haynes a choisi la scène montrant Amy enfermée dans la chambre de l’orphelinat de l’épisode « Day of the Moon », lorsqu’elle réalise que le Silence est présent en voyant les marques apparaître sur sa peau, et qu’elle découvre enfin un nid suspendu au plafond. Une scène dans laquelle il a voulu référencer un travail qu’il adore, celui de Guillermo del Toro dans le « Labyrinthe de Pan » — de la même manière il avait invoqué Spielberg en mettant en scène les séquences situées sous Stonehenge dans le final de la saison 5.
Enfin, Murray Gold a choisi un extrait de « Doctor Who at the Proms » ou sa musique est jouée en concert public, et particulièrement le thème Vale Dicem, qui accompagnait la « mort » du dixième Docteur de David Tennant dans « The End of Time ». D’ailleurs, Murray avait l’air très partant pour organiser ce type de concert en France... et Caroline Skinner avait l’air très ouverte à cette idée.

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Le réalisateur Toby Haynes devant le public
Photo prise par Caroline Skinner, avec des morceaux de l’équipe du Village dedans.

Cet événement Doctor Who à Comic Con Paris 2012, organisé par 8 Art CIty en collaboration avec France 4 et BBC Woldwide, a comblé les fans et montré que le public français de la série était passionné et savait se montrer présent lors de ce genre d’initiative, remplissant une fois de plus la salle à ras-bord. Prometteur pour l’année prochaine, où l’on espère bien participer à la fête du cinquantième anniversaire !

Dernière mise à jour
le 15 juillet 2012 à 09h52