PIGALLE, LA NUIT - Ep 1.08
« On a des choses à se dire » Nadir
Par Dominique Montay • 18 décembre 2009
Nadir est prêt à rebondir. Dimitri à chuter. Thomas comprend tout.

Pendant la diffusion de « Pigalle, la nuit », nous vous donnons rendez-vous chaque mercredi et vendredi pour la publication des critiques des épisodes diffusés le lundi soir. ATTENTION, cette critique est réservée à ceux qui ont DEJA VU la série, car elle contient beaucoup de SPOILERS

De retour de l’hôpital, Nadir n’a pas l’intention de se laisser faire par Dimitri. Pour s’en débarrasser, il contacte ses supérieurs et met encore plus en lumière les problèmes provoqués par sa vendetta personnelle. Alice se révèle enfin à nos yeux, nous ouvrant les portes de son passé pour mieux nous faire comprendre son présent. Un présent en relation directe avec un Thomas qui, même s’il voit le bout du tunnel, n’en a pas finit d’être surpris par Pigalle.

« Elle lui ressemble… tellement »

Tout part d’une ressemblance troublante. Emma est le portrait craché de la mère d’Alice, cette femme qui hante les souvenirs de Max. Lorsqu’Alice, il y a quelques mois, croise par hasard Emma, son visage va faire remonter tous ses souvenirs et traumas. Enfant, elle n’avait pu sauver sa première « incarnation », poussant le vice jusqu’à lui imposer son agression, au travers d’un miroir sans teint. Adulte, elle est décidée à protéger sa seconde, la garder sous son aile, et lui empêcher de souffrir.

Sous la menace du danger « Adam », Alice récupère Emma et la cache, inventant par là un nouveau type de séquestration, pour le bien de la victime. Alice va la droguer, la maintenir enfermée. Une attitude extrême, poussée, qui dénote autant une envie de protéger qu’un façon bien étrange de l’exprimer. Alice est marquée à vie par son passée, s’étant attribuée elle-même ce prénom qui quand on regarde son passé est autant ironique que cruel envers elle-même. Cette attitude ne gêne pas tant que la façon dont les autres réagissent autour.

Des questions sans réponse

Pourquoi Thomas ne questionne pas Alice ? Pourquoi celui qu’on a vu comme étant agressif, désagréable, rapide à la conclusion ne tance pas plus celle qui – d’un premier abord – a séquestré sa sœur « chérie » ? Par manque de temps ? Hadmar et Herpoux ne répondent pas franchement à cette question, ne prennent pas le temps de montrer Emma dédouaner Alice de toute volonté de faire le mal. Dans leur écriture, on a salué leur volonté de ne pas appuyer les évidences, mais force est de constater que tout n’est ni évident ni clair dans cette résolution.

Nadir, de la même façon, ne trouve qu’un « on a des choses à se dire » à Alice. On aurait tant aimé les voir se les dire. Peut-être pas tout mais au moins une partie. Etrangement pour une série qui a tant aimé montrer les temps morts et les attentes, l’ultime épisode va à la vitesse d’un cheval au galop et expédie certains arcs. Un manque cruel qui nous vient en fin d’épisode, avec la sensation d’avoir tout vu mais trop vite.

Un bon final

Ce final offre tout de même des moments extrêmement forts et qui ne souffrent d’aucun problème. Ce démarrage, très réussi et mystérieux, qui nous dépeint Alice comme un personnage peut-être capable d’être malveillant. L’attitude de Nadir, et la façon dont il se débarrasse de Dimitri (toujours en parlant), juste en démontrant à son patron une règle de business bien connue. Le passionnel n’a rien à faire dans le monde des affaires. Le duel final entre Dimitri et Nadir, où on sent chez ce dernier une volonté de sortir Dimitri de ses ornières et de lui mettre la vérité sous les yeux, lui faisant comprendre que sa quête n’a pas de sens et qu’elle va le mener à sa perte. On ajoutera, pour sa qualité et pour l’image qu’elle laisse, la scène qui montre Djamil (le très regretté Yasmine Belmadi, qui a trouvé la mort en scooter le soir de la fête de fin de tournage de PLN), Olivier et Nadir pour la dernière fois, faire un bilan de la série à la terrasse d’un fast-food.

Mais le moment le plus fort, ça reste la baffe que se prend Thomas de la part de sa sœur. Il voulait la retrouver pour l’arracher à cet univers pourri et glauque de Pigalle. Sa vision des choses. Au final, et dans une conversation qui va lui remettre les idées en place il apprend plusieurs choses assez troublantes. 1) Sa sœur a grandit, et elle fait ce qu’elle veut. Elle n’a besoin de personne pour la protéger. 2) Elle veut rester à Pigalle, où elle a tout aimé, même ce malade de Dimitri. Et surtout 3) Sa recherche n’a servi à rien, Pigalle s’occupait très bien d’elle avant qu’il arrive, et il continuera après qu’il soit parti. Merci, et au revoir.

Qui pour la deuxième ?

Le final jette des doutes (ou donne des opportunités, c’est selon) sur la saison 2. Plusieurs personnages quittent Pigalle. Si les histoires de Thomas et Max sont à juste titre bouclées et ne semblent pas permettre de rebondir pour une seconde saison, la disparition de Dimitri impose une redistribution des cartes assez violente. Ajoutez à ça le départ de Fleur au terme de l’épisode 7 et vous avez la moitié du casting qui ne sera pas là l’an prochain. Si Fleur peut revenir, ça n’est pas vraiment le cas des autres.

Hervé Hadmar et Marc Herpoux ont peur de la routine, de la chronique, et fonctionnent par la fiction, et donc les arches narratives. La première saison tournait autour du trio Dimitri-Thomas-Emma, la seconde (si elle existe, ce qu’on espère), tournera autour d’un autre axe, vraisemblablement toujours avec Nadir et Alice en satellites. Cette fin de saison n’offre pas de cliffhanger, n’ouvre pas sur grand-chose et laisse un peu sur sa faim. Pas sur la qualité, présente du début à la fin, mais sur la quantité. Cette saison 1 méritait bien 2 épisodes de plus, ou au moins de finir sur 90 minutes, tant on a l’impression que tout est résolu trop vite.

Deux ans...

En demander plus, c’est faire l’aveu d’avoir aimé. C’est le cas. Des fictions comme Pigalle, en France, sont rares, mais leur nombre augmente. L’esthétique, la narration, l’interprétation, autant d’éléments qui posent une nouvelle valeur étalon de la fiction de luxe française, mais qui respecte aussi son format et ses codes, tout autant que la gestion – très française, et ce n’est pas péjoratif – des conflits. Une belle saison, une belle série, qu’on a prit un plaisir énorme à dévorer, et qu’on aura grand bonheur à retrouver pour une saison 2 dans 2 ans.

Deux ans… c’est long, quand même.

Post Scriptum

« Pigalle, la nuit »,
Créée par Hervé Hadmar et Marc Herpoux
Produit par Lincoln TV. Diffusion : CANAL+
Saison 1, Episode 8
Ecrit par Hervé Hadmar et Marc Herpoux
Réalisé par Hervé Hadmar

Copyright photos
© Tibo & Anouchka / LINCOLN TV / CANAL+