Vite vu au printemps
On a vu. On a aimé. Ou pas. On vous dit. En bref.
Par Sullivan Le Postec • 19 mai 2007
« Primeval », « Le Ciel sur la Tête », « Chez Maupassant », « Off Prime » et notre rubrique dans la rubrique : ‘‘si je regarde « PBLV » c’est, bien sûr, uniquement pour le boulot’’. En plus on prouve qu’on a des lecteurs : ils nous envoient même du courrier !

C’est qu’il en est passé des choses à la télé depuis le dernier numéro de cette rubrique mensuelle, il y a trois mois... Heureusement que le Vite Vu spécial RITV aura pu camoufler cette absence. Pour tout vous dire, on était un peu débordés. Mais on a quand même trouvé le temps de regarder deux-trois trucs à la télé !

Le off, c’est in

Quand M6 a annoncé le lancement d’une série comique centrée sur la vie en coulisse fantasmée de son animatrice Virginie Efira, on a levé un sourcil dubitatif avant de retourner à nos activités en toute indifférence. Quand on a su qu’un Astier et Bruno Solo seraient à la barre de l’équipe artistique, on a commencé quand même a se demander s’il faudrait pas jeter un œil à ce truc, pour voir. Quand on a regardé le premier épisode, on a pensé à rien : on était trop occupés à se marrer.
« Off Prime » [1] a pour elle un goût pour le second degré assez imparable qui n’hésite pas à faire de Virgine Efira une gourdasse pataude et de dépeindre avec force ironie et mordant la ‘‘grande famille’’ du showbiz. Le ton est donné dans le premier épisode où un titre people monte un papier sur une liaison entre Efira et Michaël Youn. Tandis qu’il se désespère de ce que sa femme a demandé le divorce, Efira se retrouve impliquée dans plans foireux sur plans foireux pour créer de toute pièce de nouvelles liaisons people factices afin d’allumer des contre-feux. Y compris une liaison lesbienne avec la femme de Youn qui ne manque pas de poser un souci d’image à M6, parce que Efira ne joue pas dans la catégories des filles de la météo qui font du topless sur la plage mais ont été « engagée pour ça ». On espère que la suite sera à l’avenant de cet avant-goût.

Gare aux dinos !

Comme ITV devait trouver que ce drôle de « Doctor Who » dont tout le monde parle commençait à lui faire sérieusement de l’ombre, la chaîne privée anglaise décida à son tour d’investir le champ de la fiction fantastique / fantasy légère. Le résultat est quelque part entre « Who » pour le ton et « Torchwood » pour l’histoire et la dynamique de groupe qui prévaut pour les personnages.

JPEG - 20.4 ko
Primeval

Et la qualité, me direz-vous ? Et bien malheureusement, « Primeval » [2] penche plus vers « Torchwood » que vers « Doctor Who », même si la série inspire une certaine sympathie. Elle raconte les conséquences de l’ouverture régulière, aux quatre coins de l’Angleterre, d’anomalies spatio-temporellles ouvrant vers de lointains passés et au travers desquelles peuvent transiter de très dangereux prédateurs. Une équipe scientifique est mise en place, dirigée par le Dr. Nick Cutter, dont l’épouse a disparu une dizaine d’années auparavant. Tout le monde la croyait morte, il semblerait au contraire qu’Helen Cutter fut la première à explorer ces mystérieuses anomalies. Elle est de retour aujourd’hui, changée par les années, animées d’intentions inconnues et aidée par sa connaissance inégalée du mystérieux phénomène. Au rang des défauts de la série, on note une incapacité chronique à mettre en scène des scènes d’actions qui soient logiques et ressemblent visuellement à quelque chose, alors que la série en est truffée ; l’histoire manque parfois de logique (au début, l’équipe est formée alors que le phénomène n’a reçu aucune explication et que personne ne sait rien sur ce qu’il va advenir) ; les auteurs ont aussi une conception souvent caricaturale de l’écriture psychologique des personnages. Du coté des qualités, on citera que le troisième défaut n’empêche pas les personnages d’être assez attachants, tant pis pour le paradoxe, et merci à une distribution hétéroclite mais sympathique. Et puis la gestion de l’intrigue principale réserve quelques bonnes surprises, notamment dans le portrait brossé au fil des six (trop peu nombreux) épisodes de la première saison de l’énigmatique Helen Cutter. Je n’en dis pas plus pour ne pas déflorer le relatif suspense à ceux qui voudront découvrir cette série qui se pense avant tout comme un divertissement léger lors de sa diffusion sur M6, co-productrice de l’affaire. Disons juste que le dernier épisode est le meilleur de la saison et qu’il réserve quelques surprises qui nous permettront peut-être de garder en mémoire cette série un peu anodine jusqu’à l’arrivée de sa deuxième saison dans presque un an.

Si je regarde PBLV c’est, bien sûr, uniquement pour le boulot

Pour commencer notre rubrique dans la rubrique, dans laquelle j’essaie vainement de dissimuler que si je regarde « Plus belle la vie », c’est parce que j’aime ça, on aimerait dire merci à Olivier Szulzynger. Il nous faut même dire que notre envie d’exprimer notre reconnaissance survit à ce qu’il nous faille vérifier l’orthographe de son nom sur Google à chaque fois qu’on veut parler de lui, c’est dire ! (Courage ! J’ai fini par retenir l’orthographe de Straczynski, j’y arriverai aussi avec Szulzynger. Szulzynger. Szulzynger.)
Merci pourquoi ? Pas parce qu’il a l’avantage d’être un peu bavard tout en ayant plein d’anecdotes passionnantes (et passionnées) à raconter. Quoi que. Non, mais en fait, si on a envie de lui dire merci, c’est pour intégrer tout le temps des événements à « PBLV ». Et faire du coup à chaque fois pêter les statistiques de visite du Village. Les chiffres avaient à peine le temps de se remettre de la diffusion du prime en fin d’année dernière que, vendredi 2 mars, Google charriait vers nous des dizaines de spectateurs de la série qui se demandaient, entre autres : « pourquoi+nicolas+a+t+il+quitter+plus+belle+la+vie ». Pic de visites garanties.
Blague à part, cette mort a bien terminé un mois de février plutôt sympathique porté par une deuxième partie d’intrigue « famille Barrel » centrée le meurtre du frère de Nicolas. Mais elle n’a pas fait que des heureux du coté des spectateurs, notamment les fans du couple que Nicolas formait avec Thomas. D’un autre coté, le couple sort grandit de cette séparation tragique plus qu’il ne l’aurait été si le départ de la série c’était fait plus en douceur mais au prix d’une rupture. Après les départs « la porte est ouverte si vous revenez les gars » des personnages des pères et fils Marci l’année dernière, on a apprécié de notre coté que la série joue sur une autre note.
Cette intrigue terminée, la série s’est lancée dans deux mois supers poussifs dont il ne restera pas grand-chose dans nos mémoires si ce n’est qu’on était un peu content que ça se termine. Et après avoir quitté Guillaume Leserman au centre de l’intrigue de mars avril, qui l’avait déjà été de celle de novembre décembre, on est retournés vers Guillaume et Céline, déjà bien servis par l’intrigue de janvier février, dans une intrigue déjà franchement plus attrayante et qui prend au moment où paraît cet article un tour qui vient perturber la routine de la série. Bref, tout ça en fait, c’est pour dire, en rajoutant une couche de mauvaise foi sur le mode y’en a que pour les autres, qu’on veut voir revenir Blanche au premier plan ! Nous, on aime Blanche et on reste un petit peu sur notre faim de ne la voir que pour secourir la veuve et l’orphelin dans les story B depuis la fin de l’arc Picmal.

JPEG - 23.1 ko
Fabien (Julien Bravo) dans Plus belle la vie

Parlons-en un peu des story B, d’ailleurs. Après son passage en février - mars, le personnage de Fabien, le frère de Mélanie qui vient d’apprendre sa séropositivité, s’en est retourné à ses études hors écran. Avec l’espoir de devenir entraîneur puisque sa séropositivité à 17 ans a contrecarré ses espoirs de devenir joueur de foot professionnel. N’en déplaise à Act-up Paris (qui s’est fendu d’une lettre à la production, trouvant scandaleux qu’on puisse dire qu’une séropositivité découverte à 17 ans puisse empêcher une carrière dans le sport de haut niveau), l’intrigue a eu l’avantage d’éviter quelques clichés sur le sujet tout en trouvant l’équilibre difficile entre l’enjeu dramatique nécessaire à la fiction et la réalité du Sida en 2007.
A part ça... A part ça, pas grand-chose ne nous aura vraiment marqué ces derniers temps, si ce n’est le retour new look plutôt réussi de Thomas endeuillé. L’explication est peut-être à chercher du coté de la relative absence d’un ancrage humain fort qu’un travail très subtil sur des personnages aussi formidables que Renaud, Jules ou Nathan avait permis par le passé. Un type de personnage qui manquent un peu à la série — les deux premiers ont disparu de la série, le dernier a évolué de manière importante ces derniers mois, ce qui est une bonne chose, mais la fonction qu’il remplissait n’a pas vraiment été remplacée. C’est sans doute partie remise, d’une part parce que le retour de Fabien est annoncé pour cet été. Aussi parce que ces derniers jours, Nathan a participé à un petit trafic de séries téléchargées illégalement. L’occasion de remettre du quotidien dans la série et aussi d’entendre parler de ce sujet en France d’une manière qui laisse à penser que les auteurs se sont un minimum renseignés sur ce dont il est question. La série a même cité des séries qui font le succès de la concurrence (« Prison Break ») ou dont la diff’ a été saccagée par le service public (« Newport Beach »). Gasp ! On attend de voir comment « PBLV » entend conclure cet arc pour juger du discours tenu.
Pour conclure, les Story C ont semble-t-il corps et bien disparues pour laisser là place à des story B-bis, à l’exception peut-être de l’amusant (pas pour elle) retour de Mirta à l’hotel. Léger pour un trimestre. Les story C renaîtront-elles de leurs cendres dans les mois prochains ?

Rupture tranquille & Audace molle

Ce qui est sûr, c’est que le ciel ne nous sera pas tombé sur la tête à l’occasion de la diffusion du dernier téléfilm du scénariste Nicolas Mercier. L’audace vantée par le plan média se limite en effet à quelques allusions directes au sexe dans l’habituel téléfilm familial de France 2.

JPEG - 14.5 ko
Le Ciel sur la Tête

Le clou du « Ciel sur la tête » [3] serait ainsi une scène où le papa que l’homosexualité tout juste révélée de son fils trentenaire taraude un peu en discute avec son plus jeune fils de 19 ans, qui s’agace de l’étroitesse d’esprit du paternel et lui balance : « est-ce que je te demande si t’encules maman, moi ? » avant de se prendre une baffe. Pas sûr que ça légitimait l’heure et demie pas très rythmée passée à ne pas trouver l’équilibre entre la volonté de traiter avec justesse de la crise psychologique et sentimentale des parents (Charlotte de Turkheim est excellente) et celle de faire une comédie avec des personnages overzetop comme la meilleure copine ou le collègue pédé. Décidemment, la dramédie est un genre difficile qui ne pardonne aucune faiblesse dans la caractérisation des personnages.

De Carolis présente...

Ah, il l’aura eue sa belle fiction de patrimoine, Patrick de Carolis ! Sa belle collection portant haut la grande littérature pour donner gratuitement plein de culture aux masses. Et nous, on avait déjà préparé notre couplet du râleur grincheux en quête urgente de nouveauté dans l’innovation. Làs ! France 2 nous force à la retraite la plus lâche par la réussite et la maîtrise de l’affaire. Elles sont loin les carrosseries rutilantes mais surfaites, vaines et traîtresses des adaptations des trois D. Avec une grande intelligence, la collection « Chez Maupassant » aura su conjuguer le patrimoine avec la modernité des formats.
On essaiera d’y revenir un peu plus longuement par la suite. On en aura d’autant plus l’occasion qu’il y aura une nouvelle série l’an prochain.

You’ve got mail !

Nous sommes aujourd’hui en mesure de vous apporter la preuve irréfutable du fait que la site a des lecteurs : l’une d’entre eux nous a écrit. Voici le courrier reçu de la part de, heu, Dragibus, dirons-nous pour respecter son anonymat [ ;-)] qui revient sur de récentes publications du Village concernant la formation des scénaristes et le fameux Fonds d’aide à l’innovation, ainsi que sur les discussions qu’elles avaient provoquées que le forum du site.

« Je viens de visiter votre site, notamment les rubriques concernant l’échec des formations aux métiers de l’audiovisuel, et vos comptes-rendus sur les RITV. Fraîchement diplômée du CEEA, je trouve votre article sur l’école assez proche de la vérité : la formation et le recrutement des élèves sont de qualité, reste ensuite à chacun à composer entre les impératifs pécuniaires et l’envie de travailler sur des projets intéressants. Tout çadépend de l’âge, de la situation personnelle, professionnelle, financière,etc. de chacun. Etant d’accord avec ce que vous dites de la formation (vous semblez bien documentés), je n’en dirai pas plus (...).

Votre analyse concernant le fonds d’innovation est également juste : pour avoir moi-même proposé des projets, et avoir lu des projets proposés et acceptés ou refusés, il semblerait effectivement que jusque là les projets retenus soient des projets « barrés », certes innovants, qui parfois donnent envie, mais dont on ne voit pas comment ils pourraient à l’heure actuelle voir le jour sur une chaîne de télé en France. De fait, j’ai assisté récemment à une conférence sur ce fonds : 73% des projets l’ayant obtenu ont trouvé un producteur (ce qui signifie tout de même qu’un quart des lauréats n’y est toujours pas arrivé, malgré un ticket gagnant assez séduisant), et pour l’heure aucun, je dis bien aucun des projets n’est en cours de production chez un diffuseur. Certes les fonds est une aide récente, mais je partage tout à fait votre analyse : vouloir innover, c’est bien, mais ne retenir que les projets les plus barrés et infaisables va finir par jeter le discrédit sur cette aide, dont pourtant les auteurs ont bien besoin. A terme, elle risque donc d’être purement et simplement supprimée, parce qu’elle n’aura permis l’éclosion concrète d’aucun projet.
Vous semblez cependant dire que l’orientation du fonds est en train de changer, et que le CNC privilégie dorénavant les projets faisables. C’est une rumeur que j’ai entendu aussi, mais je dois dire que pour l’instant elle ne me semble pas encore tout à fait fondée. Lors de la dernière session (mars 2007), l’un des projets retenus faisait directement référence aux codes du jeu vidéo, et présentait sept ou huit personnages enfermés dans une maison, dont ils doivent sortir. Pour ce faire, des épreuves les attendent, et chacun, petit à petit, se voit attribuer un rôle rappelant les personnages-types des jeux de rôle. Le projet est passionnant (je l’ai lu, connais son auteur, et à titre personnel me réjouis qu’il ait obtenu l’aide), mais franchement, je ne vois pas à l’heure actuelle une chaîne française produire cette série.
J’ai lu un autre projet retenu (la bible, pas juste le pitch), il y a plus longtemps il est vrai, ce devait être il y a trois ou quatre sessions de cela. A la lecture de la bible, on distinguait des thèmes, ainsi que des auteurs talentueux, mais on ne voyait pas franchement où ils voulaient en venir, et ce qu’on verrait à l’écran si le projet se faisait. Il a pourtant obtenu l’aide.
Bref, le fonds doit changer d’orientation, et rapidement, mais est-ce que ça va réellement être le cas ? En tout état de cause, il repose sur la subjectivité des lecteurs des projets, à ce titre l’attribution restera toujours quelque peu mystérieuse, mais c’est la règle du jeu.
Par contre, vous semblez dire que les projets proposés sont peu aboutis. De
fait, c’est vrai, mais le fait est que le dossier ne doit pas dépasser les
quinze pages, par conséquent ce que l’on y propose est par définition peu
abouti, ce qui est une bonne chose, à quoi bon aller jusqu’à la rédaction de
scénarios complets pour des projets qui ne verront pas forcément le jour ?
Le CNC a justement pour vocation, après avoir attribué l’aide, de proposer
aux auteurs une certaine orientation pour leur projet, afin qu’ils demandent
ensuite l’aide au développement. Vous expliquez ça sur le forum, mais c’est
fondamental : le dossier du fonds d’aide à l’innovation doit se contenter de
donner des pistes sur l’intérêt du projet, sur son caractère innovant, sur
le talent de ses auteurs, et (et c’est là que le bât blesse) sur la
faisabilité du projet. Rien d’étonnant dont que la présentation des projets
se fasse d’une façon peu orthodoxe, puisqu’ils ne sont pas encore assez
aboutis. Par contre, je vous crois sur parole quant au caractère déjanté et
auteuriste dans le mauvais sens du terme de ce « Episodes » dont vous parlez sur
le podcast.
 »

Si vous souhaitez également réagir au contenu du site, n’hésitez pas à le faire part le biais du forum ou de notre adresse mail.

En direct du forum

En parlant du forum, les discussions en cours font suite à la diffusion récente des « Zygs » sur France 2, mais aussi à la diffusion de deux excellentes séries en ce printemps : la troisième saison de « Doctor Who » sur la BBC et la première de « Reporters » sur Canal +. N’hésitez pas à participer.

Post Scriptum

Pour réagir à la rubrique c’est ici.

Dernière mise à jour
le 28 août 2007 à 13h17

Notes

[1CALT - M6.
Créé par Christophe Fort ; Développement & scénario : Simon Astier, Christophe Fort, Alban Lenoir ; Réalisation : Stephan Kopecky , Bruno Solo, Simon Astier.

[2Une série créée par Tim Haines et Adrian Hodges

[3BB Films - France 2.
Scénario : Nicolas Mercier ; réalisation : Régis Musset