Accueil > Chroniques > Mais Pourquoi est-il si Méchant ? > Desperate Housewives, Désespérement Redondant
Mais Pourquoi est-il si Méchant ?
Desperate Housewives, Désespérement Redondant
lundi 7 février 2005, par
Vous avez forcément entendu parler des ménagères désespérées d’ABC. Battage médiatique sans précédent et bourrage de crane permanent ont fait qu’avant même d’en avoir vu le moindre épisode, vous êtes déjà sous le charme de cette série sexy, provocante, et intelligente.
Mais avez vous vraiment été aveuglés par cet écran de fumée ? Ne comprenez vous pas qu’on vous manipule depuis des mois ? Il est grand temps d’ouvrir les yeux sur cette série surestimée, et de vous rendre compte qu’il ne faut pas confondre "sexy" et "raccoleur", "provocant" (aujourd’hui) et "provocant" (il y a 10 ans), ou "intelligent" et "prétentieux".
En effet, à la fin de chaque épisode, après que la narratrice ait débité, de sa voix insupportablement sirupeuse, la banalité affligeante qui fait office de morale hebdomadaire, seule subsiste l’impression d’avoir été pris pour un con.
Les scénaristes prétentieux de Desperate Housewives peuvent vraiment remercier "La Psychologie de Supermarché, pour les Nuls", ouvrage qu’ils consultent avidement toutes les semaines pour trouver une nouvelle façon d’insulter l’intelligence de leurs téléspectateurs.
Avant qu’on dise que je vais trop loin, que je ne sais pas apprécier les qualités de la série, laissez moi applaudir la plus grande réussite de Desperate Housewives : son côté réaliste.
Car oui, la série offre une vision tout à fait réaliste de la petite communauté qu’elle dépeint, et de la vie des habitants de Wisteria Lane. Enfin, surtout du caractère répétitif et ennuyeux de leur vie. Comme la vraie vie, la série ronronne et nous offre, semaine après semaine, toujours les mêmes histoires ressassées à l’infini.
Dans de telles circonstances, un scénariste quelconque qui n’aurait pas tout prévu à l’avance aurait vu ses personnages perdre peu à peu leur âme, et sombrer dans la caricature, à force de répéter sans cesse les mêmes actions dans les mêmes situations. C’était sans compter sur le génie de Marc Cherry, créateur de Desperate Housewives, qui a eu la bonne idée d’écrire, dès le départ, des personnages caricaturaux et sans âme !
Prenons l’exemple de Susan. C’est la gaffeuse du groupe. Alors oui, au début, je l’avoue, c’est plutôt marrant de voir Susan se mettre dans le pétrin. Elle est rigolote quand elle s’enferme dehors (toute nue, c’est le côté raccoleur), se fait attaquer par un oiseau, passe à travers un plafond, et mille autres emmerdes diverses et variées... Mais au final, ça ne témoigne que d’une chose : il est plus facile d’écrire un pitre qu’un personnage doté d’une vraie personnalité.
Et pourtant... Susan est sans aucun doute la mieux écrite du lot. Parce que bon, après une demie saison, vous avez quelque chose à dire sur Lynnette à part que c’est une mère débordée ? Bah non, puisqu’on n’a eu le droit qu’à cette histoire, certes déclinée 12 fois, depuis le début de la saison. Aucun changement sur le fond, seule la forme est modifiée.
En parlant de forme, on en arrive à Gabrielle. Vous voyez, Gabi c’est la bombasse latina. En gros, ça veut dire que c’est une bombasse. Et qu’elle a un accent.
Loin de moi pourtant l’idée de réduire Gabi à cette caractéristique. Ce serait assassin, et profondément injuste envers les scénaristes qui se sont attachés à placer un message fort derrière son personnage : même les femmes objets ont des sentiments ! Ca les rend triste d’être traitées comme de simples trophés et d’être appréciées uniquement pour leur physique !
Evidemment... le message serait peut être un peu mieux passé si les producteurs de la série n’avaient pas fait d’Eva Longoria exactement ce qu’ils dénoncent, en la faisant se trimballer en petites tenues à longueur d’épisode, ou en robe de soirée et talons aiguilles, ou s’envoyer en l’air avec son jardinier, l’homme objet.
Saluons tout de même l’effort.
Vient enfin le cas complexe de Bree. Le personnage de Marcia Cross est peut être un tantinet caricatural, mais son côté psychorigide à l’avantage de la rendre bien plus intéressante que les trois autres.
Seulement voilà, Marcia Cross a beau être une excellente actrice, son personnage ne pourra jamais aller très loin tant que les scénaristes, paralysés par la peur, se sentiront obligés de lui faire faire machine arrière à chaque fois qu’elle subit la moindre évolution.
On en arrive justement au principal problème de la série : l’incapacité des scénaristes à surmonter leur peur, ce qui les empêche d’explorer de nouvelles intrigues et qui donne donc à la série son côté désespérement répétitif.
En premier lieu, on ne peut employer le terme "intrigue" que pour la moitié de ce qui a été écrit depuis le début de saison, tant la qualité de ces intrigues, et surtout leur intérêt, varient d’un épisode à l’autre.
En gros, la moyenne est de deux vraies intrigues pour deux intrigues bouche-trou par épisode. En général, ces "intrigues" se rejoignent à la fin, sur fond de musique dramatique et de banalités de la narratrice, pour former un tout, et nous permettent d’admirer le plus beau gimmick de la série : son incapacité à aller jusqu’au bout de ses idées.
Car oui, une scène choc en fin d’épisode, ça marque le téléspectateur, c’est bon pour l’image, et surtout c’est très, très pratique quand on n’est pas obligé de s’y tenir l’épisode suivant ! L’évolution (ou pas) de Bree en est un bon exemple, mais l’histoire du passeport rentre très bien aussi dans cette catégorie des "Moments forts qui ne mangent pas de pain puisqu’ils sont abandonnés la semaine suivante dans l’indifférence totale du fan béat".
Il arrive un moment où la plastique des actrices, et l’emballage soigné de la série ne suffisent plus à maintenir l’illusion. Les grosses ficelles apparaissent alors, et il devient impossible de ne pas voir les efforts vains de scénaristes cherchant à gagner du temps et à combler la maigreur d’une intrigue fil rouge non préparée, à grand renfort de rebondissements improvisés et d’intrigues qui s’étirent plus en longueur que la peau sur le visage de Nicolette Sheridan.