DECRYPTAGE — Plus beau le soap
Ou comment, avec un peu de patience, France 3 a créé un fleuron du genre
Par Sullivan Le Postec • 4 février 2007
Le succès phénoménal de « Plus belle la vie » ne doit rien au hasard, mais tout a une excellente base conceptuelle, rare en France, et à de vraies audaces. Tentative de décryptage.

Quand « Plus belle la vie » a débarqué sur France 3 à la rentrée 2004, il s’inscrivait dans la continuité d’autres tentatives de lancer un soap opera à la française (« Château Vallon », « Riviera », « Cap des Pins »). Jusque là, aucune n’avait fait long feu, le public n’ayant pas suivi devant le résultat franchement médiocre. Seule exception, et encore en nombre limité, les soaps conçus pour la jeunesse, qui pouvaient se targuer d’une certaine réussite soit artistique (« La vie devant nous »), soit commerciale (« Sous le soleil »). Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on ne donnait pas cher de la peau de la tentative portée par France 3.
Deux ans plus tard, « Plus belle la vie » est pourtant devenu un pivot de la grille de la chaîne, aux audiences très largement au dessus de sa part de marché moyenne, et inspire la concurrence lorsqu’elle s’attelle au chantier du day-time. Certains diront que France 3 a eu les gens à l’usure, il nous semble que la réalité est différente. Avec le temps, la série est simplement devenu l’une des meilleures de son genre, à l’échelle mondiale.

D’abord, il convient peut-être de circonscrire ce genre dont il est question. « Plus belle la vie » est un soap opera quotidien. Ses équivalents à l’étranger sont donc à chercher du coté des telenovellas sud-américaines, des soaps anglais à la « Coronation Street » (dont « PBLV » est assez proche), des soaps américains d’après-midi (« Les feux de l’amour »...). Les contraintes qui pèsent sur ce genre sont très fortes : il s’agit de produire un épisode quotidien, tout au long de l’année. Le soap ne se rediffuse jamais, il doit donc être rentabilisé en un unique passage - autrement dit ne pas coûter cher.

Une ambition ratée puis repensée

A son commencement, « Plus belle la vie » n’était certainement pas dénué d’ambition, celle-ci s’avérait même totalement démesurée : on souhaitait que la série s’inspire directement de la tradition française du cinéma d’auteur intimiste et naturaliste, et en produise une traduction télévisuelle quotidienne. Une approche initiale caractéristique de ce qui fait la rareté des téléfictions françaises digne d’intérêt : une méconnaissance totale des ressorts de la culture populaire et une incompréhension du medium télévision, partagée par bon nombre des acteurs du secteur : responsables de chaînes, scénaristes, réalisateurs, producteurs. Le résultat une fois mis à l’antenne, logiquement, s’avère sans intérêt. Les responsables de France 3 et les auteurs de la série réalisant finalement que la fiction intimiste et naturaliste nécessite une rigueur et une précision dans l’écriture telle qu’elle ne constitue pas un objectif réaliste quand il faut écrire et tourner deux heures utiles chaque semaine. En pratique, les premiers épisodes de « Plus belle la vie » font le plein de vide, de non-situations, de non-construction dramaturgique. Et comme le temps manque pour un travail de précision, les personnages dépeints ne viennent en rien relever le niveau général : ils s’avèrent, pour la plupart, des vignettes aux ressorts psychologiques limités.
L’audience est des plus faible, autour de un million et demi de téléspectateurs, et il ne faut pas longtemps avant que l’on commence à annoncer la mort prochaine du soap. Pourtant, et c’est peut-être là la principale différence avec les précédents en matière de soaps français, France 3 s’accroche, décidant d’un remaniement de l’équipe artistique. Trois mois après le lancement à l’antenne, elle place Olivier Szulzynger à la direction littéraire de la série. Sous son impulsion, « Plus belle la vie » va progressivement se transformer : Szulzynger connaît et assume parfaitement le genre dans lequel il s’inscrit. Il augmente donc considérablement le niveau dramatique de la série, sans toutefois céder au travers du grand n’importe quoi dans lequel les américains se complaisent régulièrement en matière de daytime soap. La série s’anime alors autour de classiques du genre : meurtres, liaisons, trahisons, vengeances, et accidents de voiture. Elle n’est sans doute pas originale, mais c’est justement que ses concepteurs ont assimilé qu’un soap quotidien n’a pas vocation à l’être. Il se doit d’abord d’être efficace. Et à mesure que « PBLV » gagne en efficacité et commence à se suivre comme une bonne série B, un divertissement honnête, l’audience grimpe inexorablement. Jusqu’à atteindre des sommets que personne n’avait anticipés.
Bien sûr, il y aura quelques fautes de goût et la frontière de la crédibilité sera franchie allègrement à quelques reprises. On se souvient notamment de l’épidémie de Marburg frappant le quartier du Mistral et forçant à sa mise en quarantaine. A l’image, deux barrières de kermesse mollement surveillées par un gendarme, un ou deux figurants en costume anti-contamination se baladant occasionnellement en arrière plan, avant qu’on en vienne à un délire intégral de personnages entrant et sortant continuellement du quartier en quarantaine par le biais de passages secrets tandis qu’à peu près tout le monde guérira finalement miraculeusement ! Quelques temps plus tard, les scènes de possession de Lucas par le fantôme d’une jeune femme assassinée des années plus tôt vaudront leur pesant de cacahuètes.
Globalement, on note cependant ces derniers mois que la série tend à s’écarter un peu de ce genre de grandiloquence pour tenter de passionner son public par des biais diablement plus intéressants.

Une mécanique très précise

Un épisode de « Plus belle la vie » compte 22 minutes - une durée légèrement allongée en 2006. 22 minutes utiles à écrire, produire et réaliser chaque jour, tout en gérant correctement le roulement des personnages et le suivi des intrigues au fil des mois. Le soap de France 3 tourne environ 16 minutes en studio, auxquelles s’ajoutent 6 minutes d’extérieurs pour composer un épisode. Ces deux tournages sont menés en parallèle par deux réalisateurs différents (le tournage en extérieur consommant toujours beaucoup plus de temps). Pour minimiser ces extérieurs, plusieurs rues du quartier fictif du Mistral ont été reconstituées en studio dans un décors plutôt réussi et très bien éclairé si l’on compare à la moyenne des séries quotidiennes de journée.
Mais la principale originalité de la série par rapport au reste de la production française reste le soin apporté au scénario et, surtout, à sa structure. Un épisode de « Plus belle la vie » répond en effet à une mécanique précise, pensée pour son efficacité, qui n’est pas sans rappeler l’écriture des fictions télévisées américaines.
Chaque segment est partagé entre trois histoires, A, B et C. Les deux premières sont des trames « à suivre » qui font l’objet d’un rappel des épisodes précédents dans la séquence pré générique. Ce previously s’accompagne par ailleurs de l’apparition en incrustation du noms des principaux protagonistes de l’épisode à venir, un moyen de faciliter la prise en cours à tout moment de la série.
L’histoire A est la trame dramatique principale du moment. Celle dans laquelle les enjeux sont les plus forts et, parfois, quelque peu rocambolesques. Ces histoires se succèdent dans la série, généralement au rythme d’une tous les deux à trois mois et occupent systématiquement les épisodes (il n’y en a pas dans lesquels l’intrigue principale du moment n’est pas évoquée). Les auteurs de la série veillent à faire tourner les personnages au centre de ces intrigues, de ce fait la série a parfaitement réussi à ne starifier aucun personnage au dépend des autres (ce qui se révèle aussi un très bon calcul économique, un acteur vedette ne tardant généralement pas à réclamer un plus gros cachet pour rester dans une série). Bien des histoires A ont pour point de départ un meurtre, mais elles peuvent - parfois - prendre un tour inattendu, surtout ces derniers temps. Un défaut manifeste et persistant de la série à nos yeux est de faire constamment reposer ces intrigues sur un personnage extérieur, un guest de passage pour un trimestre. Pour l’instant, les scénaristes ne semblent pas vouloir, ou pouvoir, lancer une story A qui ne fasse appel qu’à des personnages de la distribution permanente (ce que maîtrisent en revanche bien mieux les Américains). A la longue, cet apport constant des enjeux et des conflits par l’extérieur est à la fois un peu redondant (voir par exemple, même si l’effet était peut-être un peu voulu, les personnages de Marc et d’Aude, qui séparent le couple de Rudy et Ninon à quelque mois d’intervalle et se révèlent à chaque fois les principaux suspects d’une mort survenue à Marseille) et surtout ultra-prévisible, ce qui accentue le sentiment de répétitivité de ces intrigues. Il faut signaler à la décharge des scénaristes que l’ancrage des personnages principaux dans une certaine réalité quotidienne rend plus compliqué la mise au point de ces histoires à enjeux, en opposition aux personnages de soaps américains millionnaires qui s’attaquent à coup d’OPA agressives. On invitera tout de même les auteurs à jeter un oeil à leurs classiques pour vérifier qu’enjeu n’est pas systématiquement égal à mort violente.
Un autre défaut de cette structure est qu’il oblige les scénaristes à repartir à zéro très régulièrement. Tous les deux ou trois mois, il faut introduire de nouveaux guests qui animeront la nouvelle intrigue principale en les présentant au spectateur et en les intégrant au groupe des personnages réguliers. Il faut de même mettre en place les enjeux, poser un événement déclencheur. Même si les auteurs tentent d’adoucir le processus en introduisant souvent les premiers éléments de la future Story A comme une histoire B à quelques épisodes de la fin de l’ancienne intrigue principale, le processus est régulièrement un peu poussif. Ce le fut particulièrement tout récemment, début novembre 2006, lors de la mise en place laborieuse de l’intrigue du vrai-faux retour de la mère de Nathan et de la maladie d’Estelle. Il fallut en effet des semaines avant que l’on comprenne de quoi il était question et en quoi ces deux éléments étaient liés, si bien que la série paraissait même écrire des épisodes à quatre intrigues plutôt que trois. Mais, pour l’instant, ce défaut, plus ou moins prononcé et gênant suivant les intrigues, est largement compensé par les immenses avantages de ce système. Point question, en effet, d’intrigues interminables qui se prolongent des années durant, comme dans bien des soaps américains. Et donc, pas de risque qu’un téléspectateur se sente tellement largué qu’il préfère arrêter de regarder, ou bien qu’à tirer sur la corde pendant des mois et des mois, les histoires finissent par ne plus ressembler à rien (ce qui n’est déjà pas si facile à éviter sur un trimestre, les Mercoeur l’ont montré à l’été 2006).
Les histoires B, moins dramatiques, sont également des arcs feuilletonnants, quoique sur une durée plus courte et sur un mode plus flexible - c’est à dire qu’à un moment donné, plusieurs histoires B sont en cours et alternent d’un épisode à l’autre. Elles se situent au plus prêt du quotidien des personnages : amours et amourettes, ruptures, triangle amoureux, travail. Mais périodiquement, elles pourront proposer des arches narratives diablement plus originales et brosser des personnages aux contours très réussi (Jules, Nathan, Renaud...). Ces intrigues servent en effet les personnages en étant écrites autour d’eux, à contrario des histoires principales qui les « utilisent » plus volontiers pour faire monter les enjeux.
Enfin, l’histoire C est généralement circonscrite à un épisode (même si, bien sûr, elle peut faire intervenir des éléments de récurrence ou de continuité et se hisser au niveau de “presque story B”). Elle constitue une vraie originalité formelle dans le monde des soaps quotidiens. Grâce à elle, le téléspectateur qui regarderait un unique épisode n’aura pas l’impression de n’avoir regardé qu’un morceau détaché d’un ensemble, sans début ni fin. Concrètement, ces scènes sont aussi très souvent des respirations au sein des épisodes. Le plus souvent, elles sont légères voire comique. Quand un épisode est déjà léger, elles peuvent alors se montrer un peu plus sombre. Elles font intervenir deux ou trois personnages dans des histoires d’apparence souvent anecdotiques mais qui, bien faites, peuvent approfondir beaucoup une caractérisation. C’était, d’ailleurs, le parti-pris que développait sur l’intégralité de ses épisodes l’excellent « Age Sensible » il y a quelques années sur France 2.
Un autre élément fixe de la structure commune à chaque épisode est le cliffhanger final, lié à la story A, devenu systématique, et dont on cherche à gonfler l’ampleur dramatique le vendredi soir. Là encore, la mécanique du suspense de la série est très précise. A vrai dire, elle est même, sur ce point particulier, trop précise. Chaque cliffhanger s’accompagne en effet d’un double gimmick, l’un de réalisation - un travelling ou zoom avant sur le visage du personnage qui prononce la réplique finale - l’autre d’illustration sonore - le caractère tendu du moment étant poussivement souligné par un thème musical. Le procédé fonctionne quelque fois, mais s’avère très régulièrement d’une lourdeur confinant au ridicule, surtout quand les situations mises en scènes sont un peu limites. Un peu comme un romancier qui ne maîtriserait qu’une figure de style, ou un acteur une seule expression du visage. Il serait temps de veiller à adapter la mise en scène des cliffhangers à leur tonalité. Là aussi, il semble que ce recours abusif au gimmick diminue ces dernières semaines.
Enfin, un autre élément structurel de la série participe, et de manière forte, à ce qu’elle tranche vis à vis de ses équivalents internationaux, et plus encore de ses précédents français : le soin particulier apporté à composer un ensemble de personnages hétéroclite, multi-culturel, se jouant parfois avec intelligence des clichés.

Une fiction sociale et politique

Sans plus chercher à tenter l’intimisme naturaliste, « Plus belle la vie » s’est en effet, au fil des mois, attachée à donner corps à la réalité sociale et politique de la société qu’elle dépeint. La série s’aventure ainsi sur des contrés quasiment inédites pour la fiction française. Celle-ci s’est en effet spécialisée dans la mise en scène d’une société virtuelle, sans aspérités et sans débat. Le héros récurrent citoyen est cloné sur un moule tout en rondeur : blanc, d’héritage judéo chrétien mais pas religieux, doté d’un sens aigu de la moralité, souvent père ou mère célibataire mais l’assumant très bien... Il faut chercher fort pour trouver une fiction qui fasse écho à l’actualité, ou même simplement à la réalité sociale d’un pays en crise. De fait quand une fiction s’approche, même fortuitement, ne serait-ce qu’un peu trop près d’un événement d’actualité, elle est déprogrammée (voir l’épisode de « PJ » mettant en scène des incidents liés à la religion). La seule exception concerne la fiction à valeur historique, où il est autorisé de mêler un certain réalisme social à la narration. Par petites touches, « Plus belle la vie » va progressivement s’affranchir de ces règles.
Le plus notable des arcs inscrit dans cet optique est bien sûr celui centré sur le politicien Picmal. Un an avant les scrutins du printemps 2007, la série introduit ce personnage d’homme politique de droite, faisant partie de la Mairie de Marseille et qui souhaite présider le Conseil Général. Au fil des épisodes, elle le dépeint en démagogue averti, qui base toute sa campagne sur le thème de l’insécurité, flattant les peurs des gens et leurs instincts les plus bas pour mieux mener les débats. On le voit par ailleurs instrumentaliser les médias locaux pour sa campagne, quitte à manipuler le patron du bar du quartier pour qu’ils apparaissent en photo ensemble dans l’édition du lendemain du quotidien Marseillais. Les personnages de la série se divisent rapidement entre les pour et les contre, se teintant donc d’une couleur politique. Bientôt, Picmal déclenche même une vaste polémique pour avoir qualifié face caméra un jeune beur de ‘‘parasite’’. En réaction, et devant la faiblesse des forces de gauche face à Picmal, Blanche Marci, institutrice, décide de se déclarer candidate. On la verra donc bientôt gérer sa campagne « à la Ségolène mais avec un coté Arlette », comme le dira un personnage sur un ton flatteur. Une campagne difficile où elle aura le plus grand mal à résister à la démagogie de son adversaire, accusée souvent d’être inconsciente de la réalité de la vie des habitants du quartier, de faire preuve d’angélisme et de faiblesse.
Ceci semblera peut-être anodin, c’est pourtant simplement du jamais vu à la télé française, même si la portée de l’histoire sera un peu amoindrie par sa résolution (alors qu’il allait être élu, Picmal sera révélé comme coupable de plusieurs meurtres). Blanche abandonne de son coté la politique dans un processus de retour à la normale un peu trop systématique et convenu, qui prend place à la fin de chaque histoire principale.
En parallèle, d’autres arcs, souvent des histoires B partageant un certain esprit, se développent. Celui de la découverte par Nathan, le jeune ado éternel puceau aux origines Juives, de la religion Catholique par le biais d’une jeune fille de son âge, et la réaction de sa Tante Rachel, la doyenne du quartier qui voue une haine absolue à toutes les religions depuis les pertes subies dans les Camps. Celui des tentatives de Nicolas et Thomas pour devenir (homo)parents. Celui du personnage de Renaud, touchant jeune homme fragile et abîmé, dont Lucas tirera avantage des Troubles Obsessionnels Compulsifs et autres bizarreries en le filmant à son insu, un arc qui se mêlera bientôt à un autre sur le débat entre la médecine scientifique occidentale et les ‘médecines douces’. Celui, encore, de la mise en avant de la guerre d’Algérie, présente dans le passé de plusieurs personnages, au moment où l’on discutait dans les journeaux diffusés à la même heure sur les autres chaînes, du supposé « rôle positif » de la colonisation. Celui, enfin, tout récent et pas le moins intéressant, de Jules, un adolescent noir qui vit très mal la mort « accidentelle » de sa mère (dans laquelle il voit un acte de racisme), et encore plus le rapprochement de son père avec une autre femme (blanche - c’est d’ailleurs son prénom) et qui flirte en réponse avec un islamisme extrémiste.
Une telle thématique et un tel personnage représentent sans aucun doute une tentative risquée. Mais, et ce n’est pas la moindre réussite de la série, c’est un risque qu’elle peut se permettre car elle fait désormais montre d’une vraie capacité à créer des personnages assez complexes, multidimensionnels, dotés de failles, mais attachants. C’est-à-dire la mission initiale de la série, sur laquelle elle avait totalement échoué dans ses premiers épisodes. La nouvelle approche, qui consiste à les brosser par petites touches en parallèle d’intrigues aux enjeux forts, s’avère en effet réaliste par rapport aux conditions d’écriture et de tournage de la série, et donc concluante.
Un autre cas pourra illustrer notre propos : celui de l’intégration du personnage de Thomas, le fils gay du tenancier du bar du quartier. Il représentait l’arrivée du thème de l’homosexualité dans la série et c’était alors clairement l’aspect le plus mis en avant dans sa caractérisation et sa mise en images (habillement rose, etc.). Mais, au fil de son intégration à la série et à ses intrigues, le personnage se trouve utilisé dans toutes ses dimensions (et non plus seulement celle de l’homo) dans des intrigues ne faisant pas systématiquement référence à sa sexualité. Le parcours du personnage à l’image est à la fois ancré dans la réalité du vécu des personnes (phase de déni, coming out, phase de mise en avant, puis intégration progressive de l’homosexualité comme une composante parmi d’autre d’une personnalité) et très révélatrice du traitement adopté pour le développement des personnages de la série. Le scénariste expose d’abord une caractéristique, voire un cliché, puis construit autour, au fil du temps, une personnalité de plus en plus multi-dimensionelle et intéressante.
Au travers de cette évolution du traitement des personnages depuis le début de la série, on illustre bien ce qui fera l’objet d’un prochain article sur « Plus belle la vie » : le soap quotidien est aussi indéniablement devenu un véritable centre de formation grandeur nature pour scénaristes, réalisateurs et comédiens.

En l’état, il ne faut qu’un peu d’objectivité pour constater que « Plus belle la vie » s’est imposée ces derniers mois comme l’une des meilleures séries de son genre. Cela ne signifie pas que la série ne peut pas encore s’améliorer - ce qui est intéressant - mais la comparaison avec les daytime soaps américains est déjà impressionnante. Le rythme, les dialogues, les histoires, la réalisation, la lumière et même beaucoup des comédiens de « Plus belle la vie » sont aujourd’hui de loin meilleurs. Et ce n’est pas rien qu’une production française soit parvenue à surpasser le résultat d’une industrie puissante qui produit ce genre de séries depuis un demi siècle. Il ne reste maintenant plus qu’à espérer que cette réussite saura se répandre aux autres genres de la fiction télévisuelle.
Et que cela ne prendra pas cinquante ans.

Post Scriptum

La partie Critiques du site vous propose en complément de cet article un point de vue sur les trois épisodes spéciaux de la série programmés en prime-time fin décembre 2006. A lire ici.
A lire également, un grand entretien avec Olivier Szulzynger, dans lequel il raconte les origines de la série.