FAIS PAS CI, FAIS PAS ÇA — Saison 4, épisodes 1 à 3
Ça se bouscule chez les voisins
Par Nicolas Robert • 13 novembre 2011
Cette année, ça bouge chez les Bouley et les Lepic. Et c’est ce qui donne du carburant aux huit épisodes à découvrir dans la comédie familiale de France 2 dès le 16 novembre. Plus que jamais, la série porte en elle les forces (et les faiblesses) de la fiction française moderne. Décryptage.

C’est le genre de maximes qu’on pourrait lire dans un bouquin pour noctambules de la TNT, « Le petit Bruel illustré ». Un précepte qui dirait “Il faut savoir redistribuer les cartes quand on veut mieux jouer avec un carré d’as”. Mais ici, pas question de poker : on parle de comédie télévisée. Et cette phrase, c’est le leitmotiv qui semble avoir guidé l’équipe de scénaristes ayant travaillé sur les nouveaux épisodes de « Fais Pas Ci Fais Pas Ça ».

Objectif : évoluer en restant cohérent

Toujours emmenée par le très efficace quatuor Isabelle Gélinas-Bruno Salomone / Valérie Bonneton-Guillaume de Tonquedec, la série produite par Elephant Story revient en effet sur nos écrans en bousculant les rôles attribués à chacun. Le but : insuffler une nouvelle dynamique à un ensemble qui s’appuie sur de solides bases... et qui a l’habitude d’être régulièrement secoué.

Si vous ne vous en souvenez pas, on va vous rafraîchir la mémoire : la vie de la comédie familiale de France 2 a longtemps ressemblé à une partie incertaine. La saison un ? Saluée par les critiques mais pas vraiment suivie par le public en avant-soirée. La deux ? Propulsée — à la surprise générale — à 20h45, mais avec une histoire qui part dans tous les sens. La trois, quant à elle, était marquée une jolie reprise en main narrative : l’opposition de styles des deux familles vedettes (les Bouley et les Lepic) remettait alors au goût du jour ses personnages finement définis, portés par une interprétation et une écriture soignée. Le tout évitant plutôt bien le caractère exagéré de (trop) nombreuses productions françaises (Le Village en a déjà parlé : ça se passait là).

Le challenge de cette saison 4, toujours pilotée par Chloé Marçais côté écriture, est donc évident : montrer que « Fais Pas Ci Fais Pas Ca » peut désormais s’appuyer sur ses points forts tout en faisant évoluer ses personnages. Histoire de développer un vrai projet de comédie française dans la durée. Et d’asseoir définitivement son succès.

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Du mouvement et des points forts

Dans cette logique, la bonne idée de ces nouveaux épisodes ne vient pas forcément dans l’arrivée d’une nouvelle famille de voisins (les Lenoir – incarnés par Anthony Kavanagh et Frédérique Bel), puisque l’on ne sait pas vraiment ce qu’elle va apporter sur l’ensemble de la saison... Non, la bonne trouvaille est plutôt dans l’évolution des rôles au sein des couples vedettes. Ceux qui étaient rattachés au foyer (Denis Boulay et Fabienne Lepic) voient effectivement leur vie professionnelle prendre un nouveau tournant, ce qui n’est pas sans incidence dans leur famille respective.

Si le procédé n’est pas inédit, il n’en demeure pas moins efficace dans son exploitation : il permet d’explorer les thèmes clefs de la série (la scolarité d’un fils, la vie sentimentale et sexuelle d’une fille) dans un contexte mouvant... et ça marche bien.
Tout au long des trois premiers épisodes, le rythme, l’énergie et la fraîcheur qui font l’intérêt de « FPC² » s’en retrouvent préservés : Valérie Bonneton et Bruno Salomone en profitent pour démontrer une nouvelle fois la qualité de leur jeu d’acteur... et Isabelle Gélinas et Guillaume de Tonquedec ne sont pas en reste, alors qu’ils doivent composer avec des enfants plus que jamais présents dans le récit.

Aller vite... mais pas trop

La série n’a cependant pas encore réglé quelques problèmes récurrents : par à-coups, certaines situations sont maladroitement exploitées ou tombent à plat... En fait, c’est en regardant « Fais Pas Ci Fais Pas Ça » que l’on constate l’extrême fragilité de ce sur quoi repose une comédie réussie. Si une histoire est bien menée, avec une progression narrative limpide et une conclusion cohérente, elle fonctionne impeccablement. Elle fonctionne d’autant mieux qu’elle s’appuie sur la caractérisation des personnages et le respect des paradoxes qui font leur personnalité. Exemple : quand Valérie Boulay veut soutenir son mari dans son projet professionnel mais qu’elle doit composer avec sa jalousie, ça marche.
Si, en revanche, une intrigue joue sur la facilité, le seul décalage des caractères, sans viser autre chose que l’éclat de rire, l’ombre du flop plane dangereusement. Ainsi, lancer Fabienne Lepic dans une croisade contre les crottes de chien pas une mauvaise idée... mais lâcher l’intrigue au deux -tiers de l’épisode en bâclant sa conclusion n’est pas très heureux. Quand bien même cela permet de bifurquer vers une autre histoire.

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Un plaisir à ne pas bouder

Regarder « Fais Pas Ci Fais Pas Ça », en définitive, c’est avoir une assez bonne idée de ce qu’est la fiction française des années 2010. Cela permet surtout de voir d’où l’on vient... et où on semble aller. Le genre gagne progressivement en justesse et en subtilité (dans son écriture comme dans sa mise en forme), mais il manque encore un peu de maîtrise pour parfaitement emporter le public. La faute à quelques facilités, à des maladresses, qui font parfois tendre vers une scène, vers un effet, en oubliant ce que l’Américain Aaron Sorkin appelle « l’autel des intentions et des obstacles »...

Pour autant, on ne jouera pas (trop) les fines bouches. On aurait d’ailleurs tort de le faire : ce serait se priver du plaisir à profiter d’une série capable de stimuler l’attention de façon intelligente. Ce serait surtout passer à côté d’une fiction attachante, que l’on a plaisir à regarder. Et cela parce que ça reste bien fait. Pas simplement parce que c’est français.


A lire aussi, notre interview avec Bruno Salomone (Denis Bouley) :
‘‘Fais pas ci, Fais pas ça n’est pas débilisante’’

Post Scriptum

« Fais pas ci, Fais pas ça »
Eléphant Story / France Télévisions.
Créé par Anne Giafferi et Thierry Bizot.
Saison 4. 8 épisodes de 52 mn.
Directrice de collection : Chloé Marçais.
Auteurs : Chloé Marçais, Yann Le Nivet, Gaelle Baron, Manon Dillys, Élodie Monlibert, Quoc Dang Trang, Hélène Le Gal.
Réalisé par Laurent Dussaux et Gabriel Julien-Laferrière.

A partir du mercredi 16 novembre sur France 2 (deux épisodes par soirée).