AVANT-PREMIERE — Rani, épisodes 1 à 3
Le vent de l’aventure souffle sur France 2 pour les fêtes...
Par Nicolas Robert • 16 décembre 2011
Pour les fêtes de fin d’années, France 2 fait le pari de l’aventure hyper-romanesque et en costume, située à l’autre bout du monde. Est-il raté ou réussi ?

Plonger dans l’Inde du XVIIIe siècle avec Mylène Jampanoï, Jean-Hugues Anglade (« Braquo »), Lio ou encore Doudou Masta (La « Commune », « Les Beaux Mecs »). Proposer une série d’aventures moderne, et tournée en décors naturels. Le pari de France 2 pour la fin d’année est plutôt ambitieux. Il se heurte pourtant à des écueils très français dans ses trois premiers épisodes.

« Rani », un pari ? Quand on écoute Alain Clert évoquer ce projet, on se dit que c’est tout à fait ça (lire notre entretien avec le producteur : ‘‘La situation de la fiction télé française ? C’est pathétique !’’). Du côté France 2, on a l’habitude de proposer des séries d’époque depuis un petit moment déjà. Généralement, c’est en été. Et le plus souvent, ça se passe chez nous. Cette fois, en s’associant à Jean Van Hamme et au réalisateur Arnaud Sélignac, le producteur français a voulu renouveler un genre dont les codes sont connus des téléspectateurs mais qui n’est pas toujours épargné par la critique. En cause la plupart du temps, ces créations ont un canevas narratif plutôt répétitif avec des gentils qui ont du caractère, des méchants dotés d’une psychologie limitée et une ou plusieurs romances au milieu.

Vitesse ?... Précipitation plutôt

Cette fois, « Rani » raconte la vie de Jolane de Valcourt (Jampanoï), fille illégitime d’un notable de Dordogne et victime d’une machination ourdie par son demi-frère Philippe (Anglade), lequel veut récupérer l’héritage de leur père. Obligée de fuir, elle va se retrouver en Inde où elle devra se battre pour arracher et conserver sa liberté.

Sur le papier, c’est plutôt classique et ça pourrait rappeler à un Angélique 2.0. Les prémices, eux, font penser, dans l’esprit, à ceux de « Gladiator » de Ridley Scott puisque la trajectoire de Philippe de Valcourt n’est pas sans suggérer celle de Commode, joué par Joaquin Phoenix. Sauf que le traitement des personnages s’avère, dans le premier épisode, nettement moins probant.

Écrire un épisode inaugural est un exercice délicat parce qu’il impose de trouver un équilibre entre l’exposition d’éléments fondateurs (provoquant tout le récit) et la présentation des traits de caractère des héros. Pour que l’on comprennent qui ils sont, ce qu’ils veulent, quels sont leurs dilemmes. Si le premier épisode de Rani enchaîne les séquences à grande vitesse, il peine considérablement à installer ses personnages principaux. Un peu comme si l’on avait confondu vitesse et précipitation.

Psychologique et psychologie

Avec cette série, on est dans le récit d’aventures, on refuse de tomber dans le psychologique”, a-t-on entendu lors de la projection en avant-première des trois premiers épisodes. Soit. Pourquoi pas, en effet. « Rani » n’est pas « Gladiator » ? Tant pis... et même tant mieux, si elle propose un ensemble cohérent, et si son récit échevelé donne à voir des héros attachants. Sauf que Jolane n’arrive pas vraiment à embarquer le public dans le tourbillon qui l’emporte : elle subit les choses sans jamais vraiment partager ce qu’elle ressent avec le téléspectateur.

Du coup, ce n’est pas le psychologique que l’on refuse, c’est le minimum vital de psychologie. Il ne suffit pas de présenter son héroïne comme bisexuelle pour en faire un personnage moderne ancré dans un récit d’époque où la libération sexuelle n’est pas d’actualité. Il faut justement opposer avec subtilité ces deux données contradictoires. Un peu comme l’a fait Matthew Weiner avec le personnage de Peggy dans « Mad Men ». Encore une fois, il ne s’agit pas de se méprendre : je ne suis pas allé voir « Rani » en espérant découvrir une série à la « Mad Men ». Je venais voir une fiction moderne qui soigne l’interaction entre ses héros pour ne pas tomber dans la maladresse et les paris qui tombent à plat. Et l’épisode un, étranglé par la multiplicité des enjeux et des impératifs, n’y parvient pas.

Après, l’épisode un...

Ce constat est parfois agaçant (le personnage de Philippe de Valcourt a des réactions régulièrement caricaturales), parfois plus que déprimant (lorsque Jolane demande à son amant la date du jour, que ce dernier répond “le 8 mars” et que la jeune femme glisse dans un soupir “Je suis devenue une femme”...). Et c’est une déception.

Par chance, la suite s’avère un peu plus solide. Plus précisément, le caractère de Jolane se développe de manière moins bancale, même si on n’évite pas certaines facilités balourdes. Le troisième épisode rappelle agréablement l’univers d’« Angélique marquise des anges » mais s’appuie sur une galerie de caractères un poil plus travaillés. Et c’est ce qui fait qu’il passe vite, parce que le récit reste nerveux.

Au final, s’il vous faudra attendre encore pour savoir pourquoi la série s’appelle « Rani », et s’il faudra aussi attendre pour savoir ce que donne vraiment à voir cette fiction (on ne sait jamais), le pari n’est pas gagné pour l’instant...


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Post Scriptum

« Rani »
8x52’ - 2011 - Une production Son & Lumière, France Télévisions et Arte France.
Écrit par Jean Van Hamme
Réalisé par Arnaud Sélignac
Avec Mylène Jampanoï, Jean-Hugues Anglade, Yaël Abecassis, Doudou Masta, Olivier Sitruk, Gabriella Wright

Diffusion sur France 2 à partir du 14 décembre à 20h35.