SIGNATURE
La nouvelle série signée Hadmar et Herpoux
Par Sullivan Le Postec • 20 avril 2011
Le Village a vu la prochaine mini-série de Hervé Hadmar et Marc Herpoux, six épisodes de 52’ diffusés à partir du vendredi 22 avril (deux épisodes par semaine)

Cela fait un moment que l’on vous parle de « Signature », qui s’est tournée l’été dernier à la Réunion. Au fil des mois, on vous a parlé de ses bandes annonces, de sa première affiche promotionnelle, alléché par des images intrigante et par le nom de ses deux créateurs, Hervé Hadmar et Marc Herpoux, qui nous ont déjà offert « Les Oubliées » et « Pigalle la nuit ». Et maintenant, on l’a vue.

On a évoqué ce sentiment plusieurs fois au Village, cela fait partie des sujets sur lesquels on radote un peu. Il y a comme ça des séries qu’on attend avec impatience. Et un instant d’angoisse nous prend au moment de découvrir les épisodes. Est-ce que le résultat sera à la hauteur de nos espérances ? On l’a ressenti face à la seconde saison de « Reporters », face à « Pigalle la nuit » justement, ou récemment face aux « Beaux Mecs ».
Je ne vais pas y aller par quatre chemins, d’autant que ce n’est pas spécialement facile à écrire. Voilà, c’est arrivé ! Il est arrivé le jour où, au moment où les lumières se sont rallumées, j’étais super déçu.

Il faut remettre les choses en contexte : après « Les Oubliées » et « Pigalle », la barre de nos attentes était placée haut. C’est leur force et c’est peut-être aussi leur malédiction, aujourd’hui on attend du duo aux deux H vachement plus qu’une sorte de ‘‘mouais, c’est pas mal’’.

Autrement dit, « Signature » a des qualités qui ne sont pas du tout négligeables. Les images sont magnifiques. La Réunion est sublimée de la première à la dernière image de la série. Quelque part l’Outre-mer est un peu lavée de l’affront, de l’indignité et du sommet de condescendance qu’avait été le tournage de « Baie des Flamboyants » en Guadeloupe.
Les quatre acteurs principaux sont excellents, visiblement investis. Il y a beaucoup plus de souci avec certains acteurs locaux dans des petits rôles, et en même temps ces deux ou trois courtes performances approximatives ont un certain charme. Techniquement, en terme de mise en scène et de photographie, on se trouve loin au-dessus des standards de la télévision française. Comme d’habitude, Eric Demarsan compose une musique sublime, qui participe pleinement à la création de l’Univers de la série. On retrouve la signature d’Hardmar et Herpoux, leur travail sur l’atmosphère, la touche contemplativo-onirique qui est la leur depuis « Les Oubliées ». A la limite, peut-être qu’on la retrouve un peu trop. Les figures récurrentes sont très nombreuses. Où est la limite entre la construction d’un Univers créatif personnel (même s’il est celui d’un duo) et la redite ? La question n’a pas vraiment de réponse, aussi parce qu’il y a probablement autant de réponses que de téléspectateurs.

Il y aussi quelques très bonnes idées à l’oeuvre : le parrallèle entre la nature volcanique de l’île et le personnage de Toman et ses éruptions de violence, la manière dont la série parle de la violence des lieux, à l’envers des clichés de carte portale, ou encore le travail mené sur l’animalité du personnage principal — même si celui-ci est poussé au-delà du ridicule dans l’avant-dernier épisode.

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Hermétisme

Reste que pour moi, l’Univers de « Signature » s’est révélé totalement hermétique. Là où le Pilote de « Pigalle » m’avait laissé avec une brûlante envie d’encore, envie de prolonger mon immersion dans cette version sublimée, entre mythe et réalité du quartier, les deux premiers épisodes de « Signature » ne m’ont pas touché en profondeur, et n’ont provoqué qu’une vague curiosité. Malheureusement, ça se gâte plutôt après les deux premiers épisodes.
Hervé Hadmar et Marc Herpoux explorent à nouveau une approche qui tient du conte. Mais mon sentiment a été que ce fond qui parcoure la mini-série n’a jamais réussi à former un ensemble cohérent avec la forme, c’est-à-dire le réalisme viscéral de la manière de filmer d’Hervé Hadmar. Le même mélange avait pourtant fonctionné dans « Pigalle », mais le quartier parisien a un coté bigger than life, quasi-factice, une mythologie si présente, qu’il se prêtait particulièrement bien à l’exercice.

Le rythme est lent. Comme contrairement à « Pigalle » je ne suis pas rentré dans l’atmosphère de la série, il était même très, très lent. Il faut dire qu’il ne se passe vraiment pas grand-chose. En vérité, et contrairement à « Pigalle », j’ai eu l’impression que tout cela ne racontait pas grand-chose. Souvent, j’ai eu l’impression qu’il y avait là de bonnes bases pour un unitaire de 120 minutes. Peut-être un 2x90’. Mais le résultat donne le sentiment que pour arriver aux six épisodes de 52’, il a fallu beaucoup délayer.
Aussi symptomatique de cette lenteur que difficilement compréhensible, le fait que les deux acteurs principaux de la série, Sami Bouajila dans le rôle de Toman et Sandrine Bonnaire dans celui de Daphné ne font que se croiser brièvement dans le premier épisode. En fait, il faut attendre le milieu du deuxième pour qu’une relation commence à s’installe entre eux ! [1]

Toman est un personnage intrigant, assez fascinant. Mais la fascination et l’empathie, ce n’est pas exactement la même chose. Daphné, elle est froide, agressive, fermée aux autres et inatteignable pour le spectateur que je suis. Le fait qu’elle soit à quelques reprises amenée à se comporter de manière complètement stupide (en acceptant de revoir et de payer un homme qui l’agresse physiquement, notamment) n’arrange pas les choses.
Au final, je me suis retrouvé à me raccrocher comme à une bouée au flic incarné par Jan Hammenecker, Justin, celui qui traque l’assassin et qui condamne la série à s’arrêter net s’il trouve !

Les épisodes 3 et 4 souffrent de pas mal de problèmes de structure scénaristique et voient l’intrigue avancer de façon très brinquebalante, produisant un récit brouillon et aux enjeux peu lisibles. Sandrine Bonnaire disparait après dix minutes de l’épisode 4, ce qui est étrange sur le coup, mais cohérent avec toute cette deuxième moitié de la mini-série, où le personnage de Daphné est évacué des enjeux et fait de la figuration améliorée.
Enfin, on notera la faiblesse des cliffhangers. Presque aucun ne marche ! Celui du premier épisode est éventé si on a lu quatre lignes de pitch sur la série. Celui du deuxième aurait éventuellement pu fonctionner si une relation entre Toman et Daphné avait été installée, mais ils viennent à peine de se rencontrer. Sans compter que son suspense est désamorcé par la principale image promotionnelle de la série, et que les conséquences qu’il aurait dû nécessairement avoir pour la relation entre Daphné et Toman sont vite évacuées de façon à la fois cavalière et peu cohérente dans un autre moment involontairement humoristique. On est enfin récompensé par un bon cliffhanger à la fin de l’épisode quatre — tout en se disant qu’il aurait été vraiment puissant s’il était arrivé deux épisodes plus tôt.

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Ciblage et marketing

Je commençais en parlant de déception, et je vais finir en parlant de deux choses qui, pour le coup, m’ont énormément déçu.

D’abord, en voyant le résultat final, j’ai eu l’impression qu’Hervé Hadmar et Marc Herpoux n’ont jamais pris en compte leur diffuseur. En d’autres termes, je pense que même si la série avait été très bonne, ce que je ne crois pas qu’elle soit, elle n’a aucune chance de marcher sur la chaîne qui va la diffuser [2]. J’ai déjà parlé du rythme extrêmement lent et contemplatif, qui à mon avis, porté à ce point-là, n’est pas compatible avec une grande chaîne hertzienne. D’accord, « Lost » c’est dans notre souvenir beaucoup de moments lents et contemplatifs. Mais n’oublions pas que c’était aussi un Pilote extrêmement spectaculaire et, lui, porté sur l’action, mais aussi que la promesse dramatique de la série était d’une grande puissance, et que la place prépondérante du mystère captivait l’attention.
Mais la question du rythme est secondaire puisqu’une grande partie du public habituel de France 2 (dont il faut rappeler qu’il a une moyenne d’âge de près de 60 ans) a toutes les chances d’avoir zappé avant la fin du pré-générique du premier épisode, sa scène de meurtre sauvage à coups de pierre ayant le ‘‘bon goût’’ d’arriver avant le début des programmes des chaînes privées concurrentes.

Hervé Hadmar expliquait dans un entretien sur France Inter que dans son esprit, « Signature » a toujours été un projet pour France 2. Il y a visiblement quelque chose que je ne comprends pas et qu’il faudra que je lui demande d’éclaircir.

Mon deuxième sujet de déception, c’est la question du marketing de la série. Dans un pays où la tendance lourde est de jeter les programmes à l’antenne dans l’anonymat et le manque de communication le plus total, l’approche proactive d’Hervé Hadmar sur ce sujet est plus qu’une bonne chose : elle est carrément indispensable. Reste qu’il me semble que la communication autour de « Signature » a visé complètement à côté. Pour dire les choses simplement, je pense que la série qui a été vendue n’est pas du tout celle qui est arrivé à l’écran. Parfois, un tour de passe-passe du marketing peut-être très bénéfique. Sauf si le résultat final est loin en dessous de ce qu’on avait laissé le spectateur s’imaginer...

Dans la suite du texte, je spoile un peu. Si vous n’avez pas vu les bandes annonces, ou si vous les avez vu il y a longtemps et à peu près oubliées, ne lisez pas la suite et abordez la diffusion de la série vierge de tout cela (et sans revoir les dites bandes annonces !).

Mon reproche sur la communication autour de « Signature » peut se résumer simplement. Depuis le départ, deux personnages, et deux acteurs, sont mis en avant. Toman et Daphné. Sami Bouajila et Sandrine Bonnaire. A la fin de la toute première bande-annonce, celle qui fut dévoilée début septembre 2010, alors que le tournage était encore en cours, on entend cet échange de répliques :

— ‘‘C’est vous le cimetière, les corps et les autres, c’est ça ?’’
— ‘‘Oui. C’est moi.’’

A partir de là, facile d’imaginer que la confrontation entre les deux personnages serait inattendue. Si Daphné comprenait vite que Toman était le responsable des meurtres, « Signature » devenait soudainement très excitante, parce qu’on ne savait plus où elle allait aller. Seulement voilà. De confrontation entre Toman et Daphné, il n’en est pas vraiment question. Et cet échange de répliques, il a lieu... au milieu du dernier épisode !

Que la fin se retrouve dans la bande-annonce, c’est le signe d’un vaste problème dont, à mes yeux, « Signature » ne se remet pas.


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Post Scriptum

« Signature »
6x52’. Une production Cinétévé pour France 2.
Scénario : Hervé Hadmar et Marc Herpoux.
Réalisation : Hervé Hadmar.
Avec Sami Bouajula (Toman), et Sandrine Bonnaire, Sara Martins et Jan Hammenecker.

A partir du vendredi 22 avril sur France 2. Deux épisodes par semaine.

Dernière mise à jour
le 11 février 2012 à 19h15

Notes

[1Phrase éditée par rapport à la version originale de l’article qui oubliait la rencontre des deux personnages à la fin du premier épisode, il faut dire à la fois très brève et peu significative.

[2Evidemment, vu l’énorme besoin que nous avons de fictions françaises qui marchent, je ne peux qu’espérer me tromper ! A ce niveau « Signature » a beaucoup de chance : quelques semaines après le crash de « Carré VIP », TF1 a semble-t-il renoncé à annuler de la même façon « Famille d’Explorateur », qui n’a réalisé que 15% de part de marché vendredi dernier. « Signature » devrait bénéficier de cette concurrence très favorable pendant ses trois semaines de diffusion.