MINI-SERIE - Dead Set
"In the head. You gotta get them in the head" Kelly
Par Dominique Montay • 13 juillet 2010
Imaginez. Vous êtes devant votre télévision en train de regarder « Secret Story », mais vous n’aimez pas ça. Vous n’avez qu’une envie, c’est que ces personnes qui n’ont au final que très peu de chose à dire passent de vie à trépas. Vous êtes un peu violent, dites-moi ? Réjouissez vous, E4, le W9 anglais, a exaucé votre souhait.

Nous sommes sur le plateau de « Big Brother ». Ce soir, c’est la soirée des évictions et tout le monde est sur le quai. Le producteur, Patrick (Andy Nyman), insulte tout le monde sur son passage. L’assistante préposée au café, Kelly (Jaime Winstone) , culpabilise un peu d’avoir trompé son mec. Les participants de « Big Brother » ont des conversations sans intérêt. Et des zombies se baladent dans Londres.

Un air de famille

Si on jette un coup d’œil rapide sur « Dead Set », on peut juste s’amuser au jeu des ressemblances avec la saga « 28… plus tard » (jours, semaines, mois… à vous de choisir). Ressemblance numéro 1 : c’est anglais. 2 : C’est une histoire de zombie. 3 : c’est filmé caméra à l’épaule, et la teinte de l’image comme son aspect cradingue et saccadé est totalement similaire. C’est déjà beaucoup. On a l’impression en regardant la mini-série (1 épisode de 52 minutes et 4 de 26), d’être face à un spin-off du film de Danny Boyle qui aurait pu s’appeler « 28 kilomètres plus loin », ou une autre dérivation du même genre. Focalisé sur le thème global de la série, on n’y trouve aucun intérêt particulier, hormis le plaisir coupable de voir l’univers de la télé-réalité se faire démembrer au premier degré, d’imaginer que le destin réservé à la présentatrice de BB, Davina McCall arrive à celui de sa version française, Benjamin Castaldi. Hereusement, il n’y a pas que ça.

Des personnages bien peignés

Déjà, il y a un côté savoureux à se dire que ce jeu de massacre prend place sur la chaîne dérivée de Channel 4, qui diffuse le Big Brother original. Ca permet d’utiliser les visuels, les gimmicks et comme on en parle plus haut, l’animatrice, du programme original. On voit aussi défiler dans « Dead Set » des anciens participants de Big Brother. Tous ces éléments permettent d’ancrer la « satire » dans le réél, et de lui donner une résonance bien plus importante. Les personnages sont plutôt bien écrits et leur utilisation est assez habile. Certaines scènes sont de très bonnes factures, comme celles mettant en scène le producteur odieux et égomaniaque qui se retrouve coincé dans une loge avec la bimbo écervelée qui vient de se faire virer du loft. Elle sort ineptie sur ineptie ; il a soif, mais n’à accès qu’à du champagne ; il veut aller aux toilettes, mais n’a à sa disposition qu’une poubelle ; et la raison de leur séquestration, c’est que l’animatrice, Davina, est devenue zombie et attend derrière leur porte de pouvoir les bouffer. Des pures séquences de série B très réussies.

Un autre personnage bien utilisé est celui de l’assistante. Personnage central de la série, elle va prendre les choses en main, dans la plus pure tradition des personnages de femmes dans les fictions d’horreur post-années 90, mais va aussi faire office de révélatrice des personnalités des participants du Big Brother. Une fois plongée dans leur univers, elle va les fédérer et transformer des « inutiles » plongés dans l’oisiveté narcissique en groupe obsédé par la survie.

La télé zombifie-t-elle la ménagère ?

Mais le plus intéressant dans « Dead Set », c’est l’utilisation de la situation en elle-même pour parler de la télévision. D’abord lors de ces scènes avec la production, plus terrifiée à l’idée que le prime du soir soit annulé à cause d’une épidémie de masse à Londres que par l’événement en lui-même. Ensuite parce que l’auteur, Charlie Brooker, a érigé le « Loft » en lieu de survie. Coupé du monde par le biais de son statut, le loft se pose comme l’endroit le plus sûr de Grande-Bretagne. Quand on pense aux épidémies, on a toujours en tête l’idée de sauver les élites. D’après « Dead Set », les élites sont peut-être protégées, mais les participants à « Big Brother » aussi, ce qui fait froid dans le dos. Enfin, point d’orgue de cette fiction, ces plans géniaux qui montrent des zombies en phase d’attente, le regard totalement vide fixé sur un écran qui diffuse « Big Brother », figés, hébétés, critique à peine camouflée du téléspectateur scotché à un programme vide de sens.

Quand une chaîne vous propose une fiction globalement correcte et qu’elle, par la même occasion, a le culot de dire que ceux qui regardent une émission qu’elle-même diffuse sont des zombies, on ne fait pas la fine bouche, on applaudit. Ou on s’interroge sur leur santé mentale, au choix.

Post Scriptum

« Dead Set » sera diffusé en intégralité dans la nuit du 19 au 20 juillet sur Paris Première, mais à priori en VF…