DOCTOR WHO - 4.06 : The Doctor’s Daughter
Une filiation mal assumée
Par Sullivan Le Postec • 4 juin 2008
Avec son titre choc, cet épisode avait placé les attentes assez haut. Malgré quelques bons moments, il ne se révèle pas vraiment à la hauteur de celles-ci.

Les progrès de la génétique, c’est fantastique : dans le futur, vous devenez papa en cinq minutes. Et en plus, vous n’avez jamais besoin de changer des couches.

The Doctor’s Daughter

Scénario : Stephen Greenhorn ; réalisation : Alice Troughton.
Le Tardis incontrôlable avec à son bord le Docteur, Donna et Martha échoue dans un tunnel sur une planète inhospitalière dans un lointain futur. Là ils sont pris immédiatement pris entre les feux d’une guerre qui dure depuis « des générations » et oppose des Humains à des extraterrestres humanoïdes, sortes de poissons évolués, les Hath. Le Docteur se voit immédiatement imposer de mettre sa main dans une machine qui créé un nouvel être par prélèvement de matériel génétique, car la guerre a toujours besoin de nouveaux soldats. Un être, sa fille, en sort quelques instants plus tard, déjà prête à prendre les armes. Elle s’attaque à des Hath et provoque un éboulement qui isole Martha et le Tardis du reste du groupe. Pendant que Martha sympathise avec l’ennemi, le Docteur et Donna devront comprendre les enjeux de ce conflit pour y mettre fin. Oh, et le Docteur devra aussi assumer sa toute nouvelle paternité et enseigner le pacifisme à sa petite Jenny...

C’était un plot hole, non ?

Je viens de le dire avec la critique du double épisode qui précédait celui-ci, il n’y a pas besoin d’avoir à la base une histoire révolutionnaire pour faire un plutôt bon épisode de cette série, du moment que les enjeux humains sont très bien écrits et mis en avant. Mais enfin quand même, il faut qu’il y en ait un minimum de scénario.

« The Doctor’s Daughter » a la difficile tâche de commencer par ce qui peut difficilement être ressenti autrement que comme une déception, voire carrément une tricherie. Le titre de l’épisode, ‘‘la fille du Docteur’’ a été spécifiquement choisi pour faire monter le buzz et, à cet effet, a été divulgué longtemps à l’avance. Pour couronner le tout, on annonçait dans le rôle de la fille en question nulle autre que Georgia Moffet, c’est-à-dire la fille de Peter Davison, le cinquième Docteur (celui que Tennant croise dans le Children in Need special 2007). On pensait pouvoir légitimement compter sur une fille en bonne et due forme, un être créé par un acte sexuel entre deux personnages. Hélas ! Russel T Davies, qu’on avait connu moins timoré, voire carrément amusé par l’idée d’exciter la frange hysterico-conservatrice de la fanbase de « Doctor Who », n’a visiblement jamais eu l’intention de lever ce tabou là et d’achever la sexualisation du personnage du Docteur entamée avec cette nouvelle série. Dans ce contexte, le nom de Georgia Moffet était sans doute une fausse bonne idée — quand bien même il faut reconnaître qu’elle est parfaite dans le rôle.

Cette déception initiale, qui a au moins l’avantage d’être adressée et réglée dans les deux premières minutes, avant même le générique, aurait pu être surmontée. Sauf qu’elle ne fait qu’annoncer un épisode littéralement rempli de failles scénaristiques, et dont les multiples incohérences, questions sans réponses et trous béants sont innombrables. Dans le commentaire audio proposé gratuitement en podcast par le site-de-la-BBC-qu’il-est-bien-même-s’il-fait-un-peu-honte-au-fond Russel T Davies adresse plusieurs de ces problèmes en s’en amusant, sauf qu’au bout d’un moment, cela cesse d’être drôle. Et le produit fini apparaît pour ce qu’il est : un scénario faible rendu difforme par l’ajout de rebondissements à la cohérence douteuse au fil de trop nombreuses réécritures successives. On en restera donc à se demander pourquoi Donna et Martha ne sont jamais soumises au processus de reproduction par clonage, pourquoi une machine se trouvait au beau milieu d’un tunnel en pleine zone de conflit alors qu’il y en a une dans la base des deux camps, comment fait la machine pour fournir les vêtements, pourquoi elle met trop d’eye-liner sur les yeux des filles, comment se fait-il — quelque soit le nombre de générations impliquée – que personne ne se souvienne de ce qu’il s’est passé il y a sept jours, pourquoi il y a des gens d’âges différents, etc. Et au milieu de tout cela, la consternation d’assister à la mort d’un homme poisson par... noyade. Non, vraiment Russel, c’est pas drôle.
Histoire de boucler la boucle, l’épisode se termine sur une ‘‘explication’’ de l’arrivée incontrôlée du Tardis sur les lieux : c’est un paradoxe temporel, le Tardis ayant détecté dans le temps la présence d’une fille qui lui seul pourtant a permis de créer. Ils auraient mieux fait d’expliquer directement que le scénariste était désespéré.

Jenny

Dans l’esprit de Russel T Davies, l’intérêt de cet épisode est donc ailleurs, à savoir dans le personnage de Jenny. Comme de bien entendu, Jenny est blonde, ressemble à une petite sœur de Buffy et fait des cabrioles entre les lasers comme Britney Spears dans le clip de ‘Toxic’ (vous savez, le ‘‘ballet classique’’ entendu dans « The end of the world » 1x02). Il est vrai que cet aspect est plutôt réussi, parce que Georgia Moffet arrive à rendre piquante et crédible la personnalité de son personnage et la réaction du Docteur face à cet être issu de lui, qu’il rejette comme n’étant qu’un ‘‘écho’’ avant de s’attacher à lui. Comme souvent cette saison, un effort visible est fait pour utiliser chaque personnage — même s’il est un peu caricatural en ce qui concerne Martha, qui fait ami-ami avec le camp opposé juste parce qu’elle a l’air sympathique. D’ailleurs, l’isoler après qu’elle ait déjà passé l’essentiel de l’épisode précédent remplacée par un clone n’était sans doute pas une très bonne idée. Et le coté « il ne vaut mieux pas que Martha voyage avec le Docteur parce qu’elle ne fait qu’y souffrir » est peut-être un poil appuyé.

L’un des *autres* défaut de cet épisode est qu’à partir du moment où le Docteur commence à s’ouvrir au personnage de Jenny et à envisager de la faire se joindre à lui et Donna à bord du Tardis, la pauvre a un gros signe BIENTÔT MORTE lumineux clignotant au-dessus de la tête. Evidemment, elle se prend une balle perdue à cinq minutes de la fin de l’épisode, et donne l’occasion à David Tennant de briller pour la énième fois dans ce registre. Dans l’un des rares rebondissements ajouté après-coup qui apporte réellement quelque chose à l’épisode, on découvre finalement que Jenny a survécu (sans passer par la case régénération, on présume pour la même raison que le Docteur avait pu faire repousser sa main dans le premier Christmas special). Elle s’éloigne de la planète en fusée et même s’ils n’apparaissent pas, on jurerait voir les mots A Suivre s’incruster sur l’écran. Sachant que la suggestion de la faire survivre est venue de nul autre que Steven Moffat, futur showrunner de la série, on se dit qu’on reverra en effet Jenny en 2010.

Et on espère que cette fois, il y aura un scénario.