FREDERIC LE BOLLOC’H - "On était constamment au pied du mur." • Dossier 30DM
Par Dominique Montay • 9 décembre 2007
« Le ténébreux regard imbibé d’alcool de contrebande »... c’est ainsi que Frédéric est présenté dans l’ultime épisode des « 30 dernières minutes ». Description pas très flatteuse du frère d’Yvan le Bolloc’h, qui, accessible, disponible, m’a accordé une longue demi-heure d’interview pour revenir sur la série.

Frédéric, bonjour, comment vous êtes vous retrouvé auteur sur « Les 30 dernières minutes » ?

J’ai travaillé un an dans l’équipe de Jean-Luc Delarue comme auteur pour une émission en access prime-time en deux parties « C’est l’heure ». Je l’aidais sur les textes des interviews. Je connaissais Delarue depuis une dizaine d’années puisque mon frère avait travaillé avec lui à l’époque. C’était mes premiers pas en tant qu’auteur. A la fin du premier trimestre, France 2 a décidé d’amputer l’émission et il a fallu ré-attribuer le temps sur un autre projet. Kad et Olivier, Hervé Eparvier, Florian Gazan et moi-même avons été associé au projet assez vite, étant donné qu’un mois et demi après la décision de couper l’émission, on écrivait le premier épisode.

Vous saviez déjà à cette époque que ça allait être diffusé si tard ?

On l’a su assez vite, mais notre premier souci c’était de savoir si on allait y arriver parce qu’on avait très peu de recul. On avait 5 jours pour écrire et 5 jours pour tourner ce qui avait été écrit la semaine précédente. Pour la chaîne, il y avait aussi un intérêt financier à nous diffuser après minuit, étant donné que les droits d’auteur baissent considérablement après cet horaire. Mais ça nous a donné aussi une grande liberté au niveau du contenu. On n’avait pas de retour de la chaîne, même si les audiences étaient plutôt bonnes, pour l’horaire. On surfait sur la popularité de Kad et Olivier, les « wannabe » de l’humour, comme disait Technik’art à l’époque (il sourit). Ils ne se sont pas trompés vu la carrière qu’ils ont actuellement.

Cette série, c’était l’opportunité d’enfin faire quelque chose qui vous plaisait, ou c’était juste un moyen d’avoir du boulot ?

C’était surtout très formateur. Déjà parce qu’on était constamment au pied du mur. Raconter toujours des histoires différentes, ça met la pression. Et pour moi, ça a été très utile sur « Caméra Café », où la je bossais seul sur mes textes. Mais « Les 30 dernières minutes » était plus difficile, vu le format 26 minutes.

Au niveau des bases de votre travail, quels étaient vos influences, les sitcoms américaines ? Ou vous étiez plus tradition française ?

On s’est surtout appuyé sur l’univers et l’humour de Kad et Olivier pour l’adapter aux histoires. Moi j’étais plutôt focalisé sur la structure, comment elle pouvait avancer. Hervé s’occupait des situations comiques, même si je m’occupais un petit peu des dialogues, aussi. Mes influences, ça venait surtout des Etats-Unis, avec des séries comme « Les Simpsons », « South Park »…

Vous étiez présent sur le tournage ?

Oui. La série était tournée avec des bouts de ficelle, et on tournait à côté des bureaux où on écrivait. C’était souvent tourné à l’arrache, avec des grosses journées de travail, de 9h à 20h, mais dans une très bonne ambiance, surtout vu le mélange entre les comédiens et non-comédiens.

Pourquoi avoir utilisé un acronyme, FLB ?

C’était une coquetterie. Ce sont mes initiales et aussi celles du Front de Libération de la Bretagne. Depuis, j’ai arrêté, mais ça pourrait me reprendre. Ca ne m’a pas été préjudiciable, pas autant que l’heure de diffusion de la série.

Vous vous étiez investi particulièrement sur l’épisode où Yvan est venu en guest ?

Ouais. Une des difficultés de la série, c’était d’obtenir des guests, pour faire plaisir à la chaîne. Mais c’était très difficile pour nous de les convaincre de venir assez longtemps, même si on a réussi à en trouver pas mal. Yvan a été un des tous premiers, et il n’avait pas trop de boulot à l’époque. L’histoire est venue assez facilement. C’était très structuré au départ et après c’est parti un peu dans tous les sens. Mais on s’en est pas mal tiré.

Et la fin de la série, vous l’avez vécu comment ?

Dans un grand ouf de soulagement. Même au niveau comédien. Content que ça soit fini, mais content de l’avoir vécu. C’était fait de bric et de broc. Au début, on devait même intégrer des bouts de programmes réels dans le récit. Des reportages, des bandes-annonces… mais on s’est très vite recentré sur les personnages pour donner un peu plus de corps.

Quelques années après la diffusion, comédie a ressorti la série en ajoutant des rires enregistrés, ça vous a fait quoi ?

Nous on était contre. On avait même un épisode qui s’en moquait. Ils pensent que c’est plus efficace. Mais c’est mieux sans. Ça surligne les blagues et ça les rend moins efficace.

Au final, c’était un bon souvenir ?

Très bon. Très formateur, encore. Hervé et moi, on était vraiment en première ligne, surtout Hervé, j’insiste. Kad et Olivier arrivaient souvent pour rajouter leurs « conneries », mais au final on avait très peu de réécritures. On n’avait pas le temps.

Avec le recul, vous arrivez à juger de la qualité de la série ? La revoir ?

J’ai juste gardé les textes. Mais pas d’images.

Vous êtes resté en contact avec les membres de l’équipe ?

J’ai rencontré récemment Hervé, qui bosse avec moi (mais pas en collaboration directe) sur un projet de dessin animé. Kad et Olivier, un peu, mais plus via mon frère. Mais pas les autres.

Après « Les 30 dernières minutes » vous avez fait quoi ?

J’ai fait du journalisme pour des émissions de sport, entre autre, et j’ai repris mon boulot d’auteur sur « Caméra Café ».

« Caméra Café », vous en étiez à l’origine ou Yvan vous a greffé après ?

J’ai été au courant très vite, vu que c’est un projet qui datait de 10 ans. J’ai participé à l’élaboration de la bible, des personnages, et des pilotes.

Ce format de 3min, vous pensez avoir été à l’origine de son boom, (télé, internet) ?

C’est parti d’« Un Gars/ Une Fille », et M6 voulait ce type de programme. Après, oui, ça s’est multiplié.

C’était l’usine pour un auteur ?

Toutes les 3 semaines, ils en tournaient 20. C’était très lourd comme masse de travail, et ça a pu arriver qu’on regrette certains scénars, sur la fin, quand ça devenait un peu répétitif. Personnellement, j’ai commencé par écrire des sketches pour m’orienter vers un boulot de directeur d’écriture. J’en écrivais beaucoup moins, recevant ceux des autres auteurs. Je faisais le tri, en gros, pendant le dernier tiers de l’aventure.

L’aventure du film, il vous en reste quoi ?

On s’attendait à être mal reçu par le milieu du cinéma. Avec les ventes de DVD, le merchandising, le film a été accueilli comme un truc « juteux ». Nous c’était surtout une opportunité de travailler sur un 90 minutes, d’ouvrir le concept qui était jusque là du face-caméra. C’était un exercice très difficile, vu qu’on ne doit pas se contenter de débiter du gag, il faut éviter d’être bavard… Et on a été obligé de décevoir les fans, de faire découvrir les personnages aux non-fans… ça aurait pu être mieux, mais ça aurait pu être pire. Et puis, il va y avoir une autre version, avec de nouveaux personnages, avec le même concept.

Dans votre famille, qu’est-ce qui vous a donné envie tous les deux d’être dans le business de l’audiovisuel.

A la base, Yvan était prof. Il en a eu vite marre. Yvan c’est un type un peu solaire, il a décidé de changer de vie. Il a fait des opérations com pour une marque de cigarettes, où il a rencontré Jean-Luc Delarue qui faisait une émission de radio à l’époque. Il s’est retrouvé à y faire des petites interviews, des portraits. Ardisson l’a ensuite repéré. Il a ensuite rencontré Bruno, et vu qu’il ne voulait pas présenter seul, il a décidé de bosser avec lui. Canal les a répérés, ils ont présenté le « Top50 », « le Plein de Super »… Moi je zonais… un peu de fac… mais la fac, quand on ne se prend pas en mains… j’ai fait l’armée pour m’occuper, c’est pour dire. Puis les petits boulots… je me suis mis dans la roue de mon frangin. J’étais stagiaire sur le « Top50 », sur « le Plein de Super », c’est là que Bruno m’a dit que je devrais me lancer dans l’écriture, sans avoir rien lu de moi, rien qu’au nez. J’ai commencé à écrire des textes pour Gustave de Kenvern (« Groland ») qui bossait aussi sur l’émission. J’écrivais aussi des bulletins pour Europe 2. je me suis constitué un book et c’est comme ça que j’ai fini par bosser pour Delarue. Des trucs plus journalistiques.

Et depuis « Caméra Café » ?

Je me bats pour essayer de vivre de ça. Pas facile. Vaut mieux garder une poire pour la soif, un boulot alimentaire. Même si tu es entré dans le milieu, que tu as des contacts, la moitié du boulot reste de l’alimentaire. A moins d’être très reconnu. Alors tu cherches à bosser sur des séries, des films. Mais quand tu écris un film, il faut arrêter tout le reste, donc c’est pas évident. C’est intéressant comme métier, mais c’est pas évident.

Merci Frederic le Bolloc’h.