La rentrée 2006 de la fiction française • Episode 1.01
Incroyable, chéri ! Il n’y a pas de fiction événement ce soir à la télé !
Par Sullivan Le Postec • 4 février 2007
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la fiction maison aura figuré parmi les armes principales de la bataille des chaînes depuis septembre. Surtout, d’ailleurs, sur les principales chaînes, Canal + et M6 ayant semble-t-il préféré attendre que TF1 et France 2 finissent de vider une partie de leurs stocks de fiction événement. En quelques mois, les deux principales chaînes auront en effet déversé à l’antenne nombre de téléfilms et mini-séries "de prestige". Vrais événements ou feux de paille aussi vite vus qu’oubliés, voici quelques-uns d’entre eux passés en revue.

MARIE BESNARD, L’EMPOISONNEUSE [1]
C’est plutôt à juste titre que l’essentiel de la campagne de promotion de la mini-série fut centrée sur la prestation dans le rôle-titre de Muriel Robin. L’ex-"comique" devenue comédienne habite en effet véritablement un personnage ambigu, sur la culpabilité de laquelle un véritable doute pèse tout au long du récit. Si les auteurs se défendent d’avoir imposé sur ce sujet un quelconque parti-pris, on avouera tout de même que la conclusion de l’intrigue laisse plus le téléspectateur sur une impression de culpabilité que d’innocence. En effet, tout le film est montré du point de vue du personnage fictif d’une jeune journaliste qui, native de la ville de Marie Besnard, décide de prendre sa défense au moment où la France entière - et le petit village de campagne en particulier - la vilipende sans attendre son procès. Le film dresse d’ailleurs un portrait sévère, et qui verse assez dans la caricature, de cette opinion qui juge sans les faits, tout comme, un peu plus loin des "experts" qui devraient apporter au dossier des preuves tangibles mais dont les travaux se contre-disent perpétuellement (sur la même chaîne qui programme en France « CSI », cela a quelque chose d’assez ironique). Toujours est-il qu’alors que les procès ont totalement retourné l’opinion et que le peuple fait maintenant pression de tout son poids pour que la justice innocente Marie, la journaliste, qui a côtoyé l’accusée et a enquêté des mois pour prouver son innocence est maintenant persuadée, seule, de sa culpabilité.
Une coupable sombre, mais au demeurant plutôt sympathique et impressionnante de force dans sa façon de tenir tête à un pays entier qui lui crache au visage, c’est un rôle en or pour qui en a les épaules. Muriel Robin les avait et le prouve à qui en doutait. Elle porte donc de tout son poids cette fiction assez bien écrite, au-delà des quelques excès mentionnés plus haut, et très bien réalisée. Elle participe donc largement d’en faire oublier les défauts, tels que quelques personnages approximatifs et une romance ennuyeuse parceque hors-sujet entre la journaliste et l’avocat.
Bien sûr, avec un autre angle d’approche on aurait pu aussi, en plus du portrait de Besnard, mettre en scène une véritable fiction socio-politique en résonance parfaite avec l’actualité, à l’heure d’Outreau. Ne rêvons pas : nous étions sur TF1. Nous saurons donc nous contenter d’un très plaisant divertissement. Il se trouve par ailleurs que, quelques temps plus tard, France 3 rassasiait ces appétits-là avec « l’Affaire Villemin ».

L’ETAT DE GRACE [2]
Il est commun de croire ou laisser croire qu’en matière de fiction locale, on peut filer au public français absolument n’importe quoi. Voilà un lieu commun que sera venu piétiner avec force, et au grand désarrois de France 2, le bide retentissant de « L’Etat de Grace ». Entendons-nous bien, il ne s’agit pas pour nous de dire que toute fiction qui fait le plein d’audience est de qualité. Nous confirmons bien que nous pensons que les collections de récurrents-citoyens de TF1 sont toutes d’indigestes ramassis de bons sentiments inintéressants au possibles. Mais ces fiction ne sont pas "n’importe quoi". Elles sont au contraire ultra-qualibrée et dépendent d’un cahier des charges d’une précision extrême dont l’objectif est de ne rien faire qui puisse entraîner le doigt de la "ménagère" vers les boutons de sa télécommande.
Bref, tout cela pour dire, donc, que quand on refile au public n’importe quoi, comme une fiction politique ou la politique est dénié ou bien que l’on choisit de mettre en scène une femme présidente dans une oeuvre anti-féministe, on se prend un four somme toute logique. Et surtout bien mérité !

PETIT MEURTRE EN FAMILLE [3]
France 2 adapte Agatha Christie, transposée dans la Bretagne des années 1930, au sein d’un Manoir bourgeois qui rassemble une famille, les Le Tescou, ses secrets, et un joli meurtre en guise d’entrée. Truculent, le scénario est bien troussé. La mini-série offre même une ou deux bonnes surprises de distribution. Heureusement que quelques longueurs viennent ralentir notre enthousiasme, sinon, l’espace d’un instant, nous nous serions cru sur la BBC. L’exception française est sauve (on suppose !)

EQUIPE MEDICALE D’URGENCE [4]
Série événement la nouvelle série médicale d’urgence ? Pas vraiment à en juger par le fait qu’elle ait fait l’objet d’une programation ubuesque. On pensait qu’on ne trouverait pas pire que les trois soirées de l’Affaire Villemin proposées à la suite par France 3. Mais France 2 l’a fait en proposant l’exact contraire : une série de 6 épisodes proposée en trois soirées de deux mises à l’antenne chacune à un mois d’intervalle. A ce niveau, c’est de l’anti-série. Du coup, on aura du mal à vous donner notre avis : dans ces conditions, on a fait autre chose que de regarder la télé.

TOMBE DU CIEL [5]
La fiction de Noël, est un sous-sous-genre dont on ne peut guère que souhaiter l’improbable extinction. De toute la masse des téléfilms et épisodes de séries centrés sur l’événement, très peu peuvent se prévaloir de surnager au-dessus du médiocre. N’ayant visiblement peur de rien, France 3 fit fi de ces précédents et commanda la mise en chantier d’une mini-série “de Noël” en 8 épisodes.
La téléfiction française n’est pas à un paradoxe près. Mais, dans le genre, il faut dire que « Tombé du Ciel », la dite série de Noël, fait très fort. Elle parvient en effet tout à la fois à atteindre des sommets dans le cul-cul / gnan-gnan / dégoulinage de bons sentiments à la guimauve, et dans la vulgarité. Jusque là, j’aurais cru les deux incompatibles. Le scénario de la série réussi ce tour de force en se complaisant dans le beauf comme on n’ose encore tout juste le faire dans le pire théâtre de boulevard. Agrémenté par quelques performances d’acteurs pitoyables - le “prof” Lelièvre de la Star Academy, notamment, se révélant aussi ridicule au fil des épisodes que dans ses pubs pour une marque de céréales - le résultat confine à l’insupportable.
Entre deux saynètes de vaudeville bas de gamme, on peine à trouver trace de la pourtant intéressante note d’intention de l’auteur qui parle d’un sujet (l’adoption) qu’il connaît bien. Sur le sujet, il faut bien reconnaître que faire intervenir l’arrivée du bébé à la fin du quatrième épisode, c’est à dire la moitié de la série, tient d’évidence de la fausse bonne idée aux conséquences fâcheuses. L’ambition était de montrer l’insupportable et interminable attente qui, à défaut de combat, constitue la réalit d’une procédure d’adoption. Sauf que l’attente n’a jamais constitué et ne constituera jamais un ressort efficace de fiction, à quelques génies près. Dès lors, soit on remplit ses épisodes de vide (peu efficace), soit on digresse à l’infini sur sa batterie de personnages secondaire en perdant de vue son sujet (peu efficace aussi - c’est bien le problème ! A fortiori si les personnages secondaires sont ratés et mal joués).
On va dire que la malédiction de Noël a encore frappé...

Post Scriptum

Allez, vous reprendrez bien un peu de fiction télé de prestige en 2007 ?

Dernière mise à jour
le 5 février 2007 à 01h27

Notes

[1Scénario : Olga Vincent, Daniel Riche, Anne Giafferi
Réalisation : Christian Faure
Format : 2x90 mn
Diffusion : septembre 2006. Inédit.

[2Scénario : Jean-Luc Gaget
Réalisation : Pascal Chaumeil
Format : 6x52 mn
Diffusion : octobre 2006. Inédit.

[3Scénario : Anne Giafferi, Murielle Magellan. D’après Le Noël d’Hercule Poirot d’Agatha Christie.
Réalisation : Edwin Baily
Format : 4x90 mn
Diffusion : novembre 2006. Inédit.

[4Scénario : Hervé Hamon, Isabel Sebastian et Laurent Burtin.
Réalisation : Etienne Dhaene
Format : 6x52 mn
Diffusion : ces temps-ci. Inédit.

[5Scénario : Claude Scasso.
Réalisation : Stéphane Kappes.
Format : 8x52 mn
Diffusion : 9, 16, 23, 30 décembre 2006. Inédit.