VITE VU - Edition de mars 2010
On a vu. On a aimé. Ou pas. On vous dit tout. En bref !
Par Sullivan Le Postec & tomemoria • 28 février 2010
C’est un peu une spéciale "la télé que vous regardez sans en parler dans les dîners". Sont abordés dans ce numéro : « Clem », « Plus Belle la Vie », « EastEnders » et... « La Ferme Célébrités en Afrique » !

Ce mois-ci, la rubrique Vite Vu accueille la visite d’un collègue de la rédaction de pErDUSA, le site du réseau A-Suivre.org consacré à la fiction US. Tomemoria nous permet de publier à nouveau notre fameuse rubrique dans la rubrique, un peu délaissée ces derniers temps. Car, nous tenons à en informer sa famille et ses amis, tout comme moi, Tomemoria ne regarde « Plus belle la vie » que pour le boulot. Du coup, ça a aiguisé notre appétit de soaps et on a regardé l’épisode événement des 25 ans de « EastEnders ». Nan mais vraiment que pour le boulot, hein.

Grossesse à 9,4 millions

Clem a 16 ans. Au retour des vacances, en Première, elle découvre qu’elle est enceinte. Juste avant les vacances, elle a oublié de mettre un préservatif avec son copain qui ne lui a pas donné de nouvelles de l’été. Le délai légal de quatorze semaines est passé, elle n’a pas le choix : elle doit garder le bébé.

Par Sullivan Le Postec

« Clem » [1] a d’abord fait parler d’elle pour sa campagne de promotion bien intentionnée mais approximative (la lecture du blog de Clem, lancé dans les semaines avant diffusion, avait quelque chose de vraiment embarrassant, malheureusement ça se retrouve dans certains dialogues). Il n’empêche que, grâce à un bon sujet, la participation de Victoria Abril et une programmation bien pensée (c’est rare !) pendant les vacances scolaires, elle l’a vite fait oublier par son succès : 9,4 millions de téléspectateurs, la meilleure audience d’une fiction française depuis octobre 2007.

Alors, TF1 a-t-elle réussit le teen drama ? La chaîne vise plutôt à coté, à vrai dire : consciemment ou pas, le téléfilm semble bien plus avoir été écrit pour les moins de 13 ans et leur maman que pour des téléspectateurs de l’âge des personnages.
Victoria Abril survole ces 90 minutes, réussissant à ne pas laisser la légèreté de ton voulue l’entraîner vers le cabotinage excessif (on n’en dira pas autant de Jérôme Anger, qu’on a connu se sentant moins obligé d’en faire des tonnes). Le téléfilm se laisse regarder, malgré quelques gros défauts. Les personnages sont vraiment excessivement caricaturaux : les gentils compréhensifs d’un coté, les méchants réac de l’autre, l’écriture ne fait jamais de place à la nuance. Pour compenser la faiblesse de l’étude de caractères, le scénario empile trop les rebondissements (l’adultère du père de Clem, c’était vraiment nécessaire ?). Une agitation qui, à force, finit surtout par souligner en creux le manque de profondeur des personnages. On verra si un effort est fait par la suite, puisque Clem va devenir une héroïne récurrente : deux nouveaux épisodes sont actuellement en écriture.

Si je regarde « Plus belle la vie »,
c’est bien sûr uniquement pour le boulot

Ils l’ont fait ! Après des années d’attente, alors qu’on ne croyait plus cela possible, ils ont enfin réalisé le rêve des spectateurs : Nassri et Boher se sont embrassés ! — Qui ça ?

Par Tomemoria

Laissez-moi vous parler d’un événement série vu de chez moi qui a eu lieu en février dans « Plus Belle La Vie ».
Nassri et Boher, ce sont deux collègues flics qui bossent ensemble depuis deux ans. Nassri est une jeune arabe qui commence à peine dans la police. Pleine d’idéaux et de naïveté, elle voit souvent le monde en noir et blanc. Boher, c’était un flic raciste et violent avant de la rencontrer. A son contact, il a progressivement changé en quelqu’un de plus honorable. Si son béguin pour Nassri ne date pas d’hier, les scénaristes en étaient toujours restés à la tension sexuelle inassouvie. Dernièrement, Boher avait eu pas mal d’ennuis. Accusé du meurtre d’un gitan par sa compagne, on l’avait jeté en prison après que sa commissaire prétende qu’il l’ait agressé. Seule Nassri ne l’a pas laissé tomber. Persuadée de son innocence et que la commissaire était la véritable coupable, elle s’est démenée pendant un mois pour trouver des preuves le disculpant. Elle a été jusqu’à démissionner pour ne plus avoir sa supérieure dans les pattes.
Lorsqu’enfin, Boher a été lavé de tout soupçon, Nassri est allée l’attendre à sa sortie de prison. Et là, alors qu’on pouvait y voir deux amis heureux de se retrouver, ils se sont embrassés sur les marches du palais de justice…

JPEG - 43.9 ko
Plus belle la vie
Les personnages de Boher, et Samia (Stéphane Henon et Fabienne Carat).

S’il y a bien une chose que je regrette quand je visionne des séries américaines, c’est que je ne les découvre pas en même temps que tout le monde. Avec « Plus Belle La Vie », je sais qu’au moment où j’ouvre la bouche de stupeur, des milliers de gens ont la même réaction au même instant. Non seulement, c’est assez jouissif de le savoir, mais en plus, cela permet de s’envoyer des textos entre amis pour commenter l’épisode. Et je ne parle pas des soirées chez les uns et les autres où l’on déguste un verre devant l’épisode du jour.
Je trouve assez admirable qu’avec le succès qu’elle a, cette série garde une telle modestie. Jamais elle n’a prétendu être ce qu’elle n’est pas. Elle a bien conscience que sa réalisation est très approximative, que ses acteurs ne sont pas très bons mais elle fait de son mieux pour servir, cinq jours par semaine, des intrigues prenantes où se mêlent parfois des questions de sociétés pertinentes. J’ai rencontré il y a quelques mois un réalisateur de « Plus Belle La Vie » qui m’a expliqué combien cette série faisait du bien aux gens. L’équipe reçoit fréquemment des lettres où on la remercie d’avoir abordé tel ou tel sujet. En posant les questions sans offrir de réponse didactique, elle permet souvent d’ouvrir le dialogue au moment du repas ce qui n’est pas toujours facile, quand on veut mettre les pieds dans le plat. La série a une valeur pédagogique très soignée et sa capacité a se servir de phénomènes de société pour construire des intrigues à tiroir m’épate toujours un peu plus.

Alors oui, les histoires sont souvent ridicules, cela fait parti des codes du feuilleton populaire. Il n’empêche qu’une fois qu’on s’est attaché aux personnages, on peut vivre une expérience télévisuelle quotidienne qui dépasse parfois le plaisir ressenti devant des fictions américaines. Ce vendredi là, les scénaristes se sont surpassés et à juste titre, puisqu’à cause de ses satanés Jeux Olympiques de Vancouver, la série ne revient à l’antenne qu’aujourd’hui, 1er mars. Trop Dure L’Attente.

Live experience

Vendredi 19 février, « EastEnders », l’un des soaps britannique diffusé sur BBC1 (il y en a quatre principaux produits en Grande Bretagne, celui-ci, ceux d’ITV « Coronation Street » et « Emmerdale », ainsi que « Hollyoaks » de Channel 4 – mais le pays en importe aussi d’Australie) fêtait au jour près ses 25 ans. Pour marquer l’événement, l’épisode a été diffusé en direct.

Par Sullivan Le Postec

L’un des objectifs de la formule était d’organiser une révélation : l’identité de l’assassin d’Archie Mitchell, vilain récurrent depuis trois ans tué dans l’épisode événement du 25 décembre dernier. Le secret était total, puisque plusieurs fins avaient été répétées. L’actrice dont le personnage allait finalement avouer en direct sa culpabilité l’a appris une demi-heure avant le direct (et devant des caméras, le moment filmé étant inclus dans une émission spéciale diffusé immédiatement après l’épisode sur BBC3.

Bizarrement, il y a mille articles en ligne sur les défis logistiques de cet épisode, et je n’en ait trouvé aucun qui aborde les défis posé par ses conséquences. A savoir : puisque l’acteur dont le personnage a tué Archie l’a lui-même appris juste avant l’épisode, comment ont été gérés les prochains épisodes, puisque le tournage a environ six semaines d’avance ?
La situation est facilitée par le fait qu’en plus des téléspectateurs, seul un personnage découvre l’identité du tueur. Cela devrait donc rester un secret le temps de tourner en vitesse quelques scènes à inclure dans les épisodes déjà prêts et qui devront rebondir sur cette révélation, dont on voit mal comme elle pourrait n’avoir aucune conséquences six semaines durant.

JPEG - 31.5 ko
EastEnders

Concernant l’épisode en lui-même, le plus frappant est qu’il est réellement impossible de savoir qu’il est en direct juste en le regardant. Certes, c’est plus facile à faire sur un soap dont le rendu habituel se rapproche de la vidéo que sur un drama traditionnel, mais néanmoins l’équipe a été très ambitieuse sur le plan logistique : l’épisode compte de multiples figurants, des extérieurs (un quart de sa demi-heure) et une cascade importante.
Nous sommes au soir du re-mariage de Ricky et Bianca, événement qui occupait l’épisode précédent, et la plupart des personnages sont réunis dans le pub du quartier pour le fêter. L’enquête de la police sur l’assassinat d’Archie a fait de Bradley son principal suspect – Archie a violé sa femme Stacey. Même s’il est innocent, il est conscient d’être le coupable idéal et de ne pas avoir d’alibi. Il décide de s’enfuir avec Stacey, aidé par deux autres personnages complices. Pendant ce temps, Ronnie, accusée par sa sœur d’être la coupable, lui dévoile qu’Archie l’a violée lui-aussi
Bradley se rend compte qu’il a oublié son passeport et celui de Stacey, et doit donc revenir chez eux pour essayer de les récupérer sans se faire prendre par la police. Mais il est repéré, s’enfuit sur les toits, poursuivi par la police. Il trébuche et chute du toit. Il se tue sur le coup, sous les yeux d’à peu près tout le quartier et de sa femme Stacey qui, sous le choc, révèle à un des complices que tout est de sa faute : c’est elle qui a tué Archie.

L’épisode n’est pas très subtil dans la manière dont il multiplie les scènes où un personnage semble sur le point de se révéler comme le coupable (ils sont une bonne dizaine à avoir un motif), histoire de faire monter la tension de façon un peu cheap. Et on sait bien, au fond, que la révélation n’arrivera pas avant la fin. Mais l’équipe de « EastEnders » a vraiment su faire de cet épisode un événement marquant pour les téléspectateurs réguliers de la série, et pas juste parce qu’il était en direct. Quinze millions de téléspectateurs britanniques ont suivi l’épisode, avec un pic à 16,6 millions pour les cinq dernières minutes.

Cet épisode était aussi le dernier du producteur exécutif Diederick Santer qui quitte la série sur ce coup d’éclat, après trois ans et demi à sa tête, et dont le successeur est Bryan Kirkwood, qui a auparavant dirigé « Hollyoaks ».

La ferme !

Un mot d’une série non-scriptée, comme disent les américains – ce qui ne veut pas dire non-scénarisée. « La Ferme Célébrités en Afrique » s’est imposée en février comme une catastrophe d’audience.

Par Sullivan Le Postec

Sur le sujet, il est remarquable de constater que tout ce qu’Endemol et la chaîne ont réussi cet été avec la saison 3 de « Secret Story » a été désappris pour cette « Ferme ». Comme nous l’avions écrit (“Et si TF1 copiait moins les séries US et plus... « Secret Story » !”), « Secret Story 3 » était un exemple très rare de télé-réalité française bien produite – ce qui a participé au buzz grandissant au fil de l’été et des plus de trois mois d’émission.

JPEG - 80 ko
La Ferme Célébrités en Afrique

« La ferme en Afrique », elle, est un empilement de mauvaises décisions. Le fait d’aligner des célébrités est discutable au départ, puisqu’en France, cela s’accompagne systématiquement d’arrangements – on ne “peut” pas traiter nos célébrités comme des candidats “normaux”. Le casting des célébrités candidates est extrêmement faible – c’est bien simple, une bonne moitié d’entre elles étaient inconnues du public, ce qui participe à donner une image bas de gamme à l’émission. Si la production n’était pas capable d’aligner douze vraies célébrités, il aurait surement été plus raisonnable d’en aligner six contre six candidats anonymes.
La où la stratégie de programmation de « Secret Story » était intelligente (l’hebdo démarrant à 22h10, ce qui lui permettait d’être suffisamment tôt pour réunir une audience conséquente, mais suffisamment tard pour pouvoir assumer d’être un programme de niche), celle de « La Ferme » a largement participé à sa perte. Pour passer à 20h45, l’émission doit être très lisse, et donc très peu intéressante. Et le prime doit se conformer à un format d’une heure et demie / deux heures qu’il a bien du mal à remplir, ce qui le rend interminable et d’un ennui mortel. Et comme TF1 n’a pas pu trouver un animateur acceptant de partir en Afrique (on croit rêver !), le rythme déjà inexistant est plombé par les délais et problèmes de liaisons satellite qui ont transformé plus d’une interview en moments de non-télévision franchement surréalistes.
Contrairement à un « Secret Story 3 » dont le travail de scénarisation en amont avait été très poussé, cette édition de « La Ferme » – qui a pourtant été repoussée de quelques semaines par rapport à sa première date de diffusion envisagée – semble totalement improvisée. La production est déjà apparue à plusieurs reprises complètement dépassée par les événements. Notamment par Mickaël Vendetta, à qui elle a entrepris de refiler le rôle joué par Léo dans le dernier « Secret Story ». Sauf que Léo, lui, avait un cerveau, et que par ailleurs l’émission a très bien pu se passer de lui, alors qu’à part un programme zen montrant des personnes faire la sieste au soleil, on voit mal ce que « La Ferme » peut devenir sans Vendetta.

Sachant que TF1 a dans ses cartons une saison de « Koh-Lanta » sportifs contre anciens candidats dont les épisodes d’une heure auraient servi de lancement parfait à « La Ferme » programmée à 22h, on comprend d’autant moins comment on a pu en arriver là. Si ce n’est qu’il se confirme que sévissent à la télévision française les pires programmateurs du monde... Reléguée à 22h30 depuis vendredi dernier, cette programmation apparaît maintenant forcément pour un aveu d’échec dont l’émission ne pourra pas se relever. D’ailleurs, l’émission continue de plafonner au même faible niveau de parts de marché.
Il est tout de même amusant de voir qu’en voulant en faire un programme grand-public touchant tout le monde, TF1 a fait de « La Ferme » une émission profondément ringarde n’intéressant personne. C’est exactement le même processus qui est à l’œuvre pour sa fiction !