Histoire d’une séance • Histoire(s)
A propos de Hot Fuzz
Par Dominique Montay • 27 juillet 2007
Le vide abyssal, l’impression d’être seul au monde, pendant un instant. Une sensation étrange que de se retrouver seul dans un endroit supposé plein de vie dans ses moments forts et pauvrement (mais toujours un peu quand même) peuplé dans les moments faibles.

Mercredi 25 juillet, 7h30 du matin.

Une heure un peu particulière pour un réveil un jour de RTT. Mais ma journée est bien remplie, même si elle débute sur une note divertissante. Je combat mon envie première de fermer les paupières pour dormir "encore 5 minutes" (alors que tout le monde sait très bien que de 5 on passe allègrement à 80 sans vraiment y faire attention).

Café, muffin, bacon, dentifrice, eau courante et hop, me voilà dans le bus, entouré de gens, qui, contrairement à moi, ont dû se lever pour travailler. Je ne me rend pas encore compte de la conséquence de mes actes, jusqu’ici anodins.

A quelques kilomètres de là, dans le cinéma UGC la Défense, c’est l’effervescence du mercredi matin. Pas bien violente, plutôt monotone. Il est à peine 9h30 et si les bornes d’achats rapide sont activées, elles chauffent peu. En ce jour, nous avons le choix entre une famille jaune, un sorcier afflelou-isé, un cinquantenaire poissard et pas mal d’autres films au label "ça sort là parce que c’est l’été".

La salle 15, on s’apprête à projeter les 20 minutes de pubs (20 minutes, la durée d’un épisode de sitcom américaine, ou la durée avec laquelle on est censé lire un journal gratuit). Personne pour les voir. Tiens donc. Michel, le projectionniste, se dit que la journée va être longue. 9h48. Toujours personne.

"On va pouvoir se reposer, dit Michel.
- Attend, on ne sait jamais, répond alors Franck, le responsable. Quand je bossais aux Halles, la salle se remplissait au dernier moment, des fois."

Un cri vient de l’autre côté. "Attendez". Le type se présente, un stagiaire boutonneux. "Attendez, quelqu’un a prit une place pour "Hot Fuzz" !!!"

Seul dans la salle. Seul au monde. Ca m’était rarement arrivé. Dans mon souvenir, seul une projection de "’Crash", au milieu des années 90, m’avait fait vivre telle expérience. Sauf qu’au début de la séance, la salle contenait 10 personnes. Mais là, rien. Alors seul, je m’assois, seul, je contemple l’introduction du film... et toujours personne.

"Hot Fuzz", mercredi à 9h40 à l’UGC la Défense, n’a fait lever qu’une personne, presque acquise d’avance, car connaissant les oeuvres précédentes de ses auteurs. Ce qui n’est pas le cas de 95% de la population amatrice de cinéma. La faute à une télévision française qui préfère des rediffusions jusqu’à l’étouffement aux nouveautés un peu en marge. Peut-être aussi parce que ces nouveautés sont beaucoup trop coûteuses pour qu’on prenne un risque.

J’ai été frappé de stupeur durant la séance. "Hot Fuzz" est distribué par Canal+. Mais avons-nous vu "Spaced" sur cette chaîne ? N’aurait-il pas été malin de leur part, alors qu’ils nous abreuvent de making-offs des productions maisons, de diffuser "Spaced" durant l’été, et ainsi créer l’émulation autour du film ?

A un autre moment, j’ai même été surpris pas un frisson. Et si, à cause de l’anonymat dans lequel est sorti le film, un péquin de base ne comprenait pas l’aspect second degré et rentrait dans le film au premier perdant de vue tout recul et tout le plaisir qu’on peut y prendre. A ne pas y manquer, ce type se fendra sur son blog d’un "qu’est-ce que c’était con ce film d’action".

Puis un autre sentiment m’est venu, de la compassion. Une forte envie de prendre Simon Pegg par l’épaule et de lui dire "mais tu sais, il y’en a qui t’aiment bien en France. Il ne faut pas leur en vouloir, ils ne te connaissent pas, c’est tout.". Mais se tenir debout devant un écran de ciné, le bras appuyé sur du vide, même quand on est tout seul dans une salle, ça fait très bête.

Mais quelle étrange situation que de se retrouver dans une salle prévue pour un grand nombre, de rire, d’attendre l’écho de la foule et de n’y trouver que le sien.

Et en plus, je parie que le film marchera très bien en DVD...

Post Scriptum

Le film est très drôle, très pêchu et référentiel, un peu dans la lignée des oeuvres de Pegg/Wright/Frost. Un film parodique à l’ancienne, qui ne se contente pas de copier coller un film existant et de parodier ses scènes ("Scary Movie, pour ne citer que celui là), mais sert une histoire avec des personnages par lesquels arrivent la parodie. A voir, pour sûr. Même seul.