LE QUINZO — 2.15 : Où l’on est patient, mais pas trop
Toutes les deux semaines, l’humeur de la rédac’ du Village
Par Sullivan Le Postec & Dominique Montay • 3 mai 2011
Le Quinzo, saison 2, épisode 15. Cette semaine, Dominique rappelle gentiment à nos amis créatifs qu’il n’a pas du tout envie d’attendre que ça devienne génial à l’épisode 322. Quant à Sullivan il fait un truc inédit : parler de "Doctor Who".

Première impression

Par Dominique Montay.

« Oui, mais vous allez voir, ça monte en puissance »
« Attendez l’épisode 6, il est génial »
« Ca démarre vraiment en milieu de saison »
« Le pilote n’est pas le meilleur épisode »

J’EN PEUX PLUS !!!!

On se calme… Boisson fraîche… Respiration profonde… Le rictus de haine présent sur mon visage s’estompe pour laisser place à mon stoïcisme britannique habituel. Un stoïcisme tout Grand Breton justifié par mes origines espagnoles et Nord-pas-de-Calaises.

J’en ai donc assez.

Depuis quand un pilote de série a le droit d’être faible ? Depuis quand c’est une gageure de déclarer, que ça va s’améliorer. Si si, restez, ça va être mieux, on vous jure… Pour une série de grand network, ça se comprend un peu plus. Les délais sont ramassés, aussi vite ecrit, aussi vite produit, dans cette urgence, on a le droit de se tromper. Mais au départ, il est ancré dans les esprits de tout le monde que le pilote doit être, en soit, un morceau de bravoure, ou au moins l’expression même de la série qui va en découler.

Quand il s’agit d’une série écrite plusieurs mois avant la diffusion, faire l’impasse sur un bon pilote est une faute professionnelle. Pourquoi je dis ça ? D’abord parce que quelqu’un de relativement proche (on travaille ensemble à l’occasion sur un site internet d’une richesse infinie à l’esthétique crypto-communiste) me force à regarder « Outcasts ». Et cette série n’usurpe pas sa réputation. Le pilote est un modèle du genre à ne pas suivre. En même temps, filer les rênes d’une série au type qui foirait tous les seasons premiere de « Spooks » période Adam Carter, c’était sûr que l’ouverture allait promettre. Ca ne rate pas.

Voir le pilote d’« Outcasts », c’est assister à un carambolage de voiture en direct, mais en se fichant du nombre de victimes. Réalisation propre et soignée qui sert un script sans intérêt bourré de poncifs, qui élimine son personnage principal et point d’entrée, et qui ne sait pas virer des scènes trop chères à l’écriture, pour au final les mettre en scène de façon idiote. Pour moi, tout le ridicule du pilote tient dans cette séquence où le président de Fort Haven fait un discours concerné à un vaisseau qui veut entrer dans l’orbite de la planète, mais va certainement se crasher. Evidemment, filmer les réactions des passagers aurait coûté un bras à la production (voir les laisser à l’état de tronc), donc on reste sur le président. Et idée de génie du réal pour ne pas faire une scène trop statique : « Hé coco, pendant ton discours, tourne en rond pendant que je panote ma caméra de gauche à droite pour te suivre, ça va faire chic ».

Ne blâmer que « Outcasts » pour ce ras-le-bol serait malvenu. Des mauvais pilotes, il y en a ailleurs. En ce moment, je me fade « Spartacus », mais je ne vais pas trop m’épancher dessus. Juste assez pour dire que le pilote est, en plus d’être idiot, d’une laideur infinie, et que le second épisode est frappé du syndrome Claude Lelouch [1].

Ce qui a stimulé l’écriture de ce billet, c’est aussi nos diverses rencontres avec les faiseurs de télé de notre contrée. Aussi remplis de bonnes intentions soient-ils, les entendre nous dire qu’une série démarre vraiment en milieu de saison me laisse plongé dans une piscine municipale de perplexité. Et j’aime pas les piscines municipales. Quand ça vient d’un auteur, on peut jouer la carte de la gentille naïveté. Mais quand ça vient d’un producteur, ça attriste profondément. Pense-t-il qu’il aura la possibilité d’obtenir 30 secondes de la chaîne pour y dire « Tenez 3 semaines encore, ça va devenir bien après, promis. Là c’est tout pourri, ça mène nulle part, même nous en projo on ne tient pas, mais revenez, revenez. Après, c’est super. »

C’est une série, pas un film. Les gens n’ont pas payé 11 euros, ils n’ont pas des lunettes 3D de 8 kilos sur le nez, ni un pot de pop-corn à 28 euros sur les genoux. S’ils trouvent que le début de l’histoire n’est pas bon ILS VONT PARTIR.

Réveillez-vous, et ne vous accrocher à des références venant de maîtres du genre (« The Wire » est un exemple qui revient si souvent…). Si ces séries qui démarrent difficilement sont renouvelées, c’est, dans le cas des meilleures, parce que le système des récompenses télés américaines a un vrai poids. Eux, leur « 7 d’or » existe toujours. Les Emmys peuvent sauver une série et lui donner le temps de prouver qu’elle a de la qualité. En France, en dehors des retours presses, qu’espèrer ?

Peut-être faire un bon, un fort, un grand pilote. Un épisode qui coûtera peut-être plus cher, qui plombera peut-être les deux-trois épisodes qui suivent, mais qui pourra pendant quelques temps, maintenir l’audience à flot, pour la relancer avec un autre épisode fort. Dans le cas des séries télés, pour le téléspectateur, il ne faut pas oublier que la première impression est souvent la seule qui reste.

Le Gérard du web-design ?

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Il te plaît pas mon design crypto-communiste ?
Source : http://www.jeuxvideo.com/forums/1-32-8023952-1-0-1-0-les-meilleures-series-anglaises.htm

C’est le moment de dire que la création de la V2 du Village est en cours. Et qu’elle arrivera avant 2012. Well, disons avant 2013, c’est plus sûr. Précisons aussi que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent !

Fandom is Evil

Par Sullivan Le Postec.

Ce lundi est tombé le chiffre de l’Appreciation Index de la BBC pour l’épisode 2 de la nouvelle saison de « Doctor Who », « Day of the Moon » dont la critique est en ligne, et cette note apporte des enseignements intéressants.

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En plus de l’audience, qui mesure le succès quantitatif, la BBC fait réaliser une étude qualitative de ses programmes, notés par un panel de 5000 spectateurs. Le système a été copié par France Télévisions il y a une paire d’années, mais je ne sais pas si cela continue aujourd’hui. En tout cas, le groupe ne communique plus sur les résultats.

On apprend donc que « Day of the Moon » atteint une note de 87 sur 100, la première partie, « The Impossible Astronaut », avait atteint 88. C’est une note excellente qui témoigne d’une haute adhésion des téléspectateurs au programme. Seul un seul premier épisode d’une nouvelle saison de la série avait atteint 88 auparavant (« Smith and Jones », de la saison 3), et seuls deux épisodes de la saison 5 ont atteint une note de 88 ou plus : le final en deux parties (avec 88 et 89 pour la première et la seconde partie).
Steven Moffat avait donné pour instruction au réalisateur Toby Haynes de filmer cette ouverture de saison avec l’ampleur et le sens épique d’un final, force est de constater que c’est comme cela que les ont pris les téléspectateurs.

Là où ce chiffre de satisfaction très élevé, qui place ces deux épisodes d’ouverture de la nouvelle saison parmi les préférés du grand-public depuis le retour de la série en 2005, est intéressant, c’est qu’il tombe alors que les fans de la série sont enferrés dans un débat inquiet sur l’avenir de la série.

La première inquiétude est celle d’un grand-public, et notamment des enfants, qui seraient incapables de suivre, la série devenant ‘‘trop compliquée’’. Pendant que les fans s’alarment, les vrais gens répondent simplement : « The Impossible Astronaut » et « Day of the Moon » ils adorent !Ils les place à la même hauteur que leurs épisodes préférés de la saison 5, qui étaient eux-même déjà bien portés sur le timey-wimey.
Les fans qui se focalisent sur les questions auxquelles les futurs épisodes devront répondre oublient un peu vite que ces deux épisodes ont présenté une histoire, celle de l’occupation de la Terre par les Silence, qui se suffisait à elle-même. Quant à imaginer que deux ou trois aller-retour dans le temps où des constructions scénaristiques ambitieuses comme celle du début du second épisode, avec le saut en avant de trois mois puissent perdre le public en route, c’est assez symptomatique d’une époque terrifiée par la complexité et qui imagine toujours son voisin plus bête qu’il ne l’est. Ce type de structure scénaristique, on le retrouve depuis des années déjà dans quelque chose d’aussi grand-public que la sitcom « How I Met your Mother ». Le niveau d’intelligence et de sophistification du public est bien plus élevé que ce que certains imaginent ! Ce refus de la condescendance qui consiste à prendre pour postulat de départ que les gens sont idiots, c’est bien ce qui fait la richesse de la télévision britannique, l’inverse faisant la pauvreté de la télévision française.

Dans ces moments-là, on ne peut que féliciter les créatifs de la série, Russell T Davies d’abord, Steven Moffat aujourd’hui, pour la distance qu’ils ont mis entre eux et le fandom de la série. Ils ont été bien aidés en cela par l’hystérie générale qui existe dans le fandom de « Doctor Who ». On peut considérer qu’un fandom de série de SF implose et sombre dans le n’importe quoi, pour rester poli, après cinq à sept ans. Alors dans le cas d’une série datant des années 60 !...
A peine annoncée son arrivé au poste de showrunner de la série, Steven Moffat se félicitait d’ailleurs : ‘‘maintenant je vais pouvoir aller lire sur Outpost Gallifrey [2] que c’est moi qui ait détruit « Doctor Who » à jamais !’’ Un an après l’arrivée à l’antenne de ses épisodes, on en est à peu près là !

Dernière mise à jour
le 3 mai 2011 à 00h44

Notes

[1J’ai horreur de Claude Lelouch, mais son film « Roman de Gare » m’avait plutôt agréablement surpris. Par contre, je n’arrive pas à me dire si c’est le film qui est bon, ou si c’est juste meilleur que ce qu’il fait habituellement. Ici, pour Spartacus, l’épisode 2 est bien meilleur que le pilote, mais est-il bon pour autant ? Tough…

[2Le principal forum anglophone sur la série, fermé et remplacé par un autre depuis.