MYSTERE - Épisodes 1&2
Un peu de style, pas encore de bon goût
Par Sullivan Le Postec • 1er juillet 2007
Alma Productions - TF1
Diffusion le 20 juin 2007
Scénario : Malina Detcheva et Franck Ollivier
Réalisation : Didier Albert
Avec : Toinette Laquière, Arnaud Binard, Yann Sundberg, Babsie Steger, Marisa Berenson, Lion, Jean-Philippe Ecoffey, François Vincentelli, Fanny Cotençon.

Les différentes annonces concernant la saga 2007 de TF1 nous auront souvent plongées dans la perplexité. Depuis quelques années, la tendance est à renouveler le genre, né sur TF1 à la fin des années 80 et installé par l’immense succès des « Coeurs Brûlés », en y implantant des éléments de genre, qu’ils tiennent du polar (« Zodiaque » et sa suite) ou du fantastique (« Dolmen », quoi que le fantastique n’y était que peu assumé). « Mystère » s’inscrit dans cette continuité, d’ailleurs, ses scénaristes sont ceux de « Zodiaque » et le réalisateur le même que pour « Dolmen ». Elle la prolonge aussi puisque cette fois-ci, le canevas classique de la saga de l’été est adossé à des Crop Circles et une possible présence extraterrestre ! Et l’on craignait franchement le ridicule...

Quand on a vu les photos de presse des épisodes publiées sur le site Myth0s, il est apparu qu’à TF1, le ridicule avait peut-être été suffisamment craint aussi pour tenter de l’éviter. Ces photos laissaient voir en effet des décors soignés, auxquels on s’était attachés à donner une ambiance, un éclairage travaillé, notamment au niveau des couleurs, bien plus intéressant que le rendu brut auquel la fiction française nous a habitué.

Un peu de style

Cette impression est confirmée par le visionnage des deux premiers épisodes de la série, programmés ce mercredi 20 juin sur TF1. Il n’y a pas de révolution, mais une volonté visible de donner du style à ce qui est tourné. La série s’ouvre sur un générique à l’américaine, sans grande originalité, mais relativement efficace, et qui se paie même le luxe de se conclure sur une de ces tag-line chère aux séries de Chris Carter. Point ici de ’’La Vérité est Ailleurs’’, mais à la place un ’’Nous ne sommes pas seuls’’ que « X-Files » utilisait d’ailleurs dans son tout premier épisode. Juste après une séquence d’avion en perdition assez bien faite (malgré l’interprétation des pilotes), le décors de la base militaire, sombre mais moderne, donne le sentiment d’avoir suscité de réelles attentions. Quand, après un quart d’heure, surgit à l’écran un beau traveling compensé au moment où l’héroïne comprend qu’elle est personnellement liée à ces Crop Circles, on réalise bien qu’il y a derrière la série une vraie volonté de dynamisme qui s’est appliquée tant aux scénarios qu’à la mise en image. Un peu plus loin, lors d’une séquence de rêve de l’héroïne, la série offre même un plan très joli du soleil dans lequel les reflets de la lumière sur l’objectif prennent la forme du Crop Circle de l’histoire.

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Malheureusement, ce même plan est repris pas moins de deux fois dans le second épisode, utilisé comme une vulgaire transition entre séquences (transitions qui ne sont pas le point fort de la série), démontrant que si « Mystère » sait faire preuve de style, elle donne déjà des signes de manque de retenue et de bon goût. C’est le même syndrôme qui touche une musique parfois vraiment réussie (et dont quelques notes de piano font parfois écho à celles de « Signes », le film de Shyamalan dont le point de départ était aussi les Crop Circles) : souvent très efficace, mais avec une grosse tendance à démarrer ou s’arrêter un peu n’importe comment, où à se mettre à pétarader sans trop de raisons si ce n’est de survendre un petit rebondissement ou une mini scène d’action.

Deux histoires

Le scénario possède en quelque sorte deux niveaux de lecture. Le téléspectateur pourra alternativement s’intéresser soit à l’intrigue familiale de saga d’été, soit à la trame de science-fiction. Ni l’une ni l’autre ne témoignent d’une grande originalité.
Laure de Lestrade revient dans sa région natale, bientôt suivie par son fiancé, pour mettre en vente la maison de sa mère. Sa venue n’est pas au goût de son demi-frère, qui la déteste. Leur père a en effet quitté sa première famille pendant dix ans pour s’établir avec la mère de Laure, avant que celle-ci ne disparaisse. Le Général de Lestrade a alors retrouvé ses premières amours tandis que Laure était élevée pendant 4 ans par sa tante, qui aujourd’hui tente de la dissuader de rompre tout à fait avec ce passé en se séparant de cette maison. Pour peu qu’on soit client de soap opera, Tf1 a diffusé un certain nombre de sagas estivales assez réussies dans le genre romanesque fort en mélo (globalement la période « Coeurs Brûlés » - « Terre Indigo »). On ne sait pas très bien s’il faut y voir un manque d’intérêt de la part des scénaristes, ou un sentiment d’impossibilité de renouveler les éléments clefs du genre, mais cet aspect de « Mystère » est un ratage presque total. Les personnages ne dépassent jamais le stade du cliché et leur caractérisation psychologique tient généralement sur un timbre-poste. Un sentiment décuplé par une tendance horripilante à leur faire déballer dans des lignes de dialogues abominables toutes leurs arrières-pensées. Pas la peine d’espérer trouver du sous-texte dans la série. A ce titre, le personnage de François de Lestrade est emblématique. Le demi-frère de Laura lui déballe sa haine à sa quatrième ligne de dialogue avant que sa femme ne s’autorise sur lui une psychanalyse de comptoir qui a surtout le tord de correspondre parfaitement à l’intention des scénaristes. Globalement, les dialogues s’inscrivent dans la tradition de la fiction française de ces dernières décennies, c’est à dire qu’ils sont complètement ratés.
Le jour de son retour dans la région est aussi celui où un Crop Circle fait son apparition dans un champ. Un phénomène qui reçoit toute l’attention de la base militaire dans laquelle travaille le père et la demi-frère de Laure de Lestrade. A l’occasion de ce retour vers le passé, elle découvre qu’elle avait dessiné ce même motif dans ses cahiers d’écolière. Sans compter que le même phénomène se serait produit le jour de la disparition de sa mère en 1990. Et que d’autres disparitions se sont produites autour de Laure, par exemple celle de son amour d’enfance, Christopher, ou d’une de ses amie. La mère de celle-ci, aujourd’hui retirée dans un couvent, se trouvait dans un avion 26 ans plus tôt, qui se retrouva en perdition au milieu d’énormes turbulences avant que le calme ne revienne brusquement, au milieu d’un intense rayon de lumière. Quel lien entre tout ces événements ? Faut-il y voir, comme Erika, la femme de François de Lestrade, une influence extraterrestre ?

Des motifs récurrents

Cette partie de la trame recycle sans génie, mais sans énorme faux pas non plus, de nombreuses inspirations dans le domaine de la science-fiction télévisuelle, au premier rang desquelles on citera « X-Files » et les « 4400 ». Le gouffre qualitatif qui sépare ces deux séries en dit d’ailleurs assez long sur le sentiment d’inconsistance qui peut parfois frapper « Mystère ». On retrouve de nombreuses images qui en rappellent d’autres, sans trop savoir s’il faut y voir une réelle inspiration ou un simple manque d’originalité, car il s’agit d’autant de motifs récurrents du genre : un avion intercepté par les extraterrestres, un Ovni qui s’avère être un hélicoptère, qui évoquent respectivement « Tempus Fugit » ou « Without » dans « X-Files », une nonne hantée par son passé qui renvoie aux « Rivières Pourpres » de Grangé mis en scène par Kassovitz. Le motif des enlevés et la prépondérance de figures d’enfants assez mystérieux font aussi parti des classiques du genre auxquels s’essaient la saga.
On l’a dit, Une volonté manifeste de tenir un rythme soutenu a dirigé l’écriture de la série. De fait, l’intrigue avance relativement vite, à fortiori si on prend pour point de comparaison une fiction TF1 classique. Du mauvais coté des choses, cela se fait parfois au prix d’une certaine artificialité des rebondissements. Ainsi, agressée par un inconnu au beau milieu d’un Crop Circle, Laure appelle son père qui se trouve dans la base militaire à 30km de là, et attend tranquillement sa venue.
Les personnages souffrent le plus souvent des même défauts que dans la partie soap de l’intrigue. Ainsi, le mystère qui entoure le personnage d’Arnaud Binnard, le fiancé de Laure est l’objet d’allusions si lourdes que la révélation de son rôle réel dans les prochains épisodes a peu de chance de surprendre qui que ce soit. Patrick Bauchau, curieusement non crédité au générique mais seulement parmi les guests, incarne un personnage pour l’instant assez monolithique et intérieur. Comme pas mal d’autres aspects de la série, on attend de voir ce que donnera son développement sur sa longueur. Savoir que la série a été développée initialement sur 8 épisodes, puis augmentée à 10 et enfin à 12 à une date très rapprochée du tournage (ou pendant celui-ci ?) est plutôt de nature à nous donner des doutes.

Ces deux premiers épisodes, sans impressionner, c’est le moins qu’on puisse dire, on réussi deux paris : ne pas ennuyer et ne pas sombrer dans le ridicule ou le grand-guignol. On espère que la suite sera (au moins) à l’avenant.

Post Scriptum

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