SURVIVORS - Saison 1
Apocalypse now
Par Sullivan Le Postec • 12 janvier 2010
La première saison de « Survivors » arrive sur NRJ12 au moment même où la seconde débarque sur BBC1 en Grande Bretagne. Ca vaut le coup de regarder ? Plutôt, oui.

Nouvelle venue dans le genre de la série post-apocalyptique, la première saison de « Survivors », diffusée en décembre 2008 à 21h sur BBC1 est une nouvelle adaptation d’un roman du grand auteur de science-fiction Terry Nation — qui avait déjà fait l’objet d’une série, restée célèbre en Angleterre, et qui dura trois saisons dans les années 70. Un pilote de 1h30 et 5 épisodes de 55 minutes composent la première saison qui arrive ce mardi 12 janvier sur NRJ12. Les six épisodes de la seconde saison sont quant à eux diffusés à partir du même soir sur BBC1.

La fiction post-apocalyptique ne s’adapte que difficilement à la télévision. D’un coté, ce medium est bien plus idéal que le cinéma pour raconter la lente reconstruction d’une société. Mais ses budgets limités rendent compliqué d’illustrer à l’écran la réalité d’un monde dévasté. La série télé y revient cependant régulièrement (ces dernières années aux Etats-Unis, on pense à « Dark Angel », « Jeremiah » ou « Jericho », et seule la deuxième vaut de rester dans les mémoires). Nouvel avatar du genre, « Survivors » s’inscrit clairement dans le haut du panier.

Pourtant, son auteur principal étant Adrian Hodges, on s’attendait au pire. Le sujet de « Survivors » aurait difficilement pu survivre à un traitement aussi cartoonesque et à des personnages taillés à la serpe tels que ceux de l’autre série en cours du diffusion du même créateur, « Primeval » (connue (?) en nos contrées sous le titre ridicule made in M6 de « Nick Cutter et les portes du temps »). Fort heureusement, stylistiquement, « Survivors » est à l’opposée. Loin d’être une série d’action, elle se veut au contraire contemplative et atmosphérique, ce qu’elle réussit plutôt bien.
La première partie du Pilote se concentre sur la chute du monde tel que nous le connaissons, suivi par les yeux d’un petit nombre de personnages que l’histoire va bien sûr éventuellement amener à se rencontrer. Du moins pour ce qui concerne les survivants. Astucieusement, la BBC a en effet inclus dans les campagnes de promotion et dans les crédits du générique de cet épisode certains acteurs qui ne survivent pas à l’épidémie de grippe aviaire mutante qui fait disparaître en l’espace de quelques jours près de 99% de la population humaine.
Dès la seconde partie, les personnages principaux de la série, errant seuls chacun de leur coté, se rencontrent et décident finalement — et trop rapidement et artificiellement — de rester ensemble réunis par le personnage d’Abby Grant, son idéalisme et sa verve.

Cette galerie de portraits est le point fort de la série. Julie Graham m’a parue excellente dans le rôle d’Abby, parvenant à faire croire à sa force d’attraction, son idéalisme et sa rigueur morale sans que le personnage ne devienne agaçant — pour moi en tout cas. Mais ce type de personnage est voué à en irriter certains. La quête de son fils, qu’elle veut croire en vie, est touchante et à l’avantage de ne pas s’éterniser grâce au format resséré de la série. Justesse aussi dans le traitement du personnage de Tom Price, condamné à 25 ans de prison et évadé à la faveur de l’épidémie : menaçant mais pour autant pas psychopathe sanguinaire (ce qu’il n’a pas de raison d’être), Price reste avec le groupe parce qu’il y trouve son intérêt. Quelque part, l’idéalisme d’Abby l’atteint aussi, même s’il ne s’élèvera probablement jamais aussi haut que ce qu’elle veut voir dans chacun des hommes qui l’entourent. Paterson Joseph, un temps donné comme le prochain Doctr Who est lui-même excellent dans le rôle de l’individualiste Greg Preston.
Un autre point fort de la série est constitué du duo Al Sadiq et Najif Hanif. Le premier est un richissime trentenaire dont la vie n’a jamais été faite que de luxe et d’oisiveté. Le choc culturel d’un monde soudain dépourvu de technologie et de consommation est d’autant plus énorme pour lui. Le second est un jeune garçon attachant de 11 ans, pratiquant, qui réprouve le comportement de mauvais musulman du premier. Ce duo se forme rapidement et noue une relation fraterno-paternelle particulièrement riche et intéressante.

Plus largement, d’ailleurs, l’ambition de la série de représenter une société anglaise diverse en terme tant d’origine que de classe sociale est l’un des aspects les plus intéressant de la série (aussi parce que cela sonne juste) qu’il est assez lamentable de voir taxé de politiquement correct ici ou là — ce qui ne fait d’ailleurs que prouver à quel point quarante ans de télévision accaparé par les classes moyennes à supérieures blanches ont fait des dégâts dans les images individuelles (plus ou moins) inconscientes de nos sociétés.

« Survivors » n’est pas non plus sans défaut. Elle se plante assez méchamment quand le personnage de la Ministre de la santé fait son retour après être apparue dans la première partie du Pilote. Le troisième épisode aborde en effet le risque de dérive fasciste émanant de la volonté de rétablir l’autorité dans une société devenue ultra-violente. Passionnant et en résonance avec l’actualité, le thème est malheureusement traité de façon un peu négligente et préfère le rebondissement facile à l’approfondissement. Surtout, le personnage de la Ministre, qui se veut un portrait acide d’une nouvelle génération politique aux dents longues, perd toute crédibilité quand elle se met à se salir les mains et procéder elle-même aux exécutions capitales : un raccourci aussi invraisemblable que ridicule. Heureusement, le quatrième épisode est plus juste dans sa manière de dépeindre une société qui, sous prétexte de se baser sur le mérite et la valeur, devient une société d’exclusion et de rejet tandis que l’apparence de la démocratie est tout sauf la démocratie réelle.

Il est aussi permis d’avoir des doutes sur l’intrigue dite du laboratoire, vraisemblablement liée aux origines de l’épidémie. Elle n’occupe que la scène finale du premier et du deuxième épisode, qu’elle conclut donc sur une note de complot peu originale et probablement superflue. Et les développements apportés par le troisième épisode ne sont guères plus convaincants... Ce pan de la série est amené à être mis en avant dans les épisodes qui arrivent sur BBC 1, au vu du cliffhanger qui conclut la première saison et que nous ne dévoilerons donc pas ici.

En attendant d’en connaître plus sur le volet mythologique, on répètera donc que l’aspect psychologique et intimiste de la série vaut largement le détour à lui seul.


Post Scriptum

« Survivors »
2008. BBC Drama Production pour BBC One.
Créé par Adrian Hodges d’après le roman de Terry Nation.
Producteurs exécutifs : Susan Hogg et Adrian Hodges.