ORGUEIL ET QUIPROQUOS (Lost in Austen)
L’imagination au service des traditions dans cette mini-série de 2008
Par Emilie Flament • 23 février 2010
L’Univers Austinien d’« Orgueil et préjugés » passé à la moulinette d’une adaptation très originale, mais fascinée par le matériel original, c’est l’objet de cet « Orgueil et quiproquos » diffusé dans le cadre de l’été british d’Arte.

Imaginez que vous soyez tellement passionné par un livre, un film ou une série, que vous finissiez par ouvrir un passage entre la réalité et votre univers rêvé. Et bien, voici le point de départ de cette adaptation très libre d’« Orgueil et préjugés ». Amanda Price tient ce livre pour Bible. Ce n’est pas qu’elle fantasme sur Darcy, elle voudrait juste une peu de délicatesse et de romantisme dans sa vie... Pas vous ?

S’attaquer au “patrimoine” anglais, de part ses grands auteurs, peut être une opération risquée. Chacun a déjà son opinion sur le livre et sur les éléments qui doivent être mis en avant. Certains considèrent que l’adaptation doit rester fidèle, d’autres pointeront le manque de créativité et de prise de risques si c’est le cas. C’est donc par étapes que les scénaristes britanniques sont passés des traditionnelles versions du dimanche après-midi aux adaptations très libres qui ne cherchent à conserver que l’essence de ses intrigues et son univers. « Lost in Austen » est un des projets les plus aboutis dans ce domaine. Extrêmement rafraîchissante, elle réussit à reproduire quelques unes des sensations qu’on obtient à la lecture du roman, tout en se différenciant assez pour que les changements majeurs ne choquent pas les plus conservateurs. Petit tour dans le monde d’Austen...

Amanda au pays des merveilles

Que les non-accros à la science-fiction ne s’effraie pas ! Le voyage dans le temps n’est pas le centre de la série. Le passage vers la maison de Beckett se fait plus à la façon d’un conte de fée. A la façon d’Alice, un personnage extraordinaire, qui se trouve être son héroïne favorite, montre à Amanda le chemin vers un autre monde, qu’elle ne croit d’abord pas réel et où elle se retrouve coincée. L’univers de Jane Austen se prête facilement à cette ambiance : ses manières, son élégance, la délicatesse de son langage ... Cette mini-série exploite parfaitement ce filon, utilisant cette fantaisie pour contrebalancer l’irréalisme de la situation et permettre au spectateur d’adhérer à cette vision.

Life on Austen’s Planet

Amanda amène un nouveau point de vue sur le début du XIXème. Cette époque est toujours associée à cette « classe », cette élégance. En quelques sortes, « Lost in Austen » la confronte à la modernité, de façon très douce et anecdotique certes, mais cela apporte une touche d’humour non négligeable. A priori, ce qui manque le plus à Amanda chez les Beckett... c’est sa brosse à dents !
On ne peut qu’apprécier le coté « Life on Mars » de la production. Le choc des cultures fonctionne ici dans les 2 sens : Amanda doit s’adapter à l’époque géorgienne et Elizabeth à la vie moderne. Une fois de plus, on ne va pas au bout des choses, le programme reste un divertissement, mais au moins les questions sont posées, libre au spectateur d’y réfléchir. Féminisme, romantisme, mariage arrangée, choix de vie... Amanda est une femme moderne mais cependant elle choisit d’abandonner notre société pour une autre, qui même si le féminisme fait son apparition, reste une société d’homme. Est-ce parce que le scénariste est un homme, parce que le romantisme doit l’emporter ou est-ce qu’un message plus critique sur notre société s’y cache ?

PNG - 428 ko

On connaît la chanson

Amanda connaît tout d’« Orgueil et Préjugés ». Elle connait la nature de Darcy, elle est au courant de la trahison de Wickam, elle sait que Hingley et Jane s’aiment... alors comment faire pour que cela se passe tel que cela doit se passer, malgré un élément très perturbateur, elle ? Elle qui disait ne pas rêver de Darcy tombe amoureuse de lui. Mais il doit épouser Elizabeth pour ne pas changer l’histoire.
Le meilleur point de cette omniscience est qu’elle est faussée. Amanda pense tout savoir mais elle n’a qu’une version de l’histoire. Tout le roman de Jane Austen repose sur les barrières posées par les préjugés des uns sur les autres dans cette société. Malgré ses connaissances, Amanda en arrive aux mêmes conclusions qu’Elizabeth au départ : Darcy est froid et hautain. Puis, elle en tombe également amoureuse. Le cas Wickam est plus intéressant. Le scénariste en a fait un personnage complètement différent de celui du roman. Le puristes crieront au scandale ! Mais c’est un geste extrêmement bien pensé. Les préjugés qu’à Amanda sur lui l’empêche de voir sa vraie personnalité. La boucle est bouclée.

He is not Colin Firth !

En plus d’être cohérente et rafraîchissante, la mini-série est pleine de clins d’œil aux adaptations précédentes. Comme je vous le disais dans une précédente critique, Colin Firth a fait une forte impression en Darcy ! Amanda va même jusqu’à faire reproduire la scène du lac, qui n’existe que dans l’adaptation d’Andrew Davies, au pauvre Darcy qui s’y prête d’ailleurs un peu trop sagement.
C’est d’ailleurs le point négatif de cette adaptation. Que les personnages soient modifiés ne me choque pas. Qu’Elizabeth passe non pas au second mais au quarantième plan non plus. Mais que Darcy soit aussi peu convainquant... si ! Le personnage en devient plus ridicule que touchant. Il n’a rien du Darcy de Matthew Macfadyen ou de Colin Firth. Dommage !


Le sujet du forum sur la mini-série.

Post Scriptum

« Lost in Austen »
Adaptation libre du roman « Orgueil et Préjugés » de Jane Austen
4 épisodes de 45 minutes
Diffusé en 2008 par ITV, avec Jemina Rooper et Elliot Cowan
Adaptation : Guy Andrews
Réalisation : Dan Zeff
Inédit en France