A CAUSE D’UN GARCON
Tu verras, ça te passera
Par Sullivan Le Postec • 4 janvier 2007
Dans un scénario signé (du pseudonyme) Vincent Molina, le personnage de Vincent Molina doit affronter les difficultés liées à son coming-out (plus ou moins forcé) à 17 ans. Il y a du vécu dans l’air.

Dans un scénario signé (du pseudonyme) Vincent Molina, le personnage de Vincent Molina doit affronter les difficultés liées à son coming-out (plus ou moins forcé) à 17 ans. Il y a du vécu dans l’air.

Vincent Molina, Noémie et Stéphane sont trois amis en classe de Terminale dans un Lycée de la région parisienne. Vincent est le meilleur élément de l’équipe de natation du Lycée et un très bon élève. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes, si ce n’est un secret que Vincent cache à tout le monde, y compris ceux dont il est le plus proche. Ce secret, ce sont ses amours, et notamment sa relation avec un garçon à qui il rend souvent visite, mais pour qui il n’est qu’une brosse à dent parmi d’autres dans la salle de bain.
Tout bascule avec l’arrivée au Lycée d’un nouvel élève, Benjamin, avec qui une attirance s’installe immédiatement. Et un peu trop visiblement. Un matin, en arrivant, Vincent trouve sur le mur un graffiti jamais terminé ’’Molina est un PD. Il suce d...’’
La vie de Vincent change alors brusquement. Il doit se justifier auprès de ses amis, à qui il a dissimulé la vérité, et particulièrement auprès de Noémie, avec qui il vient de coucher lors d’une fête arrosée. Il doit affronter la réaction des autres élèves, qui le rejettent brusquement, de même que celle de son propre frère, qui révèle ce qui s’est passé à leurs parents.
Forcé de se confronter, tout de suite et maintenant, à la question de son identité et de ses rapports avec les autres, Vincent doit trouver sa place dans un monde qui ne cesse de se redéfinir autour de lui.

Expressionisme

La réussite d’ « A Cause d’un garçon » est moins celle d’un scénario que celles de portraits et d’interactions successives entre les différents personnages, pour la plupart merveilleusement écrits et interprétés. Une part de progression narrative, d’enjeu dramatique même, fait en effet un peu défaut au téléfilm, dont la plupart des conflits semblent se résoudre trop facilement, d’une part, et sans que le personnage principal ne fasse jamais grand-chose pour, d’autre part.
Mais le pari de cette collection de M6 à laquelle « A cause d’un garçon » appartient, ’’Carnets d’Ados’’ était de montrer le monde depuis le point de vue d’un adolescent avec psychologie et finesse. Un pari que le film rempli à la perfection.

Avec les yeux de Vincent, le film dresse ainsi une série de portraits, souvent justes, jusque dans leur caricature. En effet, certains passages qui sont agaçants si on se place d’un point de vue extérieur prennent parfaitement sens une fois qu’on endosse la subjectivité du personnage central. Bruno, son fuck-buddy, est un triste bonhomme sans personnalité incapable d’exprimer le moindre intérêt pour autre chose qu’un plan cul ? Régis, son frère, est un sale con ? Le Marais est un remake permanent de la « Cage aux Folles », en plus cruel ? Oui, du point de vue de Vincent, à ce moment donné de sa vie ; et c’est donc ainsi qu’on les voit. Ces descriptions subjectives ne sont pas pour autant représentatives de la réalité.
Et c’est ainsi que ces portraits, une fois rassemblés, finissent par composer celui de Vincent, par jeu de miroir et de facettes.

La réussite et la limite d’ « A cause d’un garçon » est de multiplier ces portraits et ces interactions. Une réussite parce que le téléfilm parvient ainsi un tableau qui semble à peu près complet de l’entourage d’un lycéen. Limite parce qu’à force, le tout manque parfois un peu de focus. Ainsi, si l’on adhère aux partis-pris qui viennent d’être évoqués, le visionnage du film pourra être très agréable. Sinon, on se trouvera probablement plongé dans un certain ennui.
Parmi ces portraits, citons pèle-mêle celui du prof de français de Vincent, homo dans le placard comme l’on deviné ses collègues qui lui demandent d’intervenir en parlant à Vincent précisément pour cette raison (ce qui, au passage, ne me semble pas du tout réaliste). Il refuse en bloc. Avant de finalement changer d’avis, venant à la rencontre de Vincent tel un espion sous couverture lui prodiguer quelques conseils inquiets. Il n’est pas certain qu’il ait aidé le jeune homme de la façon dont il l’avait imaginé. Ou encore celui du frère de Régis, au chômage, et qui se débat avec difficulté contre une estime de soi au plancher qui le rend vindicatif vis à vis de tout et de tout le monde.

Naturalisme

Paradoxal passage obligé des téléfilms français traitant du sujet de l’homosexualité masculine, puisqu’il ne s’agirait pas de s’aliéner complètement les téléspectateurs hétéros, l’aventure sexuelle entre le héros et sa meilleure amie parvient à éteindre un peu l’agacement provoqué par le systématisme de cette intrigue en étant globalement subtilement écrite. Même si on est pas toujours très sûr que ces personnages aient réellement 17 ans, surtout dans la scène où Vincent vient se réfugier chez Noémie après s’être enfui du Marais.
L’intérêt de ces scènes est aussi de parfaitement remettre en perspective la situation de Vincent par rapport à celle de son entourage. Ce film « de point de vue » est forcément tout entier tourné vers son personnage principal, mais Noémie se charge de pointer l’égoïsme de Vincent dès lors dégagé.
On notera quand même avec une pointe d’amusement que les différentes séquences mettant en scène une sexualité hétéro sont 10 fois plus osées que les très suggestives scènes entre gay. Visiblement, à M6, on avait peur de choquer, on se contentera alors pour attirer le public gay de très ironiques séquences entre garçons dans les vestiaires. On y passe d’une séquence initiale très homo-érotique mais ancrée dans le non-dit, à la scène la plus directe de rejet que doive affronter Vincent après que sa sexualité ait été révélée.

Rien de tout ceci n’aurait pu avoir le moindre résultat sans le concours de comédiens de bon niveau. Par chance, « A cause d’un garçon » en compte plusieurs à sa distribution, Au premier rang desquels Julien Baumgartner lui-même dans le rôle de Vincent. Expressif, il parvient avec autant de subtilité que d’efficacité à nous faire partager les tourments par définition très intérieur que son personnage traverse. Notons pour l’anecdote que Baumgartner a fait le Conservatoire avant d’en être viré au bout d’un an pour avoir tourné « Sexy Boys », un « American Pie » à la française qui ne méritait pas qu’on lui prête autant d’attention. Julia Maraval se révèle elle aussi une interprète intéressante, et François Comar (« Âge Sensible ») parvient à ne pas être remarqué que pour son physique (ce qui n’était pas si facile, vu le très agréable physique en question).
A l’inverse, Jérémie Elkaïm, qui hante le film plus qu’il n’y joue, semble avoir téléphoné sa prestation depuis une autre planète. A vrai dire, il ne fait qu’y transporter ce type de jeu blanc qu’affectionne un certain cinéma français mais qui, ici, se révèle à coté du sujet. Il contribue dès lors largement à rendre insupportable son personnage de pseudo-intello sombre et sans vie, et complètement incompréhensible la fascination de Vincent à son égard.

« A cause d’un garçon » n’avait d’autre ambition que celle de proposer un carnet d’ado, un moment de vie vu des yeux d’un jeune homme de 17 ans au moment de la découverte de son homosexualité. Si l’on ne lui en demande pas plus, alors force est de constater qu’il l’a remplie parfaitement, qui plus est avec classe et empathie.


« A Cause d’un garçon » est disponible en DVD chez Antiprod, même si le film y a été gravé un peu n’importe comment (format 16/9ème incompatible avec un écran 16/9ème...)

Post Scriptum

« A Cause d’un garçon »
M6 - Capa Drama
Première diffusion : 13 mars 2002 (dans la collection « Carnets d’ados »)
Scénario : Vincent Molina
Réalisation : Fabrice Cazeneuve
Avec : Julien Baumgartner, Julia Maraval, François Comar, Jérémie Elkaïm