FAIS PAS CI, FAIS PAS ÇA — Saison 3, partie 1
Une série ressuscitée !
Par Sullivan Le Postec • 24 novembre 2010
Je suis le premier à avoir cru « Fais pas ci, Fais pas ça » morte et enterrée après la pénible saison 2, qui devenait de plus en plus mauvaise épisode après épisode. Et j’avais tellement tort !

« Fais pas ci, fais pas ça » est de retour ce mercredi 24 novembre à 20h35 sur France 2, pour une troisième saison de huit épisodes divisée en deux parties. La première (celle que nous avons vu avant de rédiger ce papier), tournée il y a presque un an, commence à Noël et se prolonge les semaines suivantes. La seconde, située quelques mois plus tard, a été tournée cet été.

La raison de cette division est probablement à rechercher du côté du gros changement survenu en coulisses. Anne Giafferi, la créatrice, principale scénariste, directrice artistique et occasionnellement réalisatrice des deux premières saisons (auparavant co-auteure des excellents « Procès de Bobigny » et « Marie Besnard, l’empoisonneuse », entre autres) a quitté le navire à l’issue de la saison 2 pour travailler à d’autres projets. Elle a tout de même participé à concevoir les grandes lignes de l’histoire de ces quatre épisodes, avec les scénaristes Claire Lemarechal et Jean-André Yerles, présents sur la série depuis la première saison. Une nouvelle auteure, Chloé Marçais, scénariste chevronnée qui fut notamment l’une des co-créateurs d’« Age Sensible », a ensuite pris le leadership sur l’écriture.

Une équipe scénaristique toute nouvelle prenant le relais après une saison ratée, pour cause d’un reformatage conceptuellement catastrophique imposé par la chaîne pour le passage en prime-time... il était possible de se faire du souci. Mais la nouvelle équipe d’auteurs relève avec brio le défi — même si quelques petits détails ont été perdus en route, ce qui fait que les personnages et le « conflit » entre les deux familles sont un tout petit peu moins définis qu’au début de la série. Un exemple : à l’époque de la première saison, il n’y avait que des produits premiers prix sur la table des Lepic, ce qui caractérisait bien ces parents catho-économes-tradis un peu perdus dans une société d’hyperconsommation.

Je m’imprègne

Franchement, j’aurais très bien pu ne plus jamais regarder la série après la saison 2. L’épisode 2.01, je l’avais pris pour une réintroduction légère avant que la suite ne nous ramène au cœur du sujet. Il n’en fut rien et, au fil des cinq autres épisodes, j’assistais, incrédule, à l’effilochage de la série que j’avais tant aimée. Elle sombrait peu à peu dans la caricature et se prostituait pour accueillir de la guest-star people de plus ou moins mauvais goût. Le récit était plombé par un fil rouge insensé et pénible, qui se résolvait de façon humiliante dans un épisode 6 inouï de débilité.
J’aurais très bien pu en rester là, et si jamais c’était votre cas aussi, faites-moi confiance et redonnez sa chance à la série, qui le mérite.

La saison 2 a sans doute servi de démonstration par l’exemple de ce qu’il ne fallait surtout plus faire. Pourtant, j’avoue avoir regardé le premier épisode la main sur les yeux, paniqué à l’idée que puisse débarquer une nouvelle intrigue feuilletonnante incongrue et artificiellement plaqué sur l’univers des Bouley / Lepic. J’ai même eu une grosse frayeur quand s’est profilé une possible accusation de meurtre contre Denis Bouley. Heureusement, il ne s’agissait pas du lancement d’un nouvel arc saisonnier.

De fait, ces quatre premiers épisodes de la saison 3 n’ont pas d’arc à proprement parlé, même si la série feuilletonne beaucoup. Elle trouve un joli équilibre dans la gestion d’épisodes qui se suffisent à eux-mêmes, tout en se terminant toujours sur un cliffhanger qui donne envie de voir la suite. La réalisation est efficace, même si, comme c’est régulièrement le cas à la télévision française, elle manque souvent de découpage, ce qui un peu plus handicapant pour « FPC² » vu sa nature de comédie. Évidemment, les quatre acteurs principaux sont parfaits, comme chacun s’y attend.

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C’est une question de curseur

Grands oubliés de la saison 2, les ados retrouvent enfin une utilité narrative et ne se limitent plus à assurer une figuration de luxe animant les arrière-plans. Même le tout-jeune petit dernier des Lepic a droit à deux ou trois répliques. « FPC² » est toujours racontée principalement du point de vue des parents (ce qui transparait notamment quand les deux familles se retrouvent liées par une histoire d’amour entre deux de leurs rejetons) mais les enfants ont suffisamment d’os à ronger pour redevenir ‘‘vivants’’ et reprendre leur juste place.

De la même manière, l’humour de la série redevient plus subtil, abandonnant le gros gag bien lourd qui revenait bien trop souvent en deuxième saison. L’humour est plus proche des personnages, découle de leur éducation ou de leur psychologie, et c’est tellement mieux comme ça !

Un des axes intéressant de la saison est la manière dont elle montre les deux familles se rapprocher de plus en plus. Quasi-étrangers les uns pour les autres dans la première saison, si ce n’est quelques premiers croisements provoqués par leurs enfants, le rapprochement des adultes était essentiellement passé dans la saison 2 par l’intrigue « principale ». Dans ces quatre épisodes, mille et une petites raisons justifient les entrecroisements entre les Lepic et les Bouley. Et même si les deux familles continuent de se considérer l’une l’autre comme des extraterrestres, on sent poindre au fil du temps une amitié entre les personnages, qui contribue à rendre la série chaleureuse (ce qui est le gros avantage de « FPC² » sur son ‘‘équivalent’’ américain, « Modern Family »).
La série renouvelle d’ailleurs des séquences plus portées sur l’émotion et des valeurs positives, introduites en saison 2. Mais elle le fait de façon beaucoup moins forcée et avec beaucoup plus de succès.

Le quatrième épisode propose un de ces stunt casting de vedette dans son propre rôle, qui n’avait pas réussi à la saison précédente. Ça me semble toujours aussi superflu et parfaitement inutile (ils croient vraiment que ça fait venir ne serait-ce qu’un seul téléspectateur à Elephant ?) mais au moins Bruno Solo (puisque c’est de lui qu’il s’agit) est convaincant et son apparition sert le développement du personnage de Denis, qui avance lentement mais surement dans sa « restructuration professionnelle » en cours depuis le premier épisode de la série.

Killer idea !

Cet équilibre retrouvé permet à tous les personnages de redevenir entièrement sympathiques, et l’on retombe amoureux des Bouley – Lepic comme au premier jour.

Par ailleurs, ces quatre épisodes sont parsemés de brillantes petites idées que les scénaristes ont, de plus, l’heureuse idée de ne pas surexploiter. On pense par exemple au passage mémorable et drôlissime de Fabienne Lepic dans la profession de Valérie, à un nouveau personnage incarné par l’un des acteurs régulier de la série introduit à la fin du premier épisode, ou encore au biper particulier dont se retrouve affublé Valérie (pour le coup, celui-ci aurait gagné à ne pas disparaître sans justification et à se faire encore un peu entendre avant l’accouchement).

La série n’est pas parfaite – on voit venir certains des quiproquos à des kilomètres, et la manière dont la série empêche Renaud Lepic d’être mutée est vraiment trop facile et ridicule (alors qu’une autre solution évidente comme le nez au milieu de la figue s’ouvrait aux auteurs). Mais les touts petits défauts ne sont rien face à l’immense plaisir retrouvé que l’on prend devant ces personnages et la juste dose de fantaisie retrouvée.

A ne pas manquer !

Post Scriptum

« Fais pas ci, Fais pas ça »
Eléphant Story / France Télévisions.
Créé par Anne Giafferi et Thierry Bizot.
Saison 3. 8 épisodes de 52 mn.
Scénaristes principaux : Chloé Marçais, Claire Lemarechal et Jean-André Yerles. Réalisé par Alexandre Pidoux.

A partir du mercredi 24 novembre sur France 2 (deux épisodes par soirée).